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[Stand Speak Rise Up!] Un écho aux voix des survivantes


Selon le Dr Mukwege, «en tant que société, nous avons pour obligation de soutenir les survivantes dans leur révolte à briser le silence». (photo Cour grand-ducale/Sophie Margue)

Faire reconnaître le viol comme crime de guerre et obtenir réparation pour les victimes, tel est le but du forum «Stand Speak Rise Up!» qui a débuté mardi à Luxembourg, à l’initiative de la Grande-Duchesse. Le discours du Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, a marqué.

La violence sexuelle dans les conflits est une expression de pouvoir, de perversion, de discrimination et de domination que des systèmes patriarcaux ont développée depuis des siècles. Et à ce titre, selon le Dr Mukwege, «en tant que société, nous avons pour obligation de soutenir les survivantes dans leur révolte à briser le silence. Nous n’avons aucune excuse de ne pas nous battre à leurs côtés». Pour le «docteur qui répare les femmes» qui ont subi des mutilations sexuelles à la suite des viols, se taire «rend complice».

Mardi, des femmes ont dénoncé les actes barbares qu’elles ont subis. Des actes permis sous couvert du silence de populations terrorisées et de gouvernements sourds ou muselés par des intérêts quelconques. Les nombreuses personnalités internationales qui ont participé à ce forum ont uni leurs voix à celles des survivantes pour demander la reconnaissance de ces actes en tant que crimes de guerre. L’objet du forum était également de trouver des pistes pour aider les victimes à dépasser l’horreur de ce qu’elles ont subi et pour passer l’envie à leurs agresseurs de récidiver.

L’éducation pourrait être une piste, lance Denis Mukwege : «Nous devons initier nos enfants à la masculinité positive et trouver des moyens de déconstruire la masculinité toxique pour enrichir notre société de nouvelles générations promptes à défendre l’égalité entre les femmes et les hommes.» Le principal remède à ce mal reste la loi pour mettre fin à l’impunité à l’échelle locale et globale, ainsi que d’instaurer l’égalité entre les hommes et les femmes. Encore faut-il que ces décisions soient appliquées, regrette le docteur.

Fort de son expérience au contact des victimes, Denis Mukwege préconise également des réparations juridiques, mémorielles ou financières, nécessaires à la reconnaissance des violences et des victimes en tant que telles. Il propose la création d’un fonds «qui interviendrait quand l’autorité de tutelle ou l’État ne peut ou ne veut pas faire de réparation» et constituerait «un geste palpable».

«Restez debout, tenez bon!»

Une autre étape de la reconstruction des victimes passe par la prise en charge qui doit être «accessible et non stigmatisante». «Elle doit être considérée comme un droit humain à la réhabilitation.» Une prise en charge holistique et intégrale qui pourrait s’inspirer de celle qu’il pratique dans sa fondation Panzi. Les victimes y trouvent à la fois des réponses à leurs problèmes médicaux, psychologiques, juridiques et socioéconomiques de manière confidentielle avec la finalité de pouvoir se relever et reprendre leur vie en main.

«Les victimes ont un énorme potentiel de résilience pour transformer la souffrance en pouvoir jusqu’à devenir des actrices du changement dans la société», souligne Denis Mukwege. Mais pour que la femme devienne l’avenir de l’homme toxique, encore faut-il qu’elle atteigne une autonomie suffisante pour ne plus être sous sa coupe. «Elles ne peuvent y arriver seules, d’où l’importance de la mobilisation», poursuit le docteur, qui a réitéré son appel aux États et à la communauté internationale «à tracer une ligne rouge contre ces crimes».

«Les violences sexuelles doivent être éradiquées, elles doivent disparaître de notre planète, de notre vocabulaire, être reléguées aux misères et aux cauchemars du passé», poursuit-il, prévenant que la lutte sera dure, mais que sa «conviction en la victoire est inébranlable». Pour conclure, il intime aux femmes : «Restez debout, tenez bon!»

Un message d’espoir au milieu d’un océan d’atrocités. Actuellement, neuf migrants sur dix subissent des violences sexuelles lors de leur périple. Des Syriens et des Irakiens sont violés dans les camps de réfugiés où la prise en charge des victimes est rare. «En République démocratique du Congo, les auteurs des crimes sont à la tête du pays.» En Amérique du Sud, en Europe de l’Est, dans un très proche passé, le viol a été et est toujours une arme de guerre. Reste à espérer que le prix Nobel de la paix de Denis Mukwege ne restera pas qu’un trophée et que, comme il le dit, ce prix «est un cadeau empoisonné pour ceux qui ne veulent pas reconnaître la pratique des viols, car c’est la preuve que la Communauté européenne la condamnait».

Sophie Kieffer

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