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Euthanasie au Luxembourg : «La loi n’est pas appliquée à 100 %»


Le Dr Carlo Bock estime qu'il y a un manque d'informations sur la loi sur l'euthanasie, pourtant votée il y a dix ans (Photo : Editpress).

Les patients et le public sont mal informés des différentes dispositions de fin de vie, regrette le président de la Commission nationale de contrôle et d’évaluation de la loi sur l’euthanasie, le Dr Carlo Bock.

 

Avec 0,26% du total des décès en 2018, les cas d’euthanasie son rares au Luxembourg. En Belgique et aux Pays-Bas, ce taux s’établit à 1,7%. En cause, un manque d’informations et de prise en charge du patient au moment du questionnement sur sa fin de vie.

Au début, il se méfiait de la loi. Le président de la Commission nationale de contrôle et d’évaluation de l’application de la loi du 16 mars 2009, le Dr Carlo Bock, craignait que le législateur vienne perturber une pratique qui existait depuis longtemps dans les hôpitaux. «Nous faisions des sédations terminales depuis toujours», témoigne le spécialiste en médecine interne. Finalement, le texte actuel lui convient parfaitement «parce qu’il permet une euthanasie vraie», estime-t-il. Qu’entend-il par là? «Je craignais que le patient ne soit obligé de s’adresser à une commission qui lui aurait accordé ou pas le droit d’euthanasie», explique le médecin. Il ne voulait pas d’un tribunal alors qu’il défendait et défend toujours l’autonomie du patient. «C’est lui et lui seul qui décide si sa souffrance est totalement inacceptable et qu’il n’y a pas d’autre solution que l’euthanasie pour y mettre un terme», plaide-t-il.

Le patient décide avec son médecin lors d’une consultation appelée colloque singulier, si les conditions sont réunies, comme par exemple la douleur constante et insupportable.

La commission de contrôle reçoit un dossier après le décès du patient qui contient toutes les informations relatives à la manière dont l’euthanasie a été pratiquée. «Nous vérifions que toutes les conditions légales dans le fond et dans la forme ont été respectées», précise Carlo Bock.

Consultation médico-éthique

Le patient est très souvent mal informé sur sa fin de vie, que ce soit en matière de soins palliatifs ou d’euthanasie. Ce constat dressé par Carlo Bock lui fait dire qu’une consultation médico-éthique devrait exister pour permettre au patient de poser toutes les questions sur sa fin de vie. «Ce n’est pas une consultation de dix minutes ou un quart d’heure, il faut avoir le temps de prendre une décision en ce qui concerne sa fin de vie. Aujourd’hui vous allez voir votre médecin pour un mal de gorge et, en fin de consultation, vous commencez à lui parler de votre fin de vie. En fait, on se rend compte que les gens ont des idées assez vagues sur ce sujet», explique-t-il. La commission a réalisé une brochure («Ma volonté en fin de vie») pour diffuser plus largement l’information et éclairer le choix du patient. «Je souhaiterais que la fin de vie se dirige d’abord vers les soins palliatifs puis vers l’euthanasie», déclare le Dr Carlo Bock.

Un chiffre peu élevé

Il regrette surtout le nombre peu élevé de déclarations d’euthanasie, 71 au total depuis l’entrée en vigueur de la loi il y a dix ans, dont huit en 2018 et onze en 2017. «Cela représente 0,26 % des décès en 2018, alors qu’en Belgique ou aux Pays-Bas on est à 1,7 %», précise-t-il. La loi n’est pas à 100 % appliquée selon lui : «Chaque structure de fin de vie telle que la maison Omega ou les hôpitaux devrait avoir une procédure qui lui permette de prendre en compte les désirs des patients.» Des structures qui pourraient mettre à disposition un lieu dans lequel une euthanasie ou une assistance au suicide peut être pratiquée dans des conditions adéquates et dignes.

La loi existe, mais on ne semble pas éprouver le besoin d’en faire la promotion. Et pourtant, toutes ces dispositions de fin de vie intéressent le public, comme en témoigne le Dr Carlo Bock : «Le médiateur de la Santé m’avait demandé de parler de la fin de vie lors de l’académie des seniors. C’était une matinée d’information prévue pour 40 personnes, et au final on a dû organiser trois demi-journées pour répondre aux besoins.» Pour Carlo Bock, la faiblesse de cette loi, c’est d’exister sans être vraiment appliquée parce que le public est mal informé de sa teneur.

Geneviève Montaigu

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