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Hongrie : Asselborn en remet une couche


Même lâché par son ami Frank-Walter Steinmeier (à d.), Jean Asselborn reste convaincu que les mots crus qu'il a balancés mardi sont justifiés. (photo Thomas Barbancey / MAEE)

Même s’il estime que ses propos pour réclamer la sortie de Budapest de l’UE ont été «grossiers», le ministre des Affaires étrangères reste droit dans ses bottes. Il maintient sa position et a livré mercredi le fond de sa pensée.

Jean Asselborn ne sera pas resté muet longtemps. Devant faire face à un véritable tollé à la suite de son appel visant à exclure la Hongrie de Viktor Orban de la famille européenne, le ministre des Affaires étrangères a accepté de revenir dans les colonnes du Quotidien sur ses propos. «Je ne m’attendais pas à des applaudissements», a confié Jean Asselborn. Au Luxembourg, le soutien de son parti et de la coalition reste de mise. Du moins officiellement.

Le ministre des Affaires étrangères semblait fatigué mercredi soir. Son périple l’ayant mené en ce début de semaine à Moscou et à Minsk s’est poursuivi hier à Paris. Une réunion technique sur le CETA, l’accord de libre-échange que l’UE compte conclure avec le Canada, l’attendait en soirée. Juste avant, Jean Asselborn a trouvé quelques minutes pour revenir sur son tacle contre la Hongrie, qui lui a valu les foudres et les critiques à travers l’Europe tout entière.

«Les critiques aveugles ne nous font pas avancer», lance le chef de la diplomatie luxembourgeoise pour répondre à son homologue hongrois, Peter Szijjarto, qui avait qualifié mardi Jean Asselborn de «figure peu sérieuse, arrogante et frustrée». «Je peux néanmoins comprendre la réaction des Hongrois. Ce que j’ai fait est certes un peu grossier. Mais je maintiens mes propos», insiste-t-il.

Avec quelques heures de recul, le ministre des Affaires étrangères a néanmoins accepté de livrer le fond de sa pensée en apportant quelques précisions, sans toutefois oublier d’en remettre une couche.

Une «hystérie propagandiste»

«Il n’a jamais été dans mon intention de punir un peuple ou un pays entier. Mais on ne peut pas nier qu’il existe un gouvernement en Hongrie qui bafoue les valeurs communes de l’UE et qui menace le projet européen reposant sur la paix et la solidarité. Parfois, la politique étrangère doit aussi se faire avec le ventre», se justifie un Jean Asselborn, qui malgré la pluie de critiques qui s’est abattue sur lui, y compris de la part de ses amis politiques, reste droit dans ses bottes. «Je ne m’attendais certainement pas à des applaudissements. C’est peu conventionnel ce que j’ai fait. Pour certains, cela peut même avoir été choquant. Mais je pense qu’il est de mon devoir d’éviter que l’UE vole en éclats», poursuit le chef de la diplomatie luxembourgeoise.

Lire aussi : Appel à exclure la Hongrie de l’UE : Asselborn est-il allé trop loin ?

 

Jean Asselborn avoue qu’il est sorti de ses gonds en raison des récentes évolutions en Hongrie. La tendance populiste et même xénophobe ne ferait que se renforcer en vue du référendum que le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, va organiser le 2 octobre afin d’obtenir l’aval de la population pour sa politique de blocage.

«On assiste à une hystérie propagandiste en Hongrie. À Budapest, les affiches qui comparent les réfugiés à des terroristes fleurissent. Orban compare Bruxelles à un gouvernement empirique. Et un de ses députés appelle à pendre des têtes de cochons sur les grillages aux frontières avec la Hongrie et la Croatie afin de faire reculer les réfugiés. Tout cela est non seulement inacceptable, mais aussi contraire aux traités européens», fulmine le ministre des Affaires étrangères, qui n’hésite d’ailleurs pas à conclure que «tout cela va même à l’encontre de la culture et des valeurs qu’on s’est données après la fin de la Seconde Guerre mondiale».

David Marques

Une pique bien dosée pour Bettel

La relation entre le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn (LSAP), et son Premier ministre, Xavier Bettel (DP), reste très tendue. Les propos du chef de la diplomatie sur la Hongrie, tout comme la sortie du chef du gouvernement pour proposer des négociations de paix sur le Proche-Orient au Luxembourg n’ont été que des gouttes supplémentaires dans un vase qui pourrait déborder à tout moment.

Mercredi en tout cas, Jean Asselborn n’a pas souhaité trop s’épancher sur les critiques formulées la veille par Xavier Bettel à son égard. «Je n’ai pas grand-chose à dire à ce propos», nous a confié le ministre des Affaires étrangères, qui n’a cependant pas raté l’occasion pour lancer une pique bien dosée en direction du Premier ministre. «Je suis souverain dans mon ressort ministériel», a-t-il ainsi lancé, pour remettre en quelque sorte le chef du gouvernement à sa place. Ambiance…

Schneider temporise, Loschetter calme le jeu

Quel sera le sort réservé à Jean Asselborn, ce jeudi matin, lors de la réunion du Conseil de gouvernement? Seule certitude : le ministre des Affaires étrangères sera absent en raison de son déplacement à Paris.

Renseignements pris auprès du chef de file du LSAP au gouvernement, Étienne Schneider a préféré temporiser mercredi soir. «Comme d’habitude, les ministres socialistes vont se réunir demain matin (lire jeudi) avant le Conseil. On va évoquer les propos pour une fois peu diplomatiques de Jean Asselborn à ce moment. Je pense toutefois qu’on en fait trop un tabac», nous a dit le vice-Premier ministre.

Et même si le Premier ministre libéral a tancé son chef de la diplomatie, Viviane Loschetter (déi gréng) affirme ne pas avoir peur que cet épisode puisse nuire à la bonne entente de la coalition tricolore au pouvoir. «Il s’agit d’un jeu politique. Après le pas en avant d’un premier, le deuxième s’est peut-être senti obligé de le contrer. Or chacun a son rôle à jouer. Nous en tout cas, on ne compte pas s’immiscer dans la politique étrangère que le ministre Asselborn mène depuis plus de dix ans. On soutient toujours ses principes», a confié la chef de la fraction verte, contactée par Le Quotidien.

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