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Belles plages, rivières troubles


Si la qualité de l'eau des onze plages du pays est excellente, selon le rapport annuel de l'Agence européenne pour l'environnement, l'état des rivières, lui, reste globalement mauvais. Un vrai paradoxe. (Photo : Archives LQ)

Selon un rapport européen, la qualité de l’eau des onze lieux de baignade du Grand-Duché est excellente. Mais cela ne dit pourtant pas grand-chose sur l’état des rivières…

Le lac de la Haute-Sûre, les étangs de Remerschen et le lac de Weiswampach sont des modèles en Europe, rien que ça! Le Luxembourg peut même se vanter d’être le seul sur le continent où 100% des eaux de baignade sont jugées excellentes. Mais mieux vaut ne pas tremper ses pieds ailleurs…

L’Agence européenne pour l’environnement vient de livrer son rapport annuel sur La qualité des eaux de baignade en 2015 en Europe. A priori, on peut se dire que le Luxembourg est très modestement concerné par la question. Il n’empêche que le Grand-Duché est cité dans le peloton de tête des pays vertueux. Ainsi, on peut lire que «plus de 90 % des eaux de baignade étaient d’excellente qualité dans huit États membres : Luxembourg (intégralité des 11 eaux de baignades identifiées), Chypre (99,1 % des eaux de baignade), Malte (97,7 %), Grèce (97,2 %), Croatie (94,2 %), Italie (90,5 %), Allemagne (90,3 %) et Autriche (90,2 %)». À se demander pourquoi l’on cherche tant à prendre l’avion pour faire trempette à l’étranger! La dépêche de l’AFP lance même : «Les meilleures plages sont au Luxembourg.» N’en jetez plus!

Les onze sites de baignade idylliques se concentrent autour de trois plans d’eau : le lac de la Haute-Sûre, les étangs de Remerschen et le lac de Weiswampach. Les voir sur le dessus du panier n’est d’ailleurs pas nouveau, comme l’explique l’administration de la Gestion de l’eau : «La qualité des eaux de baignade est excellente et stable depuis que l’on y effectue des contrôles bactériologiques, soit dix ans.»

Dit comme cela, tout semble aller pour le mieux sur les rives du pays. Mais ce n’est pas si simple. Les résultats des contrôles réguliers effectués aux abords des plages officielles sont excellents, mais on n’y recherche que deux types de micro-organismes : l’Escherichia coli et les entérocoques intestinaux. Ces deux bactéries se retrouvent dans les appareils digestifs des hommes, des mammifères et des oiseaux, les retrouver en grande quantité dans l’eau indique donc une pollution par matières fécales et «reflète la possible présence de micro-organismes pathogènes dans les eaux», indique le rapport du «Profil d’eau de baignade du lac de la Haute-Sûre», publié par l’administration de la Gestion de l’eau en 2011.

Eaux de pluies et eaux usées

Mais ces analyses ne disent pas grand-chose sur l’état général de la vie dans les cours d’eau. «Cette évaluation n’est pas à confondre avec l’état écologique qui est basé sur l’évaluation des écosystèmes aquatiques et les substances physicochimiques et chimiques», reconnaît le ministère. Et cet état écologique, justement, est mauvais. Selon les stricts critères européens, en 2009, seuls 7 % des cours d’eau étaient dans un bon état…

Sur ce point, l’administration de la Gestion de l’eau est assez fataliste. Elle explique que le problème principal vient du fait que les systèmes d’évacuation des eaux usées sont très souvent couplés avec celui des eaux de pluie. «Après des précipitations importantes, la pluie provoque des débordement dans les cours d’eau de surface et donc un acheminement d’eaux usées diluées et de matières en suspension porteuses de bactéries dans les rivières. Or des pollutions ponctuelles causées par les pluies ne sont pas tolérées par la directive relative aux eaux de baignade.»

La morphologie propre aux cours d’eau luxembourgeois, qui – hormis la Moselle – ont un débit très faible, complique encore un peu plus la tâche. Si bien que «même avec un traitement adéquat des eaux usées, les valeurs à respecter pour les eaux de baignade ne seraient que très difficilement réalisables», avance l’administration de la Gestion de l’eau.

On le voit, le problème est général sur le territoire national. Mais si l’ampleur des améliorations à effectuer est considérable, les acteurs ne baissent pas les bras. «Des investissements sont programmés pour séparer le flux de l’eau de pluie et l’eau usée, surtout dans les nouveaux projets d’habitation, mais aussi dans les canalisations plus anciennes. C’est un travail de longue haleine.»

Sur la pente vertueuse, malgré tout

Il ne faut donc pas imaginer pouvoir profiter d’une rivière à l’eau parfaitement saine et claire dans un futur proche. «Il n’est pas envisageable que des cours d’eau puissent respecter les normes bactériologiques imposées par la directive 2006/7/CE et puissent donc être déclarées eaux de baignades dans les prochaines décennies.» Le constat est sec, mais réaliste. Il n’est toutefois pas complètement désespéré, puisque le ministère de l’Environnement affirme que l’on avance désormais sur une pente vertueuse. «La qualité écologique va s’améliorer. Le fait de dénouer de façon systématique les réseaux des eaux usées de ceux des eaux pluviales améliorera la qualité bactériologique et écologique des eaux de surface. Nous travaillons avec les communes pour une amélioration progressive.» Bref, tout n’est pas perdu, mais il faut être patient…

Et en attendant que la situation s’améliore, on peut toujours aller piquer une tête en toute quiétude à Remerschen, Lultzhausen ou Weiswampach. Pour peu que le soleil revienne, évidemment !

Erwan Nonet

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