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Il y a 40 ans, la dernière exécution d’un prisonnier en France


Le Tunisien Hamida Djandoubi (d), le 24 février 1977 à Aix-en-Provence. (Photo : AFP)

«J’entends un bruit sourd. Je me retourne – du sang, beaucoup de sang, du sang très rouge -, le corps a basculé dans le panier»: le 10 septembre 1977, Hamida Djandoubi, 27 ans, est guillotiné à Marseille – la dernière exécution d’un condamné à mort en France.

Monique Mabelly, doyenne des juges d’instruction de la ville, a été désignée pour faire partie des témoins de la scène. En rentrant chez elle, elle consigne par écrit ses impressions. Le document est rendu public dans Le Monde en 2013 par l’ancien garde des Sceaux Robert Badinter, qui a fait abolir la peine de mort en 1981.

La magistrate décrit toute la scène, du moment où le condamné est réveillé jusqu’à cette effusion de sang, rincée par un gardien avec un tuyau d’arrosage pour «vite effacer les traces du crime». Elle s’attarde aussi sur le physique de Djandoubi, un Tunisien condamné pour avoir torturé et tué son ex-compagne: «Il est jeune. Les cheveux très noirs, bien coiffés. Le visage est assez beau, des traits réguliers, mais le teint livide et des cernes sous les yeux. Il n’a rien d’un débile, ni d’une brute».

Selon l’historien Jean-Yves Le Naour, qui a dressé son portrait dans «Le dernier guillotiné», cet aîné d’une famille de huit enfants subit les coups et les brimades de sa mère à Tunis durant toute son enfance. A 19 ans, il quitte son pays. Décrit comme «un garçon doux, docile, travailleur et honnête», qui a du succès auprès des femmes, il a la jambe broyée par un motoculteur en 1971. «C’est depuis ce jour-là que par moment, je me rends compte que je ne suis pas normal», assure-t-il à son procès: «J’en ai voulu à tout le monde, et en particulier aux femmes».

A l’hôpital, il rencontre Elisabeth Bousquet, 19 ans. Très vite, leur idylle vire au sordide: Hamida bat Elisabeth et la prostitue contre son gré. En mai 1973, elle porte plainte contre lui, mais la procédure n’aboutit pas.

«Silence angoissant»

Quand Elisabeth retombe sur Hamida plus d’un an après, le jeune homme forme un ménage à trois avec deux jeunes filles qu’il séquestre et prostitue. Sous les yeux de ses deux prisonnières, il la torture et finit par l’étrangler dans un cabanon de Lançon-de-Provence, près de Marseille. Le 25 février 1977, Hamida Djandoubi est condamné à la peine de mort. Il se pourvoit en cassation, sans succès.

Près de six mois plus tard, le 10 septembre, il est réveillé peu avant 04h00 du matin pour son exécution. Il met sans un mot sa prothèse de jambe avant d’être conduit sans résistance jusqu’à un préau de la prison marseillaise des Baumettes. «Il y a un silence particulièrement angoissant, et pourtant il y a près de 30 personnes autour du condamné. Tout cela dure près de 40 minutes. C’est évidemment trop long et insupportable», raconte au lendemain de l’exécution Me Jean Goudareau, un de ses avocats.

Attablé pour boire un verre de rhum et fumer deux cigarettes, Hamida Djandoubi ne laisse aucun mot sur la feuille mise à sa disposition. «Cet homme va mourir, il est lucide, il sait qu’il ne peut rien faire d’autre que de retarder la fin de quelques minutes», note Monique Mabelly.

Hamida Djandoubi se voit refuser une troisième cigarette par le bourreau, qui s’impatiente. On lie alors prestement ses mains avec une cordelette, on coupe le col de sa chemise, avant d’avancer la guillotine dans la cour. Quelques instants plus tard, il est mort.

Après Christian Ranucci en juillet 1976, pour l’enlèvement et le meurtre d’une fillette, et Jérôme Carrein en juin 1977 pour l’enlèvement, le viol et l’assassinat d’une autre fillette, Djandoubi est le troisième condamné exécuté sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing – qui s’était pourtant dit hostile à la guillotine pendant la campagne présidentielle de 1974.

C’est sous la présidence de son successeur François Mitterrand, par la loi du 9 octobre 1981, que la peine de mort sera abolie en France. En février 2007, le président de la République Jacques Chirac fait inscrire dans la Constitution française que «nul ne peut être condamné à la peine de mort».

Le Quotidien/AFP

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