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Violences corporelles et sexuelles : les preuves conservées en lieu sûr


Le jour où la victime décide de porter plainte, elle peut se servir des éléments de preuves recueillis par l'Umedo. (Photo : Fabienne Armborst)

À partir de lundi, l’Unité médico-légale de documentation des violences (Umedo) sera opérationnelle. Le service permet de documenter les blessures de victimes adultes qui hésitent à porter plainte.

Pas toujours facile pour une victime de violences corporelles ou sexuelles de porter plainte quand l’auteur fait partie de son entourage proche. Et surtout quand c’est la première fois et qu’elle souhaite lui donner encore une chance. Quand elle se décide finalement à agir, il est souvent difficile de retracer toutes les blessures… C’est là que pourra intervenir l’Unité médico-légale de documentation des violences.

Une documentation des blessures totalement indépendante du dépôt d’une plainte pénale. Voilà ce que propose le service de l’Unité médico-légale de documentation des violences présenté jeudi matin au Laboratoire national de santé (LNS) à Dudelange, en présence des ministres de la Justice, Félix Braz, et de la Santé et de l’Égalité des chances, Lydia Mutsch. «Avec l’Umedo, nous mettons en place un nouvel instrument permettant aux victimes de violences adultes de recueillir avec l’aide d’experts des éléments de preuves nécessaires pour réclamer leurs droits à un moment ultérieur. L’Umedo leur donne les moyens, le jour où elles sont prêtes, d’agir en justice», explique Lydia Mutsch.

C’est un fait. De nombreuses victimes de violences domestiques ou de violences sexuelles préfèrent garder le silence. Soit en se présentant incognito aux urgences, soit en fuyant leur domicile, soit en restant muettes jusqu’au jour fatal. «Seulement 5% à 10% des victimes de violences décident d’entamer des démarches auprès du parquet ou de la police», constate la ministre.

Bien souvent aussi, les victimes attendent avant de franchir le pas et de déposer plainte. Avec la conséquence que les blessures guérissent et que les traces s’estompent de façon définitive. «Il n’y a aucune raison de tolérer une quelconque sorte de violence. L’unité médico-légale apporte un support important à cela, martèle Félix Braz. Le centre de documentation permet de réunir les preuves devant le tribunal pour que l’auteur reçoive la peine qu’il mérite.»

Joignable 7j/7, 24h/24

Le jour où la victime décide de porter plainte, elle peut en effet se servir des éléments de preuves recueillis par l’Umedo. «Ce nouvel instrument qui vient améliorer le droit des victimes» consiste à établir une documentation médicale des blessures visibles et à relever des traces biologiques.

Documentation par photos, prélèvements biologiques, prise de sang… Pendant dix ans, les résultats de l’examen et les preuves sont archivés au LNS. Ce qui correspond à la durée de prescription de l’action publique pour les crimes. Les archives sont hautement sécurisées et spécialement dédiées et séparées des autres archives du LNS, assurent les responsables.

Sur le plan pratique, deux collaboratrices administratives et trois médecins spécialistes en médecine légale composent l’équipe de l’Umedo. Spécialement formée et soumise au secret médical, elle est joignable en permanence, 7j/7, 24h/24. Après un contact téléphonique, l’examen gratuit pour la victime est réalisé au sein du LNS ou dans l’un des quatre hôpitaux partenaires du pays (CHdN, CHEM, CHL, HRS).

On s’attend entre 50 et 100 examens par an

«On ne fait pas de traitement médical ou de consultation approfondie. On ne délivre pas non plus de certificat médical. Car nous ne voulons pas prendre parti», détaille le médecin légiste Andreas Schuff. Les résultats de l’examen et les échantillons sont ensuite archivés sous forme pseudo-anonymisée. Les responsables du nouveau service insistent sur le fait que sans l’accord de la victime aucun examen n’est effectué.

Le fait d’impliquer les hôpitaux partenaires a l’avantage de faciliter l’entrée en contact avec les victimes de violences. Mais cela rendrait aussi possible la consultation de médecins spécialistes directement sur place. «En cas de violences sexuelles, la victime fera l’objet d’un examen gynécologique à l’hôpital. Cela permet d’effectuer tous les examens en un seul coup», illustre le médecin légiste.

L’Unité médico-légale de documentation des violences sera opérationnelle à partir de lundi. Les responsables s’attendent à une fourchette de 50 à 100 examens par an au Luxembourg. Mais cela peut être plus… L’avenir le dira.

Fabienne Armborst

Prise de rendez-vous à l’Umedo, au 621 85 80 80. Plus d’infos sur le site umedo.lu

« La victime garde le contrôle sur la documentation médico-légale »

Prélèvement de traces ADN et de sang, photos des blessures… l’Unité médico-légale de documentation des violences collecte toutes les preuves qui pourront s’avérer utiles dans le cas d’éventuelles poursuites judiciaires. Elles ne font toutefois pas d’office l’objet d’analyses. Le ministre de la Justice tient à préciser : «La victime qui s’adresse à l’Umedo ne tombe nullement dans un engrenage. Elle garde le contrôle et la maîtrise de la documentation médico-légale», assure Félix Braz. À la victime de décider si et quand elle porte finalement plainte. »

Tant que cette dernière n’enclenche pas les démarches, les éventuelles preuves restent donc archivées au sein du service au LNS sous forme pseudo-anonymisée.

Enfin, la mise à disposition des différents prélèvements ou leur transmission à un tiers nécessiteront toujours au préalable l’accord écrit de la personne examinée.

Une dérogation pour les médecins légistes

L’article 23.2 du code de procédure pénale oblige les médecins légistes, en tant qu’agents chargés d’une mission de service public, à dénoncer systématiquement les cas des victimes d’un crime ou délit. «Il est tenu d’en donner avis sans délai au procureur d’État», précise le texte. Afin de rendre opérationnelle l’Unité médico-légale de documentation des violences, il a donc fallu prévoir une dérogation pour les légistes de l’unité de documentation et les personnels soignants. L’obligation d’information ne s’applique pas aux faits confiés par une personne à l’Umedo et dont le personnel employé au sein de cette unité acquiert la connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

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