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[Made in Lux] « Marre de manger du mauvais pain ! »


"On sent un certain ras-le-bol et l'envie de retrouver le pain d'autrefois", estime Christian Goebel. (Photo : Didier Sylvestre)

Au Luxembourg, les amateurs de bon pain sont souvent dans le pétrin! C’est pourquoi, à Junglinster, des particuliers ont décidé de se retrousser les manches pour faire renaître le pain d’autrefois.

Créer une boulangerie coopérative et artisanale à Junglinster : Christian Goebel, membre de l’ASBL Equibrout, nous parle de ce projet, qui n’est encore qu’une idée, mais qui s’apparente déjà à un acte de résistance.

Pour commencer, on le dévore des yeux. Son aspect, sa couleur, sa croûte. Puis on hume ses arômes, salés, sucrés, amers. La main apprécie sa texture, l’oreille l’écoute croustiller, avant que les papilles viennent enfin apprécier toutes les qualités du pain… ou pas.

Car, hélas, au Grand-Duché, miches, baguettes, couronnes et pains de campagne restent souvent en travers de la gorge. «On sent un certain ras-le-bol, les gens en ont marre de manger du mauvais pain. On sent l’envie de retrouver le pain d’autrefois», constate Christian Goebel.

L'ancienne boulangerie Kapp. La dernière vrai boulangerie, pour Christian Goebel.

L’ancienne boulangerie Kapp. La dernière vrai boulangerie, pour Christian Goebel.

Car le pain a pour lui le goût du souvenir, celui des pains et des croissants que sa mère venait chercher ici, à Junglinster, à la boulangerie Kapp. «Partout au Luxembourg, il y avait un vrai savoir-faire. Mais cette tradition s’est perdue. À Junglinster, la boulangerie Kapp a fermé quand le boulanger est parti à la retraite, et personne ne l’a remplacé, même s’il y avait toujours la clientèle. Aujourd’hui, il n’y a plus de boulangerie à Junglinster.»

On lui fait remarquer qu’il existe encore plusieurs lieux où on trouve du pain. «Oui, c’est vrai, mais ce ne sont pas des boulangeries. Ce sont des points de vente», réplique-t-il, évoquant les stations-services, un magasin bio qui ferait venir du pain d’une boulangerie de Gasperich, un supermarché et même une célèbre marque de boulangerie… «Si le pain est seulement cuit sur place, donc congelé à la base, et non pas fait sur place de façon artisanale, ce n’est pas une boulangerie», affirme-t-il.

La faute, aussi, au consommateur : «Aujourd’hui, on trouve toujours un supermarché pas loin, donc on préfère gagner du temps en y prenant le pain après les courses, même s’il est mauvais. Et les boulangeries disparaissent.»

Une étape difficile : trouver un local

Mais Christian Goebel préfère penser à l’avenir. L’ancien président du parti déi gréng, qui travaille comme informaticien au ministère de l’Éducation nationale, multiplie en effet les engagements bénévoles. Et l’un d’eux concerne notre problème à Junglinster. «Avec l’ASBL Equiclic, on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose.»

Fin 2014, l’association fait un sondage auprès des habitants de village, avec des questions du type : «est-ce que vous aimez avoir du pain fait sur place», suivi d’une invitation à une soirée pour en discuter. «Près de 10 % du village a répondu, et on a eu une soixantaine de personnes qui sont venues. On était surpris qu’il y ait autant de monde! Avec les réponses des participants, on a pu ficeler le projet.»

Le but du projet Equibrout est de créer une boulangerie artisanale et équitable à Junglinster. Ambitieux !

Le but du projet Equibrout est de créer une boulangerie artisanale et équitable à Junglinster. Ambitieux !

Le projet «Equibrout» (pain équitable) est né. Un comité est créé, avec une vingtaine de membres. L’objectif est de «créer une boulangerie artisanale et coopérative à Junglinster utilisant des matières premières essentiellement régionales avec le souci d’éviter au maximum le gaspillage des ressources et de la marchandise», peut-on ainsi lire sur le site. Il s’agit aussi de produire du «pain de qualité, fait avec des ingrédients naturels et issus majoritairement de l’agriculture biologique, selon une méthode artisanale».

