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Loi d’accès aux documents institutionnels au Luxembourg : « un accès trop restrictif »


L'avocat Yann Baden, président de StopCorrupt, se dit déçu par la nouvelle loi d'accès aux documents de la vie publique et étatique (Photo : Hervé Montaigu).

Yann Baden est avocat. Il est le président de StopCorrupt, l’association pour la promotion de la transparence. La loi votée récemment au Parlement ne fait, selon lui, pas l’affaire. Explications.

Il est le président de StopCorrupt et se dit déçu de la loi sur l’accès aux documents qui n’est pas une loi d’accès à l’information et cela fait toute la différence.

Les députés viennent d’adopter une loi sur l’accès aux documents. Qu’en pensez-vous?
Yann Baden : Elle a déjà le mérite d’exister. Nous avons toujours demandé une loi d’accès à l’information et cette loi donne un accès aux documents, or ce n’est pas la même chose. Dans l’accès à l’information, on ne sait pas quel document on cherche, c’est à l’administration que revient l’obligation de rechercher l’information et les documents qui vont avec. L’administration, dans ce cas, doit faire un résumé de ce qui s’est fait et cela va plus loin qu’un simple accès aux documents. Rien d’innovant, cela existe dans beaucoup de pays. Cette loi n’est pour moi qu’un début de quelque chose.
Quelle est l’utilité de cette loi alors?
Le grand principe de cette loi passe effectivement à côté de ce qui est utile. N’oublions pas que les institutions, et les institutions politiques en particulier, ont une obligation de rendre compte à l’égard de la population et l’accès à l’information en est un des moyens. L’accès aux documents est trop limitatif, trop restrictif. Ce qui me gêne moins, c’est cette obligation de publier tous les documents nouveaux par rapport aux documents anciens, même si ces derniers devront être communiqués sur demande.

J’aurais préféré un principe tendant vers la publication automatique des documents

Le texte émet toute une liste de restrictions. Font-elles trop d’ombre à la transparence?
Oui c’est tout un débat. Il y a d’abord toutes les exceptions émises à l’article premier. Il clair que certains documents n’ont pas vocation à être publiés. Il faut néanmoins vérifier si la liste qui est donnée n’est ni trop vague ni trop vaste. Il faut éviter un fourre-tout qui aurait comme finalité de refuser davantage l’accès que de l’accorder. Pour nous, il est difficile aujourd’hui d’évaluer cette liste d’exclusion. J’aurais préféré un grand principe tendant vers la publication automatique de tous les documents et que nous disposions d’un organe qui décide au cas par cas de ne pas publier pour des raisons qu’il devra clairement indiquer.
Vous dites que tous les documents doivent être publiés. Pouvez-vous préciser?
Je pars de l’hypothèse que l’État, gérant et administrant une chose publique, n’a pas à avoir de secret sauf dans des cas légitimes comme par exemple les secrets de fabrication. Mais le principe doit être que tout ce qui concerne la gestion de l’État soit accessible au public. Je ne parle pas évidemment des dossiers médicaux que gère le centre commun. Les délibérations doivent être publiées, les négociations, une fois qu’elles ont abouti, aussi. Il n’y a aucune raison de les cacher au public. Or cette loi ne nous donne pas accès à ces informations.
Pourquoi cette réticence à vouloir libérer l’accès aux informations, selon vous?
On a vu en comparant la proposition de loi Bodry, qui date de 2000, avec le projet de loi de Jean-Claude Juncker et finalement le texte de Xavier Bettel que l’on est parti d’une proposition généreuse, celle de Bodry, pour arriver à un texte plus restrictif avec Juncker et celui qui vient d’être voté l’est plus encore. Je peux comprendre cette réticence, humainement, mais elle est mal à propos. Les gens oublient que l’on parle de la gestion de la chose publique et la chose publique c’est nous. En off, nous entendons certains politiques dirent que les gens ne vont de toute façon rien comprendre et ça c’est un mauvais discours, car c’est prendre la population pour plus bête qu’elle ne l’est. Si on veut être transparent et honnête, alors soyons-le.
L’autre grande question concerne les lanceurs d’alerte. Quel statut pour eux?
C’est un débat qui est très chaud parce qu’il y a un équilibre à trouver. J’ai eu bon nombre de discussions avec les associations nationales et internationales qui s’occupent de ce sujet et nous ne sommes pas tous d’accord. Je crois qu’il y a des intérêts légitimes qui doivent pouvoir être protégés et je donne toujours cet exemple bête de la recette du Coca Cola. Elle peut intéresser le public, mais pour autant doit-on la divulguer? Je dis que non, sauf s’il y a des éléments nocifs, mais cela est un autre débat. Il ne faut plus à mon avis utiliser le concept d’intérêt public, mais il faut définir ce qui mérite protection. Le lanceur d’alerte, au moment où il la lance, il n’a aucune protection car il ignore s’il est protégé ou non. Il peut aller consulter un avocat qui lui dira qu’il ne sait pas non plus. Il nous faut une protection utile, car une protection trop large peut nuire au lanceur d’alerte […]

Geneviève Montaigu

La grande interview du lundi est à retrouver dans notre édition papier de ce 6 août, en version intégrale et enrichie.

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