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Procès Weinstein : le jury commence ses délibérations


À New York, le producteur de cinéma sortant du tribunal aidé de son déambulateur. À sa droite, son avocate, Donna Rotunno (photo : AFP).

Le jury d’un tribunal pénal de Manhattan se réunit ce mardi matin pour entamer ses délibérations après trois semaines et demie de procès du producteur Harvey Weinstein, dont le sort paraît incertain.

Celui qui fut jadis le producteur de cinéma indépendant le plus puissant au monde est-il coupable de viol et d’agression sexuelle, avec comportement prédateur comme circonstance aggravante? C’est la question à laquelle vont devoir répondre à l’unanimité les douze jurés du procès. En cas de désaccord persistant sur tout ou partie des cinq chefs d’accusations, le procès serait annulé et un autre procès vraisemblablement organisé, avec de nouveaux jurés.

S’il est reconnu coupable de tous les chefs d’accusation, Harvey Weinstein (67 ans) encourt la prison à perpétuité compte tenu de la circonstance aggravante. Sa peine serait alors déterminée ultérieurement par le juge James Burke, qui a présidé aux débats. Il s’agirait de la première reconnaissance de culpabilité dans une affaire post-#MeToo, celle de l’acteur Bill Cosby résultant de poursuites entamées en 2015.

«Il est probablement coupable. Ce n’est pas suffisant.»

Si six femmes se présentant comme victimes ont témoigné au procès, parmi les plus de 80 qui ont accusé le producteur, seules deux sont au centre des débats, le reste des faits allégués étant prescrit. D’une part l’ancienne assistante de production Mimi Haleyi, qui affirme avoir été agressées sexuellement dans l’appartement new-yorkais d’Harvey Weinstein, en 2006. D’autre part l’ancienne aspirante actrice Jessica Mann, qui assure, elle, avoir été violée par l’ancien patron du studio Miramax, dans une chambre d’hôtel en 2013.

Tout au long du procès, Harvey Weinstein a été décrit avec constance comme manipulateur, agressif, accroc au sexe, cynique, mais pour l’envoyer en prison, il faut la conviction qu’il a commis un acte criminel. « On ne vous demande pas d’aimer M. Weinstein. Ce n’est pas un concours de popularité », a exhorté l’une des avocates de la défense, Donna Rotunno, lors de sa plaidoirie, jeudi. « L’accusé n’a pas à prouver qu’il est innocent », a-t-elle poursuivi. « Peut-être est-il coupable, il est probablement coupable. Ce n’est pas suffisant. »

Un témoignage confus et imprécis

Dans un dossier sans preuve matérielle ni témoin, concernant des faits anciens, qui plus est rapportés longtemps après, tout est suspendu au témoignage des deux victimes présumées. Or l’un de ces deux témoignages, celui de Jessica Mann, a été nettement fragilisé lors de son contre-interrogatoire par la défense. La trentenaire a admis avoir entretenu une relation avec Harvey Weinstein durant plusieurs années après les faits, marquée par des rapports sexuels sans opposition de sa part.

Soumise à un déluge de courriers électroniques postérieurs au viol présumé, dans lesquels elle disait son affection pour l’accusé, Jessica Mann s’est montrée confuse et imprécise. La défense a également présenté au jury des correspondances entre Mimi Haleyi et Harvey Weinstein intervenues après l’agression sexuelle présumée, l’assistante de production usant d’un ton chaleureux et initiant d’elle-même le contact.

Le mouvement #MeToo à un tournant

Tout au long des débats, la défense a cherché à présenter les deux jeunes femmes comme opportunistes, décidées à tirer partie d’Harvey Weinstein pour s’ouvrir les portes d’Hollywood, quitte à consentir à des rapports sexuels.

La procureure Joan Illuzzi-Orbon et son adjointe Meghan Hast ont elles souligné qu’en fait d’opportunités, elles n’avaient quasiment rien obtenu du magnat d’Hollywood. L’accusation a aussi rappelé qu’aucune des deux femmes n’avait attaqué en justice Harvey Weinstein pour obtenir réparation financière et qu’elles n’avaient aucun intérêt à venir témoigner au procès.  « Ont-elles semblé heureuses d’être au prétoire? », a lancé vendredi Joan Illuzzi Orbon. « Elles ont sacrifié leur dignité, leur intimité, leur quiétude dans l’espoir de faire entendre leur voix. »

Un verdict de culpabilité constituerait un tournant majeur pour le mouvement #MeToo, mais aussi pour la jurisprudence de ce type d’affaires, qui donnent très rarement lieu à des condamnations. Si le jury exonérait, au contraire, l’accusé, il fragiliserait le prolongement du mouvement devant les tribunaux.

Même en cas d’acquittement, Harvey Weinstein aurait néanmoins encore à répondre d’autres inculpations pour deux agressions sexuelles à Los Angeles, annoncées début janvier.

LQ/AFP

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