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[Succès de l’écologie] En vol avec les milans royaux du Grand-Duché


Six milans royaux viennent d'être dotés de balises dans le but de mieux comprendre la façon dont ils gèrent leur territoire. (photos Mikis Bastian et Tom Conzemius)

Le plus grand rapace diurne du Grand-Duché n’est pas à l’abri de tous les dangers. Et les plus aigus ne sont pas toujours là où on les attend… Le milan royal vit à proximité des zones cultivées. Cette proximité avec l’homme lui rend service, car elle lui permet de dénicher ses proies, mais elle peut aussi lui causer de nombreux problèmes…

Avec son envergure qui peut aller au-delà de 1,50 mètre, le milan royal est un oiseau majestueux. Son nom en français a d’ailleurs sans doute été inspiré par son port altier et sa prestance en vol. « Ce rapace ne vit pratiquement qu’en Europe et sa population est estimée à entre 20 000 et 29 000 couples », précise le biologiste Mikis Bastian.

Au Grand-Duché, lors du dernier recensement qui a eu lieu en 2009, 66 territoires occupés par le milan royal ont été reconnus. Sans que l’on sache à coup sûr s’ils sont occupés par un individu ou un couple. Ce chiffre n’est pas très élevé, mais semble relativement stable. « Nous en saurons plus à la fin du nouveau recensement, qui a lieu cette année. »

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Le milan royal est le plus grand rapace diurne du pays.

Le milan royal a besoin d’au moins deux types de paysages pour vivre. Tout d’abord, il lui faut de grands arbres pour installer son nid. Il lui faut aussi des terres cultivées qui sont ses terrains de chasse. « Il survole les prairies pour débusquer ses proies : rongeurs, oiseaux, petits lapins… », énumère Mikis Bastian.

Il n’est d’ailleurs pas rare de l’observer lors des moissons : « Il suit les machines pour repérer les petits animaux en fuite, blessés et même morts, car il peut se transformer en charognard. » En bon opportuniste, pendant les labours, ce sont les vers de terre retournés par les socs des charrues qui l’intéressent!

Un paysage d'habitat du milan royal.

Un paysage d’habitat du milan royal.

Cette proximité avec l’homme, pourtant, peut lui nuire. Auparavant, les chasseurs n’hésitaient pas à le tirer. Ils le considéraient comme un animal nuisible, puisqu’il leur ôtait de la gibecière lapins et perdreaux. Une pratique qui, heureusement, semble avoir à peu près disparu. « Lors du recensement de 2009, toutefois, des bénévoles ont repéré des impacts de coups de feu dans quelques nids… », soupire le biologiste.

La disparition des prairies et l’utilisation des pesticides

Un autre de ses problèmes, justement, est que la nature même de la campagne évolue. Il y a moins de prairies et plus de champs, ce qui n’arrange guère le milan royal. L’utilisation de pesticides, d’insecticides et de rodenticides lui fait également beaucoup de mal. « Cela ne se voit pas forcément tout de suite, mais en mangeant des animaux empoisonnés, il concentre les produits toxiques dans son corps, ce qui amène de sérieux problèmes de santé », explique Mikis Bastian.

Enfin, les collisions avec les voitures ou les éoliennes sont une des causes de mortalité les plus importantes pour ce rapace. « Comme il vole à basse altitude pour repérer ses proies, il est très vulnérable au trafic routier. D’autant qu’il part également à la recherche d’animaux écrasés sur les routes », souffle Mikis Bastian.

Le cas des éoliennes montre bien que la meilleure volonté du monde – comme produire de l’énergie propre – peut se transformer en catastrophe écologique. L’Allemagne, championne en la matière, est en train d’en payer le prix. Si la population de milan royal est là-bas en chute libre, les éoliennes y sont pour beaucoup.

