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Des archives contre les violences conjugales


«La documentation des blessures est totalement indépendante du dépôt d'une plainte pénale», a précisé, hier, le ministre de la Justice, Félix Braz, aux côtés de la ministre de la Santé, Lydia Mutsch. (Photo : Alain Rischard)

C’est un nouveau concept. L’unité de documentation médicolégale des violences a été présentée jeudi et servira surtout aux victimes de violences conjugales.

Elles n’osent pas franchir le pas et déposer une plainte contre celui qui les a violentées. Alors elles pourront, si elles le désirent, faire constater leurs blessures par un médecin-légiste qui conservera pendant 10 ans cette documentation qui pourra servir devant un tribunal comme preuve légale si la victime décide un jour de porter plainte.

Pas facile pour une femme victime de violences conjugales, comme pour un homme même si les cas sont plus rares, de se rendre auprès de la police ou du parquet pour déposer plainte. Surtout si ces violences interviennent pour la première fois, les victimes ont tendance à donner encore une chance à leur conjoint ou compagnon.

En revanche, si ces violences se font plus fréquentes, les victimes franchissent alors le pas. Mais au moment de porter plainte, seul le dernier certificat médical pourra servir de preuve. C’est pour que les blessures antérieures puissent être reconnues devant un tribunal que le gouvernement met en place le projet dit «Opferambulanz», désigné en français par «unité de documentation médicolégale des violences». De véritables archives qui contiendront les certificats établis par des médecins-légistes et conservés secrètement au Laboratoire national de santé (LNS).

Quand une victime se rend dans un hôpital ou chez un médecin à la suite de violences conjugales, elle n’a pas forcément envie d’alerter la police. Cependant, le médecin qui constate les blessures et soupçonne un cas de maltraitance doit suggérer à la patiente de faire appel à l’unité de médecine légale qui, sur demande expresse de la victime majeure, se déplacera pour établir un certificat, appelé documentation. Les services de l’unité de documentation médicolégale des violences sont gratuits pour la victime.

Ces médecins légistes déposent alors cette documentation dans une archive spécialement prévue à cet effet et isolée des autres au LNS à Dudelange. Elle est conservée pendant 10 ans, durée qui correspond au délai de prescription du crime commis. Il est bien entendu que ni la police ni le parquet ne sont avertis. «La documentation des blessures est totalement indépendante du dépôt d’une plainte pénale qui n’est en aucun cas un préalable exigé de la part de la victime afin de pouvoir avoir recours aux services de l’unité de documentation médicolégale des violences», décrit en substance Félix Braz, ministre de la Justice, qui présentait hier le projet aux côtés de Lydia Mutsch, la ministre de la Santé, et du Dr Andreas Schuff, chef du très récent département médicolégal.

Le jour où la victime décidera de porter plainte, elle pourra alors se servir de la documentation conservée dans les archives comme preuve légale. Et c’est toute la différence. Actuellement, même si une victime a consulté un médecin pour des blessures antérieures, les certificats médicaux établis ne comportent aucune approche de médecine légale et de ce fait «cette documentation ne renseigne pas tous les éléments nécessaires à une poursuite pénale», indique le ministre.

Il a fallu en outre modifier deux lois existantes en prévision du projet «Opferambulanz». Par exemple, l’article 23 du code d’instruction criminelle qui oblige les médecins-légistes, en tant qu’agents chargés d’une mission de service public à dénoncer systématiquement les cas des victimes d’un délit. Les légistes de l’unité de documentation comme les personnels soignants ne seront plus tenus à cette obligation.

Sous un pseudonyme

Les intervenants ont assuré que la victime gardait le contrôle et la maîtrise sur sa documentation. «Ce pouvoir de contrôle de la victime s’entend bien sûr sans préjudice des pouvoirs des autorités répressives si les faits en cause font finalement l’objet d’une enquête ou d’une instruction préparatoire», précise-t-on encore.

L’identité de la victime doit être constatée lors du premier contact, mais elle est ensuite enregistrée sous un pseudonyme. «Tout traitement ultérieur de la documentation et des données personnelles de la victime se fait à l’aide d’un système ne révélant pas l’identité de la victime, comme un système de code-barres par exemple. Il est indispensable que l’identité de la victime ait été constatée, notamment afin de permettre au Laboratoire national de santé lors de tout contact ultérieur de s’assurer qu’il s’agit effectivement de la victime en cause», explique Lydia Mutsch.

Ce projet de loi est lié à celui sur la reconnaissance des qualifications professionnelles qui vise entre autres à clarifier la situation juridique de la médecine légale au Luxembourg. Il a été élaboré conjointement par des représentants des parquets, de la police, du ministère de la Justice, du ministère de la Santé, du ministère de l’Égalité des chances et les médecins-légistes du Laboratoire national de santé.

Geneviève Montaigu

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