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Prostitution : un statut de « victime » qui fait débat


Le projet de loi qui permettrait de lutter contre le proxénétisme et de protéger les prostituées n'est pas du goût du Conseil national des femmes. (illustration Hervé Montaigu)

Pour le Conseil national des femmes du Luxembourg (CNFL), le projet de loi qui entend réformer la lutte contre l’exploitation de la prostitution ne va pas dans le bon sens.

En juin 2016, le gouvernement a présenté le projet de loi «renforçant la lutte contre l’exploitation de la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains à des fins sexuelles». Dans un communiqué, le Conseil national des femmes du Luxembourg explique «désapprouver» l’esprit général du projet de loi qui, pour ce dernier, «ignore la nature même du système prostitutionnel et continue de différencier la prostitution choisie de la prostitution forcée». Il juge ainsi «aberrant» une telle distinction.

Il rappelle que les personnes prostituées sont les seules victimes du système prostitutionnel. «Elles courent des risques inacceptables d’un point de vue des droits humains. Le système prostitutionnel est incompatible avec le respect de leur intégrité physique et psychique.» Le CNFL exige ainsi dans son communiqué que ceci soit enfin reconnu. Dans son avis du 18 juillet 2016, il avait déjà donné son opinion sur ce projet de loi. Parmi ses revendications figure l’abolition pure et simple du délit de racolage qui constitue une pénalisation des seules victimes du système prostitutionnel que sont les personnes prostituées.

Le Conseil national des femmes est d’avis que le terme «débauche», que l’on retrouve à plusieurs reprises dans le texte, reflète «une appréciation morale et non juridique d’un comportement. Il fait remarquer que la débauche ne suppose, au contraire de la prostitution, pas d’échange d’argent». Étant donné que le projet de loi concerne les actes de prostitution, le CNFL se prononce en faveur de la suppression du terme «débauche».

Un autre élément concerne le sujet fort controversé de la pénalisation de la demande. Le CNFL constate que le gouvernement entend entreprendre un premier pas vers la reconnaissance de la responsabilité de la demande dans le système prostitutionnel.

La vulnérabilité des victimes en question

Concrètement, il s’agirait de pénaliser la demande dans les cas où la personne prostituée est une victime du proxénétisme ou/et de la traite des êtres humains, lorsqu’elle est mineure ou encore lorsque la personne présente une particulière vulnérabilité apparente ou connue de l’auteur.

Le CNFL souscrit à la protection des victimes mentionnées. Mais cela reste encore nettement insuffisant pour ce dernier. Le problème est que le terme «particulière vulnérabilité» est sujet à interprétation, car trop vague. Pour lui, il est «indéniable que la grande majorité des personnes prostituées sont en situation de vulnérabilité».

Mais tout n’est pas à jeter pour les féministes, qui voient dans le projet de loi des éléments jugés utiles. «La création d’un comité de suivi et de conseil dans le domaine de la prostitution» est une bonne initiative selon le CNFL, qui rappelle tout de même que les travaux du comité doivent se baser sur le principe fondamental de l’égalité des sexes. Il conseille aussi d’y intégrer un(e) représentant(e) du futur Centre national pour la santé affective et sexuelle qui est actuellement à l’étude.

Ainsi, des éléments comme la pénalisation des personnes mettant à disposition des locaux pour des actes de prostitution ou confisquant les documents de voyage ou d’identité sont des propositions saluées par le CNFL, qui les considère comme étant des dispositifs améliorant la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains. La lutte contre le proxénétisme met ainsi tout le monde d’accord.

Mais globalement, pour le CNFL, finalement, ce projet de loi reste synonyme de «stagnation». Bien que celui-ci note des avancées, «ces dernières sont timides et n’auront qu’un impact mineur dans la lutte contre le système prostitutionnel». Pour lui, le gouvernement luxembourgeois fait donc fausse route dans sa vue d’ensemble concernant le système prostitutionnel et a produit un projet de loi «incohérent et en désaccord avec le principe fondamental d’égalité des sexes».

Audrey Somnard

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