Voilà pour les grandes lignes (le détail du projet est à consulter sur www.equibrout.lu). Reste plusieurs étapes cruciales à franchir. La première? «Trouver un local. Si on ne peut pas faire cette boulangerie au cœur de Junglinster, ce sera un problème.» L’ancienne boulangerie Kapp (rue du Village) ou certains locaux communaux sont envisagés. Des idées qui restent à concrétiser.

Les membres d’Equibrout espèrent ainsi convaincre la commune de l’intérêt social du projet, qui vise aussi à faire de cette boulangerie un lieu de rencontre. «Ce genre de lieu manque dans le village. Et comme notre idée est d’ajouter un petit salon de thé à la boulangerie, ça pourrait marcher.»

Déjà des commandes

Autre défi : le business plan. «On a un groupe de travail qui planche là-dessus. On a eu des entrevues avec des boulangers, et on a fait des estimations pour voir combien ça va coûter et rapporter. Mais la philosophie est avant tout coopérative. Le but premier n’est pas de faire de l’argent, mais d’avoir un bon produit qui plaise à tous.»

Mais qui dit pain de qualité, dit pain plus cher… «Plus cher que le pain de base, oui, évidemment, et c’est normal. Notre boulangerie sera une boulangerie de niche, pour une clientèle exigeante. Mais je pense qu’elle existe. Ce qui reste à vérifier, en effet, c’est de voir si les gens seront prêts à faire un détour de quelques rues pour venir à cette boulangerie…»

Il faudra aussi trouver… un boulanger! «Oui, et c’est difficile, car c’est un métier avec des horaires exigeants et des charges liées au statut d’indépendant. C’est un métier de passion. On espère trouver quelqu’un qui a un peu d’expérience. Sinon former quelqu’un de motivé, pourquoi pas!»

Bref, il reste encore beaucoup de problèmes à régler. Mais l’idée est belle. Et fait déjà parler : «On a été contacté par une personne qui essaie de rouvrir une épicerie dans un petit village de l’est du pays. Elle cherchait des fournisseurs et elle nous demandait déjà si on pouvait lui livrer du pain», rit-il.

Romain Van Dyck

«Le goût du vrai»

«Tout d’abord, on veut retrouver le goût du vrai pain, travaillé et cuit sur place, et pas seulement un produit surgelé qui termine sa cuisson sur le lieu de vente», témoignait Paul Estgen dans le Lëtzebuerger Journal du 12 décembre dernier. «Notre exigence, c’est la qualité d’un produit irréprochable, avec des ingrédients issus de l’agriculture bio et d’origine régionale. Comme nous avons la chance d’avoir encore des moulins dans la région, il sera d’autant plus facile de cuire le pain à partir de farines locales. Nous voulons connaître l’origine de ce que nous mangeons», ajoute le secrétaire de l’ASBL Equiclic. Mais «le pain, c’est aussi tout un pan de notre culture. On rêve d’un espace ouvert, qui fait se rencontrer les gens et qui permette au client de voir et de sentir le travail qui s’y fait. Une cuisine pédagogique, une terrasse pour l’été, un coin café et thé… Ce sont autant d’éléments indispensables à ce projet.»

Un commentaire

  1. Dedola Tania

    Excellente initiative, il faut rééduquer les clients car si un bon pain artisanal est plus cher, il a la qualité de se conserver plus longtemps donc pas de gaspillage et son goût fait que souvent, il est bien meilleur que toute patisserie quand il est croustillant! Il est dur de trouver encore des boulangers artisans qui aiment le bon pain! Un exemple à Steinfort, Agribio produit du pain artisanal et tout est vendu à grande vitesse, leur slogan est : une ferme, un moulin et une boulangerie! Leur pain artisanal est un pur délice et une fois qu’on a mangé ce pain, on ne VEUT PLUS REVENIR à la merde vendue en supermarché, produit que l’on ose appelé PAIN Et quand le concept fonctionnera bien, à quand une grande fête luxembourgeoise DU PAIN TRADITIONNEL, ce serait un rêve car personne n’oublie jamais l’odeur spéciale du bon pain, celui de notre enfance!

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