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Jean-Claude Juncker : «Il y a un défaut de construction en Europe»


«J'espère que nous assistons à la fin du libéralisme à outrance et sans-gêne», estime Jean-Claude Juncker. (Photo : AFP)

Le Covid-19 a plongé l’Europe dans une crise existentielle, tant politique qu’économique et sociétale. L’ancien Premier ministre et ancien président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker se confie.

Vous avez présidé la Commission européenne pendant cinq années, de 2014 à 2019. Quel regard portez-vous sur la gestion de la crise actuelle face à la pandémie du Covid-19 ?
Jean-Claude Juncker : Il y a un défaut de construction en Europe. La Commission européenne n’a aucune compétence dans le domaine de la santé publique. Les propositions à cet effet ont été rejetées en bloc par la plupart des États membres lors du traité de Lisbonne en 2007. Donc, l’action de la Commission européenne est actuellement extrêmement limitée. La Commission européenne se trouve dans une situation où elle ne peut que coordonner, ce qui est insuffisant dans le contexte de la crise actuelle. Elle devrait pouvoir diriger, elle devrait être dotée du droit d’initiative, notamment dans le domaine de la santé publique qui est, je le répète, la grande absente du traité de Lisbonne.

Quelles leçons pouvons-nous tirer de cette impasse ?
Ce qu’il faut retenir comme leçon, c’est de revoir la mécanique européenne. Ursula von der Leyen (NDLR : l’actuelle présidente de la Commission européenne) a bien réagi en activant le MES (NDLR : le mécanisme européen de stabilité) et en mettant en place le système de cofinancement du chômage partiel, alors que les ministres des Finances ont échoué jusqu’ici. Il faut augmenter le budget européen, qui est insuffisant.

Après le choc sanitaire et le confinement généralisé d’une grande partie de la planète, de nombreux experts voient se profiler une crise économique d’une ampleur jamais connue. Quelles sont les réponses possibles pour prévenir un crash global ?
Nous allons faire face à une crise économique généralisée qui est différente de la crise économique de 2008 où l’Europe a été frappée de façon asymétrique. Elle a surtout à l’époque concerné des pays en difficulté avec leur dette publique, comme la Grèce. Cette fois-ci, tout le monde est concerné, tous les pays sont frappés, et ce n’est pas non plus une question d’erreur budgétaire, c’est un cas de force majeur.

Ce n’est pas le moment des épiciers,
mais l’heure des architectes

L’Europe se déchire autour des « coronabonds ». Quelle est votre position ?
Les coronabonds permettraient de mutualiser la dette qui sera provoquée par les investissements à venir qui devront être massifs et qui seront nécessaires pour relancer l’économie européenne. Il ne s’agit pas d’éponger des dettes antérieures de déficit public, mais de permettre aux pays touchés par la crise sanitaire et les confinements d’investir pour sortir de la crise économique. J’y suis favorable, comme je l’ai aussi été pour la crise financière de 2008. Mais je dis aussi que cela ne sera pas possible en quelques jours, voire en quelques mois. Il faut une autre réponse, plus immédiate, en augmentant le budget européen. Il faudra travailler sur ces différentes pistes, aussi avec d’autres instruments mis en place par la BEI (NDLR : la Banque européenne d’investissement). Ce n’est pas le moment des épiciers, mais l’heure des architectes.

Assistons-nous à un repli identitaire des États européens devant la crise de l’épidémie ?
Ce qui est intéressant à observer, c’est la renaissance de l’État. Il se révèle que les sociétés ont besoin de pouvoirs publics organisés. Se fonder uniquement sur une économie libéralisée est une impasse, comme nous le montre la crise actuelle. J’espère que nous assistons à la fin du libéralisme à outrance et sans-gêne. Nous constatons également un retour de l’État-nation, qui est aussi une conséquence directe du manque de compétences nécessaires de la Commission européenne, par exemple dans le domaine de la santé publique. Ce n’est pas une bonne chose que les mesures de confinement diffèrent et varient d’un pays à l’autre.

La cohésion européenne risque-t-elle de voler en éclats ?
La décision irréfléchie de la part de l’Allemagne de fermer sa frontière est une décision qui ne tient pas compte du vivre ensemble en région frontalière Sarre-Lorraine-Luxembourg. Il faut retrouver la vertu du vivre ensemble. Seuls, nous ne sommes pas grand-chose.

Un mot, une phrase sur les perspectives à l’issue de la crise ?
Nous sommes des humains, et nous avons besoin de nous rencontrer, de nous toucher, de nous embrasser. Après la crise, nous serons devenus meilleurs, je l’espère.

Entretien avec Chris Mathieu

Un commentaire

  1. Le Problème c est Juncker , comment pouvez vous encore lui donner crédit a cet escroc qui a conduit l Europe la ou elle est aujourd’hui , c est comme pour les luxleaks , c est la faute des autres …

    https://youtu.be/_hgu9jf1OC0

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