Projet d’éoliennes en pleine aire de protection du milan royal

Le Luxembourg devrait observer ce qui se passe outre-Moselle, car le problème est ici exactement le même. Il existe justement en ce moment une situation critique dans la commune de Wincrange. Un projet d’installation d’éoliennes a été déposé et pratiquement accepté, alors que le site se situe en plein dans une aire de protection du milan royal. Une situation qui a tendance à agacer les naturalistes…

« Normalement, le promoteur a l’obligation d’apporter une étude démontrant que l’installation d’éoliennes n’aura pas d’impact sur la population de milan royal », avance Mikis Bastian. Le problème, c’est que l’étude vient juste de débuter et qu’aucun résultat n’est encore disponible. « Nous venons d’installer des balises sur le dos de six milans royaux. Ces balises, qui disposent de panneaux solaires et d’une petite batterie, livrent les coordonnées et la hauteur de l’oiseau toutes les dix minutes. Leur durée de vie est d’au moins trois ans. Cela va permettre de mieux comprendre les déplacements des milans royaux et la façon dont ils utilisent leur territoire. »

Les tout premiers résultats sont déjà très surprenants et contredisent ce que prétend la littérature. « Jusque-là, on considérait qu’ils ne se déplaçaient que dans un rayon de deux kilomètres autour de leur nid. Or leur territoire est bien plus vaste. Les mâles, notamment, peuvent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres! »

Autant dire qu’une zone de protection restreinte n’a pas beaucoup de sens… Mais à quoi servent ces études si les autorisations de construction sont de toute façon données?

Erwan Nonet

Chaque mercredi, il a été ici question de bonnes nouvelles venues du front de la nature, portées par des scientifiques convaincus. Après le cuivré de la bistorte, l’arnica, la chouette chevêche, le grand rhinolophe et la cigogne, le milan royal vient clore cette série d’été qui se proposait de mettre en avant des programmes de sauvetage d’espèces (animales ou végétales) couronnés de succès.

Autour des décharges

Au Grand-Duché, c’est dans l’Est que l’on trouve la plus grande population de milans royaux. Ils sont également présents autour des terres agricoles de l’Oesling et quelques territoires ont même été repérés dans le Sud-Ouest.

Il existe une infrastructure où l’on trouve fréquemment ces rapaces : les décharges à ciel ouvert. « Pour les milans royaux, ce sont des endroits intéressants, puisque les déchets attirent beaucoup de rongeurs », explique Mikis Bastian. C’est même autour de celle de Flaxweiler, dans l’arrière-pays mosellan, que l’on rencontre la plus grande densité de milans royaux du pays!

Malheureusement pour le rapace, l’Union européenne fait en sorte que les décharges à ciel ouvert disparaissent au profit de structures couvertes où le compostage est possible. Et là, avec la disparition des rongeurs, les milans n’ont plus aucune raison de rester. « Nous avons pu observer ce phénomène autour de la décharge du Fridhaff, près d’Ettelbruck. Depuis qu’elle est couverte, la population de milan royal s’est brusquement réduite. »

Ont-ils disparu ou bien ont-ils migré? « C’est une bonne question, nous n’en savons rien… », reconnaît l’ornithologue, dubitatif.

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Portrait express : Mikis Bastian

milan2Avant d’arriver à la Centrale ornithologique, où il travaille aujourd’hui, Mikis Bastian (33 ans) a étudié au bout du monde. C’est à Toowoomba, en Australie (Queensland), qu’il a en effet obtenu son bachelor. Il l’a complété par une année supplémentaire sur l’île-continent, à Townsville (également dans le Queensland). « J’ai toujours eu une fascination pour l’Australie et, dès que j’ai eu mon bac, j’ai décidé de partir!, explique-t-il. J’ai choisi l’université de Toowoomba parce que c’est une petite ville (NDLR : 110 000 habitants) où l’université accueille très bien les étrangers et qui possède un bon département de biologie et écologie .» Il a achevé son cursus par un master à l’université de Leeds (Angleterre).

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