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Le petit Aylan inhumé à Kobané, l’UE se réunit à Luxembourg


Le père du petit Aylan Kurdi (c) tient entre ses bras la dépouille de son fils avant son enterrement à Kobané en Syrie, le 4 septembre 2015 (Photo AFP)

Le père de l’enfant syrien mort noyé est rentré chez lui pour inhumer sa famille vendredi après l’électrochoc provoqué par la photo du petit Aylan, au moment où les ministres européens des Affaires étrangères se consultent à Luxembourg pour tenter de répondre à une crise migratoire sans précédent.

Le père de famille, Abdullah Kurdi, est arrivé dans la matinée dans la ville syrienne de Kobané (nord) avec les cercueils d’Aylan, de son frère de cinq ans et de la mère des enfants, tous morts noyés en tentant de quitter la Turquie pour l’île de Kos en Grèce.

L’émotion suscitée par ce nouveau drame des migrants (la photo du cadavre du garçonnet, le visage enfoui dans le sable d’une plage turque, fait la Une des médias et des réseaux sociaux depuis 48 heures) a ému jusqu’au Premier ministre britannique, jusqu’ici inflexible sur l’immigration.

«Face à l’ampleur de la crise et à la souffrance des gens, je peux annoncer aujourd’hui que nous en ferons davantage, en accueillant des milliers de réfugiés syriens supplémentaires», a dit à Lisbonne David Cameron, alors que son pays n’a octroyé l’asile qu’à 219 Syriens depuis mars 2014.

Les Européens sont sous pression pour faire preuve de solidarité et d’humanité, et la question va dominer le débat entre les chefs de la diplomatie européenne, réunis pour deux jours à Luxembourg.

Les divergences au sein de l’Union, divisée «entre l’Est et l’Ouest», selon le président du Conseil européen Donald Tusk, révèlent un continent déchiré entre la fermeté face à l’afflux massif de déplacés à ses frontières extérieures et les appels à la solidarité.

Fin août, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, avait jugé «scandaleuse» l’attitude de certains pays est-européens face à la crise des réfugiés, pointant en particulier du doigt la Hongrie qui a installé une clôture à sa frontière.

L’Allemagne, qui va accueillir un nombre record de 800 000 réfugiés cette année, et la France, ont pris les devants jeudi en proposant une répartition des réfugiés entre les 28 pays de l’UE, la chancelière allemande Angela Merkel décrivant un système de «quotas contraignants».

Un sujet tabou dans plusieurs pays de l’Est de l’Europe, qui se sont ligués cet été pour bloquer une proposition de la Commission européenne pour répartir en urgence 40 000 réfugiés. Un accord a minima, sur la réinstallation de 32 000 réfugiés arrivés en Grèce et en Italie au printemps, a finalement été conclu mais il n’est toujours pas mis en œuvre.

Les quatre pays les plus récalcitrants, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie et la Pologne, se réunissent d’ailleurs vendredi à Prague pour préparer leur riposte.

200 000 demandeurs d’asile

Avec ses collègues allemand et italien, Laurent Fabius a adressé mercredi une lettre à la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini pour réclamer une refonte du droit d’asile qu’ils jugent dépassé, et une répartition équitable des migrants dans l’UE. La question des frontières toutefois revient traditionnellement aux ministres de l’Intérieur.

Le document, obtenu par l’AFP, qui dresse une liste de propositions en vue de trouver une issue pour l’Europe confrontée à un «test historique», doit être discuté au cours de la réunion luxembourgeoise.

Il entend surtout s’attaquer aux origines de la crise actuelle et pousse à trouver des solutions à la sanglante guerre civile en Syrie, au chaos politique et sécuritaire en Libye, sans gouvernement central, ou encore au renforcement de la gouvernance dans la région du Sahel.

Vendredi, le haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés (HCR), Antonio Guterres, a estimé que l’UE devrait accueillir au moins 200 000 demandeurs d’asile, «une estimation vraiment préliminaire» selon lui, répartis entre tous ses membres.

«On doit créer des zones humanitaires dans les zones de conflit, créer des facilités pour recevoir les réfugiés en Turquie, Egypte, au Liban, et donner la possibilité aux gens de demander la protection temporaire ou l’asile dans ces facilités. Aujourd’hui, on oblige les gens à venir en Europe car on ne peut avoir l’asile politique qu’ici», a déclaré de son côté sur une radio française l’eurodéputé libéral belge Guy Verhofstadt.

Plus de 300 000 personnes ont traversé la Méditerranée depuis le début de l’année, et plus de 2.600 sont morts en effectuant ce périple, selon le HCR.

Et vendredi matin, l’Organisation internationale des migrations a une nouvelle fois tiré la sonnette d’alarme et annonçant que 30 migrants étaient portés disparus au large de la Libye.

Répartition équitable

La Commission européenne voudrait un mécanisme permanent de répartition, mais face à l’urgence, son président Jean-Claude Juncker devrait demander le 9 septembre – lors d’un discours sur l’état de l’Union – l’accueil de 120 000 réfugiés supplémentaires au sein de l’UE, selon une source européenne.

De leur côté, le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans et le commissaire aux questions migratoires Dimitris Avramopoulos sont attendus à la mi-journée à Kos, une île de la mer Egée où des milliers de migrants débarquent chaque jour. Cette île devait être la destination du petit Aylan, si l’embarcation qui le transportait n’avait pas fait naufrage.

Jeudi à Athènes, Frans Timmermans a qualifié la situation de «crise sans précédent, humanitaire et politique». «Nous devons trouver des réponses européennes à un problème qui ne peut pas être résolu par les États individuellement», a-t-il plaidé.

AFP/M.R

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