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Les robots ne feront pas la loi !


Les robots ont commencé à envahir notre société. La commission des Affaires juridiques du Parlement européen veut être précurseur en établissant un cadre légal pour leur utilisation. (photo AFP)

La robotisation continue de faire son chemin pour devenir dans certains secteurs une assistance ou une main-d’œuvre indispensable. Pourtant, elle n’est pas soumise à un cadre légal.

Les robots sont de plus en plus présents dans notre société moderne, que ce soit au niveau de l’industrie, de la santé, des prothèses, des voitures et de l’agriculture ou encore dans le domaine des infrastructures et travaux sous-marins.

Sans même aller dans la science-fiction ou dans des champs de compétences qui requièrent de la haute technologie, la robotique se trouve aujourd’hui au cœur même de nos foyers au travers d’une multitude d’objets connectés qui sont au final la porte d’entrée de l’intelligence artificielle ou du cloud (exploitation de la puissance de calcul ou de stockage de serveurs informatiques distants par l’intermédiaire du net) qui se trouvent derrière.

L’augmentation croissante de l’utilisation de robots dans le monde a mis en exergue certaines interrogations à Bruxelles : qu’en est-il de la responsabilité à l’égard d’un robot lors d’un accident, une défaillance ou une mauvaise utilisation. Depuis un an, la commission des Affaires juridiques du Parlement européen planche sur le projet d’un cadre légal pour l’utilisation des robots. Mady Delvaux, eurodéputée luxembourgeoise (Alliance progressiste des socialistes et démocrates, S&D), fait partie de cette commission. Elle est venue présenter les premières recommandations sur le sujet lors d’une conférence de presse à la Maison de l’Europe. Le sujet est passionnant et ouvre la porte à de nombreuses interrogations.

Le Dr Matthieu Farcot, le conseiller juridique de Smile, et l'eurodéputée Mady Delvaux ont présenté, vendredi, le projet d'un cadre juridique européen pour l'utilisation des robots dans notre société. (photo Fabrizio Pizzolante)

Le Dr Matthieu Farcot, le conseiller juridique de Smile, et l’eurodéputée Mady Delvaux ont présenté, vendredi, le projet d’un cadre juridique européen pour l’utilisation des robots dans notre société. (photo Fabrizio Pizzolante)

Définir la notion de robot

« Le marché de la robotique est grandissant et l’Europe est déjà en retard, mais il y a des questions urgentes auxquelles nous devons trouver des réponses, comme par exemple établir un cadre légal pour les voitures sans conducteur qui seront bientôt commercialisées, surtout que selon la Convention de Vienne (NDLR : qui régit les règles de base de la circulation routière dans le monde) , il est interdit de faire circuler un véhicule sans une personne à bord », a souligné Mady Delvaux. L’eurodéputée met également en avant la nécessité de prendre en compte les notions d’éthique et de respect de la personne, surtout dans le secteur médical.

Mais pour pouvoir encadrer juridiquement les robots, il faut tout d’abord être capable de définir ce qu’est un robot. Pour le Dr Matthieu Farcot, conseiller juridique au groupement d’intérêt économique Security made in Lëtzebuerg (Smile), « la robotique est un cadre très large et la définition la plus simple d’un robot est la capacité décisionnelle autonome d’un objet ou d’une machine ». À l’image d’un frigo connecté capable de se réapprovisionner tout seul, d’un drone capable de se stabiliser automatiquement et de se diriger via des points GPS, d’un robot d’accueil ou d’un service connecté. Même si, pour le moment, à propos des objets connectés, on parlera davantage d’«internet des objets» (IdO, ou IoT en anglais).

« Ce secteur, l’internet des objets, peut déjà nous donner un aperçu de la situation du marché de la robotique de demain et de quelques problèmes, notamment au niveau des conditions générales d’utilisation (CGU), de la garantie légale de conformité, du caractère intrusif de l’objet connecté et de la sécurité », souligne Matthieu Farcot. Ce dernier explique, sans leur en faire le reproche, que tous les jours des consommateurs acceptent des conditions générales d’utilisation sans les avoir lues. Tout le monde a déjà eu affaire au fameux «je déclare avoir lu les conditions générales et en accepter les termes».

