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Violences domestiques : la police intervient en moyenne deux fois par jour


La violence peut être physique, psychologique, sexuelle, verbale, économique... Si certaines décident de se délivrer de l'emprise de leur bourreau une bonne fois pour toutes, pour d'autres le cheminement est plus sinueux. (illustration Alain Rischard)

Une soirée consacrée à la violence domestique s’est tenue mardi à l’hôtel de ville d’Esch-sur-Alzette. Le public a pu échanger par petits groupes avec des représentants d’associations d’aide aux victimes.

Le sujet reste terriblement d’actualité : la police intervient en moyenne deux fois par jour au Grand-Duché (715 l’an dernier) dans le cadre de violences domestiques. Presque 40% des interventions qui ont eu lieu en 2017 ont été effectuées par les forces de l’ordre d’Esch-sur-Alzette.

Sans surprise, l’immense majorité des victimes sont des femmes. «Le sujet est encore tabou, mais il y a quand même eu une amélioration depuis que les femmes peuvent identifier les aides», rapporte Simone Pissinger, de l’ASBL Femmes en détresse.

La «Living Library» de mardi était d’ailleurs l’occasion de mieux connaître ces aides, puisque le public a pu, par tranches de 15 minutes, échanger autour de tables rondes avec les associations représentées. Parmi celles-ci, le service Frauenhaus de Femmes en détresse, qui propose aide et refuge pour femmes avec ou sans enfants, victimes de violence conjugale. «En 2017, nous avons eu 119 demandes d’accueil, dont 38 à Esch», témoigne Christine Renzi.

«Une femme peut faire des demandes dans tous les foyers du pays, mais la plupart choisissent de rester à proximité du lieu de résidence. Par peur, mais aussi parce que les enfants sont scolarisés, qu’elles connaissent les médecins, y ont leurs amis…»

Comme souvent, les foyers manquent de places, et certaines femmes se retrouvent inexorablement sur liste d’attente. «La condition pour rester sur cette liste est d’appeler une fois par semaine, rappelle Christine Renzi. Cela permet de voir le degré de ‘motivation’ de la femme, car ce n’est pas simple de vivre en foyer, avec d’autres femmes, dans une situation très précaire. On établit des scénarii de protection si elle est dans le cheminement de partir et on dispense des conseils, comme cacher le passeport, séparer les comptes bancaires, etc. Puis, quand une place se libère, on va la chercher avec la police, pour des raisons de sécurité.»

217 expulsions l’an dernier

Deux foyers possèdent toutefois une chambre d’urgence. «Si celles-ci sont déjà occupées, le ministère de la Famille peut délivrer un bon d’hébergement pour quelques jours dans un hôtel.»

La violence peut être physique, psychologique, sexuelle, verbale, économique… Si certaines décident de se délivrer de l’emprise de leur bourreau une bonne fois pour toutes, pour d’autres le cheminement est plus sinueux. «Il y a des retours chez le mari, confirme Christine Renzi. Mais ce n’est pas toujours un échec, car certaines reviennent au foyer. Parfois trois fois !»

Un lieu où elles peuvent se sentir en sécurité, d’autant que le refuge dispose d’un bouton d’urgence directement relié à la police. «Mais c’est très rare qu’un homme ose s’approcher du foyer, surtout depuis que nous avons installé des caméras de sécurité, assure Christine Renzi. Ils appellent quelquefois le foyer ou la police, prétextant la disparition de leur femme. La police rappelle alors le mari pour l’informer que sa femme va bien, sans plus de précisions.»

Deux cent dix-sept expulsions de domicile ont été ordonnées par le parquet l’an passé. «Dans le cadre d’une expulsion, l’auteur de violence ne peut pas entrer en contact avec les victimes pendant deux semaines. Il ne peut pas revenir à la maison, les appeler… Les victimes peuvent demander une prolongation de trois mois.

Le problème, c’est que les enfants ne sont pas toujours reconnus comme victimes, et l’auteur peut se servir d’eux pour conserver une emprise sur la mère», déplore Christophe Cardoso, psychologue au sein de PSYea, le service psychologique pour enfants et adolescents victimes de violences domestiques de l’ASBL Femmes en détresse.

Tatiana Salvan

Les enfants, victimes et témoins

Directement victimes de la violence conjugale ou témoins, les enfants portent en eux les séquelles d’un univers familial violent. «Parmi les troubles les plus fréquents, on retrouve une faible estime de soi, de l’anxiété, des problèmes de gestion des émotions, avec des intrusions – des images de scènes violentes ressurgissent dans leur esprit», indique Christophe Cardoso, dont le service a reçu en consultation pas moins de 360 enfants l’an passé.

«Certains enfants ne présentent toutefois pas de symptômes particuliers : c’est tellement l’enfer à la maison qu’ils investissent l’école ou une activité sportive à fond par exemple. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de problèmes plus tard. À l’inverse, ceux qui ont des troubles aujourd’hui ne seront pas nécessairement déséquilibrés à l’âge adulte.» Les symptômes sont extrêmement variables (dépression – d’ailleurs souvent marquée par de l’agressivité chez les garçons –, enfants qui aiment se faire remarquer, qui semblent hyperactifs, mais sont en fait traumatisés…).

La formation des professionnels (enseignants, éducateurs) est essentielle pour repérer et protéger ces enfants. C’est aussi grâce à la sensibilisation des professionnels de l’éducation ou médicaux que sont alertés les services de police au sujet de victimes de la traite humaine. «Nous avons eu le cas de mineurs déclarés comme enfants de l’exploiteur, qui étaient des esclaves domestiques. L’école étant obligatoire, les enseignants ont remarqué la fatigue ou l’absence de ces enfants», raconte une collaboratrice du Coteh, le service d’Assistance aux victimes de la traite humaine de la Fondation Maison de la porte ouverte.

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