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Stëmm vun der Strooss : «Nous gérons, mais…»


Alexandra Oxacelay se montre pragmatique en ces temps troublés : « Il faut éviter de paniquer, car ce n'est pas constructif et cela ne fait pas avancer les choses.» (Photo Editpress/Julien Garroy)

La directrice de la Stëmm vun der Strooss, Alexandra Oxacelay, fait le point sur la situation des personnes vulnérables par rapport au coronavirus.

Comment se présente la situation du côté de la Stëmm vun der Strooss, notamment au niveau de vos restaurants ?

Alexandra Oxacelay : La situation est assez chaude car il y a eu beaucoup de questions par rapport aux mesures gouvernementales qui ont été prises, notamment concernant la fermeture des restaurants. Nous-mêmes, on se demandait : peut-on considérer que nos restaurants sont de « vrais » restaurants au sens strict du terme, afin de savoir si nous devions les fermer… Nous avons fait le tour de la question et avons consulté les différents services sur le terrain pour savoir lesquels allaient fonctionner et comment. Et comme il n’y avait pas de directive du ministère de la Santé, on fait un peu comme on pense…

Sans directive du ministère de la Santé, comment avez-vous procédé concrètement ?

Lundi, on a fait rentrer un peu moins de gens que d’habitude dans nos restaurants. Cela dit, nous avons continué à les servir normalement, car nous sommes une structure d’aide. Mais par rapport à la sécurité de nos salariés, avec le président (du conseil d’administration) et le représentant au ministère de la Santé pour la Stëmm, le Dr Arno Bache, nous avons décidé de privilégier la santé des salariés. Pourquoi ? Parce que nous nous sommes dit que si les salariés tombaient malades, automatiquement, on ne pourrait plus aider les gens et on serait obligés de fermer. Après avoir discuté avec les représentants de la Croix-Rouge luxembourgeoise pour savoir comment eux-mêmes géraient leurs propres services de repas, nous avons décidé, selon une position commune, de servir à partir de mardi les repas devant la porte du restaurant. On a donc servi des barquettes à nos bénéficiaires, et si jamais on voit qu’une personne est vraiment malade, à ce moment-là, on intervient tout de suite, car nous savons quoi faire face un potentiel cas. Mardi, la situation était beaucoup plus calme. Je ne vais pas vous dire qu’on est zen et qu’on ne se fait aucun souci, mais il n’y a pas lieu de paniquer !

Vous restez donc sur le pont ?

Évidemment, car nos bénéficiaires attendent de nous qu’on sache quoi faire et qu’on ait une attitude professionnelle – et je pense que nous l’avons. Actuellement, on essaye d’avoir des masques de protection, étant donné que l’armée a des masques et qu’elle peut les distribuer : cela servira à apaiser certaines personnes qui continuent à travailler. En tout cas, jusqu’à nouvel ordre, nous sommes ouverts! Cela étant, nous avons réduit certaines de nos activités.

De manière générale, il n’y a pas lieu de paniquer, et je pense que si c’était le cas, cela empirerait la situation

Quelles sont les activités qui ont été réduites ?

Par exemple l’atelier Schweesdreps, à Esch-sur-Alzette, où l’on s’occupe du linge et qui est actuellement fermé. Du côté de notre structure à Schoenfels (centre post-thérapeutique), il reste uniquement les personnes qui dorment sur place. Les personnes qui effectuent une mesure de réinsertion professionnelle, on les a cordialement invitées à rester chez elles, à partir du moment où elles ont un endroit où se loge. Et cela est effectivement le cas pour toutes les personnes qui travaillent. Celles qui travaillent dans les restaurants, à partir du moment où elles ne sont pas malades, collaborent effectivement avec notre personnel fixe. Les membres de notre personnel qui ne travaillent pas sont « réquisitionnés » pour renforcer les équipes des restaurants de Luxembourg-Hollerich et Esch. Notre service Stëmm Caddy, qui est un atelier thérapeutique proposant des mesures de réhabilitation, de réinsertion professionnelle et de prévention à des personnes se trouvant dans une situation difficile personnellement, socialement, professionnellement ou pour des raisons de santé, est ouvert. Le service récupère des denrées alimentaires provenant des restaurants, mais également de l’enseigne Auchan, qui continue à nous donner, un peu moins que d’habitude certes, étant donné qu’ils sont un peu dévalisés en cette période. Cela fonctionne au jour le jour. De manière générale, il n’y a pas lieu de paniquer, et je pense que si c’était le cas, cela empirerait la situation. Bref, on gère la situation.

