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Le rêve américain tourne au cauchemar pour les sans-papiers en Californie


Esteban Yanez avec sa fille Samantha, à Perris en Californie. (photo AFP)

Chaque jour de la semaine, toute l’année, Esteban Yanez se lève à l’aube et part travailler sur un chantier à Perris, ville à forte population hispanique au sud de Los Angeles. Le week-end, il enchaîne les petits boulots pour gagner un peu plus d’argent.

Même si ce père de quatre enfants âgé de 49 ans paie des impôts et cotise pour la retraite, il n’a droit à aucunes vacances ni assurance-santé. Mexicain, Esteban Yanez est l’un des quelque 11 millions de sans-papiers qui vivent aux Etats-Unis, et se retrouvent au coeur d’un débat présidentiel houleux.

Donald Trump, le magnat de l’immobilier et candidat républicain à la Maison Blanche, a multiplié les attaques contre les Mexicains qu’il a qualifiés notamment de violeurs et criminels, promettant de construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique.

Le statu quo de la Cour suprême cette semaine, qui bloque de facto des mesures annoncées en 2014 par le président américain Barack Obama pour protéger quatre à cinq millions de clandestins d’une expulsion, complique encore la situation. Esteban Yanez, lui, se sent blessé. Et en colère.

« Je suis venu ici il y a 16 ans à la recherche du rêve américain et pour offrir à mes enfants un meilleur avenir », a-t-il raconté après une journée de travail de 12 heures. « Je fais le travail ingrat que seuls les immigrants veulent bien faire », ajoute-t-il.

« Ils vont rester »

Près d’un quart des immigrants en situation irrégulière du pays (2,67 millions de personnes) vivent en Californie, où ils représentent plus de 6% d’une population de 39 millions de personnes, d’après l’Institut de politiques publiques de Californie.

La plupart d’entre eux viennent du Mexique et travaillent dans l’agriculture, la construction, le ménage, prennent soin d’enfants, de personnes âgées, de jardins, ou s’occupent de déménagements. Et, soulignent les militants qui défendent leurs droits, paient près de 12 milliards de dollars d’impôts locaux et fédéraux chaque année sur l’ensemble des Etats-Unis sans profiter des services publics qu’ils financent.

« Nous travaillons, nous cotisons, nous ne recevons rien et nous ne faisons de mal à personne », soupire Maria Delosangeles, 52 ans. Arrivée aux Etats-Unis du Mexique il y a 18 ans, elle travaille comme femme de ménage.

« Ces gens font autant partie de notre paysage et notre culture que quiconque », insiste Harold McClarty, un agriculteur du centre de la Californie, le verger de l’Amérique. « C’est ridicule de dire qu’on va les renvoyer d’où ils viennent parce que ce n’est pas seulement difficile à mettre en oeuvre, c’est immoral », ajoute l’agriculteur.

L’Amérique aurait faim

Harold McClarty et d’autres partisans d’une réforme migratoire assurent que si les millions de clandestins étaient expulsés, comme le souhaite Donald Trump, l’Amérique ne pourrait plus manger à sa faim.

Ils agitent l’exemple de la Géorgie, dans le sud-est, où une loi de 2011 forçant les employeurs à des contrôles plus exhaustifs et autorisant les visites inopinées de la police s’est traduite par un manque de main d’oeuvre… et des dizaines de millions de dollars de denrées qui n’ont pu être récoltées avant de pourrir sur place.

« L’économie du pays s’effondrerait si nous n’avions pas de travailleurs sans-papiers », affirme José Antonio Vargas, un journaliste et militant lauréat du prestigieux prix Pulitzer, lui-même en situation irrégulière.

« Trump a amorcé une discussion et d’une certaine façon c’est à nous d’en profiter et de décider si nous voulons rester cachés ou montrer qui nous sommes vraiment », insiste-t-il. Agé de 35 ans, il est né aux Philippines puis a été élevé par ses grands-parents aux Etats-Unis à partir de ses 12 ans.

Jaime et Ana Flores sont eux arrivés du Mexique à Perris il y a 27 ans. Il font maintenant tourner leur propre société de jardinage et savent qu’ils risquent à tout moment la déportation. « Nous avons quitté notre pays parce qu’on n’avait pas d’autre choix si nous voulions un avenir », fait valoir Jaime, 50 ans.

Leurs deux enfants nés ici sont citoyens américains: leur fils de 25 ans travaille dans la finance, leur fille de 21 ans veut devenir vétérinaire. « M. Trump doit se rendre compte qu’à chaque fois qu’il mange une salade, ou des légumes, ou un fruit, c’est un immigrant qui l’a cueilli », se désole Ana, 44 ans. « Nous sommes fiers de ce que nous sommes et n’avons rien à cacher, sauf que nous n’avons pas de papiers. »

Le Quotidien / AFP

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