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Secours : le Conseil d’État met le feu


Comme ici lors d'un exercice commun à Canach, les services de secours doivent encore mieux collaborersur le terrain. La loi qui doit créer le cadre reste cependant trop incohérente aux yeux du Conseil d'État. (Photo : Archives LQ)

Attendu depuis plus de 500 jours, l’avis de la Haute Corporation sur la réforme des services de secours est enfin tombé mardi. Le verdict ne devrait pas plaire au ministre Dan Kersch. Les oppositions formelles pleuvent.

Le Conseil d’État n’est pas d’accord avec la voie choisie par le ministre de l’Intérieur pour mettre en place le nouveau Corps grand-ducal d’incendie et de secours (CGDIS). La Haute Corporation recommande ainsi d’opter plutôt pour le modèle d’un syndicat mixte regroupant État et communes au lieu d’un établissement public.

Il ne s’agit cependant pas de la seule critique. On dénombre plus d’une vingtaine d’oppositions formelles.

Pas plus tard que lundi dernier, le ministre de l’Intérieur avait une nouvelle fois fustigé le long délai pour enfin obtenir l’avis du Conseil d’État sur la réforme des services de secours. «Je n’ai plus aucune compréhension pour ce délai. On a réussi à réaliser en un seul week-end tout le travail législatif pour sauver des banques entières. Ici, il s’agit de sauver des vies, et on n’avance pas», avait ainsi lancé Dan Kersch devant les cadres des services de secours, appelés à former à l’avenir le nouveau Corps grand-ducal d’incendie et de secours (CGDIS).

S’il n’y a certainement pas de lien de cause à effet, l’avis que le Conseil d’État a finalement rendu hier ne devrait pas faciliter la tâche du ministre et de la Chambre pour mener à bien cette réforme de taille. Le texte amendé à plusieurs reprises par le gouvernement, après une large consultation du terrain, est en effet frappé de plus de 20 oppositions formelles de la part de la Haute Corporation. Les veto concernent en premier lieu la forme juridique choisie pour le CGDIS. À partir de là, les oppositions formelles pleuvent. Elles concernent notamment le statut accordé aux pompiers professionnels et aux pompiers volontaires, le transfert des biens mobiliers et immobiliers des communes vers le futur CGDIS et toute une série de formulations juridiques.

Dès le début de son avis, le Conseil d’État donne le ton en reprochant au gouvernement de ne pas avoir transmis de «version coordonnée» des 24 amendements pour établir son avis. Mais en fin de compte, il ne s’agit là que d’un détail. Car par la suite, le Conseil d’État va en remettre une sérieuse couche. On peut même estimer qu’il met le feu aux poudres.

Pour rappel : la création du CGDIS doit permettre le «perfectionnement de la coordination du système d’organisation des secours au Grand-Duché de Luxembourg» regroupant sous son toit les services de protection civile et les corps de sapeurs-pompiers du pays. Les pompiers professionnels de la Ville de Luxembourg et le Service d’aide médicale d’urgence (SAMU) seront eux aussi inclus dans ce nouveau corps fusionné des services de secours.

Un incendie à éteindre

La voie législative choisie par le ministre de l’Intérieur pour mener à bien cette fusion n’est cependant pas au goût du Conseil d’État. Premier point majeur de discorde : l’intégration des corps de services de secours, jusqu’à présent gérés par les communes, dans le nouveau CGDIS. Le fait de vouloir faire de ce corps centralisé des services de secours un établissement public pose problème aux yeux de la Haute Corporation, principalement en ce qui concerne l’autonomie communale. «La mise en place du CGDIS, sous la forme proposée, n’enlèvera pas aux communes la responsabilité finale d’assurer la prestation des services d’incendie et de secours sur leurs territoires respectifs», fait notamment remarquer l’avis du Conseil d’État. On touche ici au transfert des biens mobiliers et immobiliers par les communes au CGDIS, opération qui repose sur bon nombre d’insécurités juridiques, souligne le Conseil d’État, qui n’hésite pas à lancer des oppositions formelles.

«Le Conseil d’État se pose, par conséquent, la question de savoir si, au lieu de la création d’un établissement public autonome, la mise en place d’un syndicat mixte regroupant et l’État et l’ensemble des communes ne permettrait pas, tant de respecter le principe de l’autonomie communale (…) que d’assurer l’avenir des services de secours de la manière souhaitée par les auteurs du projet», met en avant l’avis.

Mais ce ne sont pas uniquement les relations du futur CGDIS avec les communes qui posent problème aux yeux de la Haute Corporation. Il est ainsi mentionné dans le rapport des incohérences dans la coopération avec le Haut-Commissariat à la protection nationale (HCPN) mais aussi le SAMU. Les attributions du ministre lui-même mais aussi du futur conseil d’administration du CGDIS posent problème, poursuit le Conseil d’État.

Autre souci majeur : le statut différent qui sera accordé aux pompiers professionnels et volontaires. «Il semble au Conseil d’État que les risques auxquels s’exposent les deux catégories de pompiers sont identiques, la seule différence résidant dans leur statut. Ainsi, à défaut de disparités objectives, raisonnablement justifiées, adéquates et proportionnées au but que s’est fixé le législateur, la disposition sous examen est manifestement contraire au principe constitutionnel de l’égalité de tous devant (…) la Constitution et le Conseil d’État s’y oppose formellement», conclut l’avis.

Après plus de 500 jours d’attente, la balle se trouve donc à nouveau dans le camp du ministre de l’Intérieur et de la Chambre des députés. L’incendie déclenché hier devra d’abord être éteint avant de penser à un vote de la réforme.

David Marques

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