Qu’en est-il de la fréquentation de vos restaurants ? A-t-elle baissé ?

La plupart des gens sont fidélisés et ils comprennent la situation. Actuellement, ils mangent sur le trottoir, et fort heureusement nous avons un beau temps, en ce moment.

Comment sont informés les bénéficiaires de la Stëmm des différentes mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le coronavirus ?

Essentiellement par le bouche à oreille et par les institutions qui relaient les informations. Peu d’entre eux ont la radio ou lisent les journaux. Par ailleurs, à Bonnevoie, c’est service réduit actuellement, et les gens entrent individuellement. Ils sont devant les structures d’accueil. Notre priorité reste le service des repas, afin que chacun ait un repas au moins une fois par jour. Mais si quelqu’un a vraiment besoin d’aller aux toilettes, on le laisse entrer, évidemment. S’il s’agit d’un vêtement, nous pouvons lui en fournir un car nous allons les chercher dans les Kleederstuff (collectes et tri de vêtements).

Vos bénéficiaires apparaissent-ils quelque peu nerveux, voire tendus ?

Non, pas plus que d’habitude. Avec la population que nous accueillons, il suffit que l’un d’entre eux soit nerveux un jour pour « contaminer » tous les autres. Mais notre mission est aussi de les rassurer et de les écouter. Il y aura certainement des questions qui vont être posées, par exemple si le foyer de nuit du Findel (de la Wanteraktioun) est ouvert… En tout cas, si l’on voit qu’une personne est très malade, nous sommes en capacité de prendre sa température et d’appeler l’ambulance s’il le faut.

Et votre personnel… Avez-vous pris certaines précautions ?

Chez nous, personne n’est en quarantaine. Jusqu’à présent, on est presque tous sur le pont et personne n’est malade. De plus, aucun de nos employés n’a été testé positif. Nous avons 51 salariés pour gérer cinq maisons. Onze de nos salariés ne sont actuellement pas en service mais pour d’autres raisons diverses et légales.

Et qu’en est-il de vos bénévoles ?

Ils ne viennent plus. Ce sont surtout des personnes âgées qui nous ont demandé si elles devaient absolument venir et nous les avons cordialement invitées se préserver.

Avez-vous eu écho d’une situation critique ? Êtes-vous prêts à gérer une voire plusieurs infections ?

J’ai justement parlé, lundi, avec l’Inspection sanitaire, le Dr Pierre Weicherding m’a dit qu’en cas d’urgence il fallait appeler l’ambulance. Sinon, on est en train de chercher un endroit pour confiner d’éventuels cas positifs. De manière générale, nous nous dirigeons vers l’association Médecins du monde Luxembourg, car nos bénéficiaires n’ont souvent pas de caisse de maladie.

Avez-vous un appel quelconque à lancer ?

Oui ! Si des restaurants ont des denrées alimentaires non périmées, étiquetées, qui respectent les normes en vigueur et qu’ils ont la possibilité de nous livrer – nous pouvons aussi aller les chercher par nos propres moyens –, nous sommes preneurs ! Nous avons gracieusement reçu mardi, par exemple, 3 000 sandwiches d’une société d’aviation. Un grand merci à elle! Si nous pouvions avoir ce genre de gestes, à intervalles réguliers et en quantités raisonnables, nous sommes preneurs. Car nous n’avons pas de grands stocks non plus.

Et en ce qui concerne les vêtements ?

Pour les vêtements, de la même façon, nous sommes preneurs.

Pour conclure, quel est votre état d’esprit actuel ?

Personne ne sait ce qu’il adviendra ni combien de temps cela durera, mais je reste optimiste. En général, le message que je souhaiterais faire passer est qu’il faut éviter de paniquer, car ce n’est pas constructif et cela ne fait pas avancer les choses. Il faut réfléchir à des solutions adéquates, concrètes, et venir en aide aux personnes qui en ont le plus besoin. On se sent soutenus par les autorités, notamment par la personne de contact que nous avons au ministère de la Santé, le Dr Arno Bache, qui travaille avec nous depuis plus de 20 ans.

Entretien avec Claude Damiani

Les chiffres au début de la semaine

Après avoir servi 270 repas lundi dans son restaurant à Hollerich et 73 barquettes dans celui d’Esch-sur-Alzette, la Stëmm vun der Strooss a distribué, mardi à Hollerich, 150 barquettes devant la porte et des boissons à emporter et 67 barquettes devant le restaurant d’Esch-sur-Alzette.

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