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Critiquée par l’UE et le Grand-Duché, la Pologne réplique


"J'entends des menaces, beaucoup de critiques, principalement dans la presse, mais les contacts directs manquent", explique l'ambassadeur. (Photo Hervé Montaigu)

L’ambassadeur de Pologne, Bartosz Jalowiecki, répond aux critiques émanant de l’UE et du Luxembourg sur la politique menée par le nouveau gouvernement polonais.

Les conservateurs du parti Droit et Justice (PiS) ont obtenu une majorité absolue au Parlement à l’issue des législatives du 25 octobre. Depuis, le nouveau gouvernement est accusé de dérive autoritaire.

Que pensez-vous des déclarations de Jean Asselborn de ces dernières semaines pour qui le nouveau gouvernement polonais « rappelle l’Union soviétique » et qui a évoqué « des dérives effrayantes »?

Bartosz Jalowiecki : Vous savez, entre 80 et 90% des Polonais soutiennent l’intégration européenne et notre appartenance à l’Union européenne. Nous voyons l’UE comme une famille de nations. Dans une famille, si vous êtes inquiet pour quelqu’un, que faites-vous ? Vous appelez la personne en question, vous la rencontrez, vous lui parlez. Et je ne vois pas assez ce genre de démarche. J’entends des menaces, beaucoup de critiques, principalement dans la presse, mais les contacts directs manquent. J’espère que j’aurai une chance de parler avec M. Asselborn pour lui dire ce qui se passe actuellement en Pologne.

La comparaison avec le communisme me touche personnellement. Je ne suis pas seulement issu d’une génération qui a vécu sous le communisme. Mon père a fait de la prison sous le régime communiste. Nous avons été contraints de quitter la Pologne, nous étions des réfugiés politiques. Aujourd’hui, même un enfant serait capable de faire la différence entre la réalité polonaise actuelle et le régime communiste. Si quelqu’un se lance dans une telle comparaison, cela veut dire que cette personne ne connaît absolument rien de la période communiste ou pas assez. Et alors que désormais, l’Ouest et l’Est sont unis au sein de l’UE, les leaders politiques devraient connaître un peu mieux le communisme qui est responsable de la mort de 94 millions de personnes.

Pourtant, la Commission européenne s’inquiète du respect de l’État de droit en Pologne après la vote de la loi sur les médias publics la semaine dernière ?

Pour moi, ces critiques ne sont pas justifiées. Ce qui se passe, c’est que la nouvelle loi réorganise la supervision des médias publics. Le ministre du Trésor désignera les directeurs des médias publics. Ce n’est pas quelque chose d’inhabituel au sein de l’UE que les gouvernements nomment les directeurs des médias publics. Par exemple en France, c’est le président de la République qui le fait. Je me souviens en 2009, quand cette réforme a été introduite par Nicolas Sarkozy, il y avait également une forte opposition des journalistes, ils ont même fait grève. Mais cela ne veut pas dire que cette loi restreint la liberté de la presse.

Elle est un moyen de mieux gérer, notamment du point de vue financier, les médias publics. Je pense que M.  Oettinger (NDLR  : Günther Oettinger, commissaire européen au Numérique, qui a déclaré dimanche que « beaucoup de choses plaident pour que nous placions Varsovie sous surveillance ») devrait regarder comment est gérée la supervision des médias publics dans les autres États membres.

Je ne connais aucun journaliste en Pologne qui a été renvoyé ou dont les articles ont été censurés depuis que le nouveau gouvernement est aux affaires, c’est-à-dire depuis fin octobre. Je ne comprends vraiment pas pourquoi la Pologne est actuellement harcelée à ce point.

Il y a en tous cas, le sentiment que le PiS veut contrôler tous les leviers du pouvoir et éliminer toute opposition, notamment avec la réforme du Tribunal constitutionnel (NDLR : qui devrait lui permettre de bloquer facilement les avis défavorables du tribunal).

Dans un système électoral à la proportionnelle, il est très rare qu’un seul parti gagne les élections et soit en mesure de former seul un gouvernement. C’est la première fois que ça arrive en Pologne. Quand un seul parti sort vainqueur des élections, il veut appliquer l’ensemble de son programme et cela peut paraître un petit peu radical, je l’admets.

Ce flot de critiques à l’encontre de la Pologne est-il selon vous révélateur de la fracture entre l’Ouest et l’Est de l’Europe?

C’est un sujet de substitution, une diversion, car certains politiciens sont fatigués de parler de la crise migratoire, qui est le réel problème auquel nous faisons face en Europe.

Une crise migratoire vis-à-vis de laquelle les divisions sont criantes en Europe…

Disons qu’il y a un fossé entre les politiciens qui mettent en avant les « bons sentiments » et ceux qui font preuve de réalisme. Nous disons depuis le début que nous devons avoir le contrôle des frontières extérieures de l’UE. Nous ne pouvons pas avoir une situation où seulement 20  % des migrants qui arrivent en Europe sont enregistrés. De nombreux Européens s’inquiètent du fait que ce ne sont pas seulement ceux qui en ont vraiment besoin qui entrent en Europe. Nous avons vu que des individus mêlés au terrorisme sont arrivés par le Sud sans avoir subi les contrôles nécessaires.

Nous disons également que la répartition des migrants entre les États membres semble être la bonne solution, sur le papier. Mais dans la pratique, que faites-vous des personnes qui ne veulent pas aller dans votre pays? Nous pourrions dire que nous acceptons absolument tout le monde en Pologne, ça ferait bien sur le papier. Mais dans la pratique, les jours suivant leur arrivée, ils iront en Allemagne parce que c’est là que les membres de leur famille, leurs amis vivent et que l’Allemagne est plus riche. Si nous prenons notre quota de 7  000  migrants, comment faire pour les empêcher d’aller en Allemagne? Nous devrons alors rétablir les contrôles aux frontières. Ce système de quotas va, in fine, aboutir à la destruction totale de l’espace Schengen. Sans oublier que nous accueillons déjà des centaines de milliers de réfugiés ukrainiens.

Entretien avec Nicolas Klein

2 plusieurs commentaires

  1. Franco PIODI

    Le PiS est en train de réduire l’espace de rendre plus facile l’exercice de son pouvoir, notamment en rendent plus difficile à la magistrature de prendre des arrêts contraires à ses décision et s’assurant la fidélité des administrateurs des médias publiques.
    Tout ça est regrettable: le PiS ne fait pas preuve d’un grand esprit démocratique, mais il n’a pas encore atteint le niveau critique et la Pologne reste un pays où le journalistes peuvent écrire en toute liberté sans craindre rien et les règles de la démocratie sont respectées.
    La réaction de l’UE est exagérée et inspirée par des partis et hommes politiques proches de l’opposition polonaise. Ce n’est pas la première fois qui ça se passe: je me rappelle le boycottage institutionnel contre l’Autriche après des élections, qui avaient porté à la défaite des socialistes et la victoire de la droite. On peut pas utiliser les pouvoirs de l’UE pour des raisons politiques, car ces pouvoirs sont importants et doivent être utilisés avec prudence

  2. Michel Peyret

    La Pologne, pas plus que ses voisins, n’a connu le communisme!
    Tout lecteur de Marx le sait tout de suite!
    Cordialement.

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