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Christian Scharff : «Vous aurez 7 ou 8 métiers dans votre vie»


(Photo: François Aussems)

La troisième révolution industrielle, c’est maintenant! Et le Grand-Duché a de sérieux atouts, détaille Christian Scharff, le président d’IMS Luxembourg.

Internet des objets, énergies renouvelables, mobilité connectée, FinTech… Le Luxembourg est en train de mettre les gaz dans tous les secteurs clés de cette troisième révolution industrielle dont on parle beaucoup. Sans forcément mesurer l’impact qu’elle va avoir sur nos vies, prévient le président d’IMS Luxembourg, un réseau d’entreprises actives en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et qui représente 15 % de la masse salariale luxembourgeoise.

Le Luxembourg investit de plus en plus dans la nouvelle économie (robotique, data centers, objets connectés)… Est-il à l’avant-garde de la troisième révolution industrielle?

Christian Scharff : Je ne dirais pas qu’on est à l’avant-garde. On est plutôt dans le premier quart du peloton. Par contre, derrière nous, le monde bouge à grande vitesse. Si on prend le sujet de l’éducation, les pays nordiques sont très avancés. Pour la cybersécurité, c’est Israël qui est champion du monde… Il y a un certain nombre de pays qui ont ainsi, sur des clusters particuliers, une forme d’excellence. Ce qui distingue de plus en plus le Luxembourg, c’est qu’on commence à obtenir des scores corrects sur beaucoup de ces sujets, en même temps. Et ça c’est un sérieux atout. En termes de cybersécurité ou de requalification professionnelle par exemple, le Luxembourg commence à avoir une ambition européenne…

Vous parlez de la requalification… Le Luxembourg dispose actuellement d’une main-d’œuvre plutôt bien formée. Deux emplois sur trois qui s’y créent nécessitent un bac+5. Cela ne suffit-il pas pour envisager sereinement l’avenir?

Le problème qu’on va tous avoir, dans les années qui viennent, c’est la transformation de nos jobs. Prenons l’exemple du vôtre : est-ce que demain, un robot journaliste écrira des articles à votre place? Si oui, quelle sera votre place? Devrez-vous apprendre à manipuler ces robots, voire à changer de métier? Ces modèles-là de requalification, on commence à y réfléchir sérieusement au Luxembourg, et il y a déjà des initiatives pour requalifier de façon rapide et profonde des gens.

En d’autres termes, comment apprendre en trois mois un nouveau job?

Sachez que c’est possible, et sans passer par la case chômage! Quand on y réfléchit, c’est assez révolutionnaire. Car on ne peut pas faire du digital ou de l’économie circulaire si on n’a pas de gens qualifiés : tout cela est interdépendant. L’avantage de l’initiative luxembourgeoise sur la troisième révolution industrielle, c’est de vouloir avancer sur tous ces sujets à la fois, et d’avoir chargé les ministres concernés de trouver un plan d’action pour ces sujets. Donc on est en train de décoller en poussant toutes les manettes de gaz en même temps. Du coup, l’ensemble de l’écosystème progresse. Israël est le champion de la cybersécurité; le Luxembourg, lui, veut plutôt progresser dans tous les sujets, et en faisant cela, il deviendra le « best in class ».

L’employé de demain devra être avant tout flexible?

Je pense que ce qui comptera, ce n’est pas d’être le super expert en FinTech ou autres, mais plutôt la capacité à être ouvert, à apprendre, à se remettre en cause. Ma mère était institutrice, mon père boucher, ils ont gardé le même métier toute leur vie. Moi j’en suis à mon 4e métier. Et demain, je pense que vous, les jeunes, en aurez 7 ou 8 dans votre vie. Et c’est plutôt cool!

Et les entreprises? Vous avez réalisé une étude qui montre que certaines risquent de se prendre le « mur digital » à très court terme.

Oui, on a fait une enquête auprès d’une quinzaine de chefs d’entreprise. La première question, c’était est-ce que ces entreprises avaient un plan digital. Elles ont répondu oui à 80 % : « oui, on y pense », « on s’y intéresse », « on est dedans ». Le sujet est donc sur la table. La deuxième question était de savoir si elles connaissaient les conséquences du plan digital sur leur personnel – développement de la robotique, de blockchains, etc. Là, à l’inverse, 10 à 15 % des entreprises avaient vraiment réfléchi aux conséquences pour les salariés. Donc tout le monde veut le digital, mais personne ne réfléchit au « comment ». Et enfin, troisième question, quand est-ce que vous allez taper le mur, donc être face à de grosses difficultés liées à l’arrivée du digital? Eh bien le plus long que l’on ait obtenu, c’était trois ans.

Trois ans au mieux? C’est plutôt effrayant, non?

Il ne faut pas avoir peur du futur. Ce n’est pas trop tard, mais il est grand temps de se réveiller. On a une capacité d’adaptation assez grande au Luxembourg, et on a la chance d’avoir des entreprises qui sont pour la plupart à taille humaine, donc qui sont plus flexibles. Mais si vous regardez les tendances, la prise de conscience s’accélère. En 2015, la majorité des entreprises ne voyaient pas ces sujets digitaux comme prioritaires, alors qu’en 2017, il n’y a plus que 20 % d’entre elles qui le pensent. Maintenant, le vrai challenge, c’est de transformer ces plans en action et que les salariés puissent suivre le mouvement, en acquérant de nouvelles compétences. Et là-dessus, je trouve que le ministère du Travail a très bien compris le défi.

Suite dans Le Quotidien papier du lundi 6 novembre

Entretien avec Romain Van Dyck

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