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Procès LuxLeaks : verdict, manifs et « fanzone »


Édouard Perrin, Raphaël Halet et Antoine Deltour vont être fixés sur leur sort. (Photos AFP)

Le parquet a requis 18 mois et une amende à l’encontre des deux anciens collaborateurs de PwC, mais il ne s’oppose pas à un sursis intégral. Contre le journaliste, une amende a été requise.

C’est dans une salle comble et sous l’œil d’une quarantaine de médias nationaux et internationaux que le procès des Français Antoine Deltour (30 ans), Raphaël Halet (39 ans) et Édouard Perrin (44 ans), à l’origine des révélations de l’affaire LuxLeaks, s’est ouvert le 26 avril. Il aura finalement fallu trois semaines, plus exactement huit journées d’audience, pour boucler les débats dans le procès LuxLeaks. Débats lors desquels les avocats de la défense ont plaidé l’acquittement.

Comme l’ex-auditeur Antoine Deltour, l’ex-collaborateur de PwC Raphaël Halet est poursuivi pour vol domestique, divulgation de secrets d’affaires, violation du secret professionnel et blanchiment des documents soustraits chez PwC. Le journaliste Édouard Perrin, quant à lui, a dû répondre comme coauteur des infractions de divulgation de secrets d’affaires et de violation du secret professionnel et comme auteur de l’infraction de blanchiment-détention des seuls documents soustraits par Raphaël Halet.

Dans ses plaidoiries, la défense a soulevé le caractère d’intérêt général de l’action de Raphaël Halet et Antoine Deltour. «PwC a mis en œuvre la promotion d’une évasion fiscale à une échelle industrielle», a ainsi martelé Me Bernard Colin, l’avocat de Raphaël Halet. «L’action des lanceurs d’alerte aura permis de dénoncer la pratique de l’évasion fiscale.» Même refrain du côté de la défense du journaliste : «Il s’agit de faire la balance entre les intérêts commerciaux de PwC et l’intérêt du public», a estimé Me Olivier Chappuis. L’avocat parisien a, par ailleurs, parlé d’ «un véritable procès en sorcellerie» contre son client. «Toute autre décision qu’une relaxe serait une atteinte à la liberté d’expression du journaliste», a-t-il souligné avant de conclure : «Vous devez relaxer Édouard Perrin. En le condamnant, c’est le Luxembourg qui se condamnerait lui-même.»

Alors que la défense a demandé l’application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le ministère public a recadré les débats en le situant au niveau du code pénal luxembourgeois. Pour le procureur d’État adjoint, Antoine Deltour et Raphaël Halet ne sont pas des lanceurs d’alerte au moment où ils dérobent les documents confidentiels. «Le ministère public est là pour appliquer la loi», a ainsi rappelé David Lentz, au début de son réquisitoire. «Une infraction a été commise, je ne peux pas me permettre de faire un tri.»

Être « au rendez-vous de l’histoire »

Antoine Deltour avait copié en 29 minutes les 45 000 pages de documents concernant plus de 400 rescrits fiscaux laveille de son départ de PwC, le 13 octobre 2010. «Il sait qu’il dérobe des documents confidentiels. Il n’avait pas de but avoué. Il a commis un vol. C’est tout. À ce moment, c’est un délinquant de droit commun, pas un lanceur d’alerte.» Dans son réquisitoire, le procureur d’État adjoint a également constaté que lors du premier interrogatoire de Raphaël Halet, son avocat n’a pas plaidé la théorie du lanceur d’alerte.

À propos du troisième prévenu, Édouard Perrin, le procureur d’État adjoint a noté : «Tous les moyens ne sont pas bons pour arriver au résultat. La liberté d’expression journalistique ne prévaut pas sur la violation du secret professionnel. Les règles s’adressent aussi au journaliste.» Le parquet a ainsi constaté que c’est le journaliste qui a demandé au collaborateur de PwC de créer une adresse mail pour récupérer le produit en infraction, à savoir les 16 fichiers contenant des déclarations fiscales de sociétés clientes.

Le parquet a requis la même peine contre Antoine Deltour et Raphaël Halet, à savoir 18 mois de prison et une amende. Mais il a précisé qu’il ne s’opposait pas à ce que la peine soit assortie d’un sursis intégral. Contre le journaliste Édouard Perrin, il a demandé une amende. La partie civile, PwC, représentée par son avocat, a quant à elle réclamé un euro symbolique pour le préjudice. «Le chiffrer avec précision nécessiterait une enquête considérable», a plaidé Me Hervé Hansen.

Mercredi à 15h, la 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg rendra son jugement. Un prononcé qui fera date. Au cours de sa plaidoirie, Me William Bourdon, l’avocat français du lanceur d’alerte Antoine Deltour, avait appelé les juges à être «au rendez-vous de l’histoire» : «C’est une décision qui sera inscrite au plumitif du droit européen. Une page essentielle pour toute l’Europe (…), une balise pour tous les lanceurs d’alerte du XXIe siècle. Telle est votre responsabilité, telle est votre chance, tel est votre privilège…»

Fabienne Armborst

Rassemblements de Luxembourg à Paris

Le Comité de soutien à Antoine Deltour et Édouard Perrin au Luxembourg, organisateur d’une manifestation à 15h sur le parvis de la cité judiciaire, évoque un «procès déroutant qui a montré, d’un côté, l’impunité dont bénéficient les grandes entreprises et, de l’autre, la volonté et le courage désintéressés des prévenus afin d’informer sur leurs pratiques amorales». Une «petite pièce de théâtre» (LuxLeaks reloaded – avant et après le verdict) sera présentée.

À la même heure à Paris, des ONG manifesteront devant l’ambassade du Luxembourg, où une « fanzone de supporters » de la team lanceurs d’alerte sera installée. Pour suivre en live le « match de foot entre l’équipe des lanceurs d’alerte et celle de multinationales », explique la plateforme Paradis fiscaux et judiciaires. Un atelier maquillage et un concours de slogans seront au programme. Les supporters prévoient aussi une action « chorégraphiée », avec banderoles et maillots.

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