Ne pas perdre de temps

« Lorsque l’on s’attarde sur les CGU, on peut y découvrir des conditions assez surprenantes, même si ce n’est pas une généralité dans le secteur », précise Matthieu Farcot, d’où la nécessité d’apporter des solutions au bénéfice des citoyens. Elles passent par un cadre juridique pour la robotique afin de mettre un terme aux nombreux flous juridiques dans le domaine.

Pour cela, Mady Delvaux a expliqué que la commission des Affaires juridiques a établi un certain nombre de recommandations. Parmi elles, la création d’une Agence européenne de la robotique, la définition des principes auxquels les robots doivent obéir, la proposition d’une charte de recommandations pour les comités d’éthique spécifiques au domaine d’application, l’établissement de licences pour les utilisateurs de robots, la surveillance du développement du marché du travail afin de comprendre la création ou la destruction de tâches dues à la numérisation et à l’automatisation, et enfin l’élaboration d’une législation non rigide à l’échelle européenne capable de s’adapter à l’évolution de la technologie et de l’innovation.

Mady Delvaux a également souligné l’importance de ne pas traîner dans cette démarche, avouant que l’Europe est dans une course contre la montre face à la technologie qui ne cesse d’évoluer et surtout face à des pays comme le Japon qui réfléchit également et teste déjà des initiatives allant dans le sens d’un cadre juridique. « Si nous prenons encore plus de retard sur la question, nous courons le risque de voir débarquer sur notre marché des robots répondant à des cadres législatifs étrangers et différents et n’allant peut-être pas dans le sens de la protection du citoyen », a expliqué Mady Delvaux.

Jeremy Zabatta

Les robots vont modifier le travail au Grand-Duché

D’après un sondage Eurobaromètre publié en 2015, 72  % des Européens estiment que les robots constituent une avancée positive pour la société. Pourtant, la robotisation de la société engendrera une transformation sociale au niveau de l’emploi, comme le démontre une étude faite par ING fin 2015.

La banque a calculé le nombre d’emplois résidents au Luxembourg qui, à terme, sont susceptibles d’être remplacés par des machines, des algorithmes ou des robots. Ainsi, en tenant compte des probabilités de robotisation, 99  807  emplois sur 190  709 seraient concernés au Grand-Duché  : 52  % des emplois pourraient donc être confrontés à cette révolution technologique.

Le bouleversement opéré pourrait évidemment mener à la disparition de ces emplois et à une transformation des métiers. Les employés de type administratif sont les plus concernés avec un risque de robotisation évalué à 93  %. Les métiers de l’industrie et de l’artisanat arrivent en seconde place avec un risque de 68  %. Les professions intellectuelles, scientifiques ou artistiques sont les moins concernées avec un taux de 17  %.

L’étude met en outre en avant un top  5 des métiers les plus susceptibles d’être confrontés à cette révolution. On y retrouve les agents d’entretien, les employés de bureau, les vendeurs en magasin, les employés de services statistiques, financiers et assureurs, et enfin les secrétaires. 

 

Les trois lois de la robotique

L’écrivain américano-russe Isaac Asimov, connu pour ses œuvres de science-fiction, a été le premier à théoriser les règles fondamentales que les robots doivent suivre. Après avoir énuméré trois lois de la robotique, il s’est amusé à tester leur efficacité dans ses romans en mettant à l’épreuve ses personnages robotiques.

Il en a conclu que des robots trop basiques et sans lois complémentaires pouvaient avoir des effets néfastes sur l’humanité et sa créativité artistique, puisque le robot n’aura de cesse d’empêcher toute forme de souffrance, étant incapable d’interpréter les subtilités de l’esprit humain.

Les trois lois de la robotique selon Isaac Asimov :

› Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ou, en restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger.

›Un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi.

›Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.

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