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La Chine, partenaire ou adversaire du Luxembourg ?


Le 12 juin 2017, à son arrivée à Pékin, Xavier Bettel passe les troupes en revue aux côtés du Premier ministre chinois, Li Keqiang. (Photo : Le Quotidien)

Le Premier ministre et son ministre des Finances ont des visions divergentes des relations entre le Grand-Duché et la Chine. Péril pour l’un, coopération pour l’autre.

 «L’Europe est coincée entre l’Asie et les États-Unis. C’est une question de souveraineté. Si la Chine remporte la course, elle décidera de tout.» L’avertissement se veut sans équivoque : si le Luxembourg et l’Europe ne se bougent pas, ils feront face à une hégémonie chinoise dont on devine aisément au ton employé qu’elle sera autoritaire et impitoyable. Cette déclaration martiale a été livrée par Xavier Bettel le mercredi 12 septembre, lors de la présentation de la stratégie nationale de développement de la 5G, la cinquième génération de réseaux mobiles.

Mais au même moment, son ministre des Finances, Pierre Gramegna, parcourait les métropoles chinoises en quête de juteux contrats pour le Luxembourg. Mission couronnée notamment par l’annonce, le 13 septembre, de la signature d’un contrat avec le géant des nouvelles technologies Ant Financial, qui veut faire du Luxembourg son hub européen pour Alipay. En Chine, cette application et plateforme de paiement par téléphone mobile est en cours de supplanter le cash, particulièrement en milieu urbain. Le groupe fondé par le milliardaire Jack Ma vise à capter la clientèle des 120 millions de touristes chinois qui visitent chaque année le Vieux Continent, mais aussi à récolter leurs données.

Vision à géométrie variable

«La présente mission a contribué tangiblement à renforcer encore les liens entre le Luxembourg et la Chine», s’est réjoui à l’issue de son séjour Pierre Gramegna qui, bon diplomate d’affaires, n’est jamais avare en compliments pour Pékin. À croire qu’il est inconscient du danger de voir bientôt la Chine nous dicter sa volonté, comme semble tant le redouter le chef du gouvernement.

Mais la vision de Xavier Bettel sur la Chine est à géométrie variable alors que l’empire du Milieu investit beaucoup au Grand-Duché ces dernières années, singulièrement depuis l’arrivée au pouvoir de l’actuelle coalition. Pierre Gramegna n’a d’ailleurs pas manqué de le rappeler la semaine dernière, énumérant les banques chinoises ayant choisi le Grand-Duché pour leur implantation européenne. Lorsqu’il était en visite d’État à Pékin le 14 juin 2017, le Premier ministre saluait lui aussi «le renforcement des relations entre la Chine et le Luxembourg», selon le site internet du gouvernement. Et quand quelques mois plus tard, le 23 novembre 2017, il accueillait à Luxembourg le vice-ministre chinois du Commerce, le Premier ministre insistait sur l’«excellence» des relations et de la coopération entre Pékin et Luxembourg.

Fièvre « identitaire » et nationaliste

L’explication de ces déclarations s’opposant diamétralement d’une année à l’autre est bien sûr électorale. Depuis la monumentale claque du référendum mal préparé sur le droit de vote des étrangers en 2015, le DP, parti libéral auquel appartient Xaviel Bettel, cherche à caresser dans le sens du poil la partie de l’électorat prise de fièvre «identitaire» et nationaliste. Le renforcement de l’enseignement du luxembourgeois et plus encore son slogan «Zukunft op Lëtzebuergesch» pour les législatives montrent assez bien comment le DP se positionne dans la course au «meilleur patriote», selon l’expression utilisée par l’ASTI pour décrire le climat de cette campagne électorale.

Et pour cela, le Premier ministre n’hésite donc pas à jouer avec la peur en brandissant le «péril jaune», comme d’autres, ailleurs, le font avec les réfugiés ou les musulmans.

Fabien Grasser

 

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