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Crise du logement : les politiques tardent à s’entendre


Les débats à rallonge n'ont pas encore permis aux partis politiques de trouver un terrain d'entente pour créer plus de logements (Photo archives lq)

Les outils pour s’attaquer à la crise du logement sont nombreux. Un certain dialogue de sourds reste cependant de mise entre gouvernement et opposition. Le Quotidien compare les différentes stratégies.

Le Parti chrétien-social, qui ne nie pas les erreurs commises par le passé, plaide aujourd’hui pour prendre d’urgence une série de mesures fiscales mais aussi législatives afin d’envoyer un signal fort à un marché du logement en surchauffe. «On tourne en rond. Il faut sortir de ce cercle vicieux», souligne le député Marc Lies. De son côté, le ministre Henri Kox plaide pour un «changement de paradigme» dans la politique de logement. La grande priorité doit être la location d’un parc bien fourni en logements à prix abordables. Explications.

«Il faut sortir de ce cercle vicieux»

Pour Marc Lies, il est temps que «l'État sorte le fouet» (Photo archives lq)

Pour Marc Lies, il est temps que «l’État sorte le fouet» (Photo archives lq)

En lisant les propositions du CSV pour endiguer la crise du logement, on constate que les positions du plus grand parti d’opposition ne sont pas très éloignées de celles prônées par le gouvernement et son nouveau ministre du Logement, Henri Kox. «Il existe pourtant des dissonances importantes. Henri Kox et son parti déi gréng s’opposent à une ouverture du périmètre de construction. Avec le DP, il est difficile de trouver un terrain d’entente concernant des mesures fiscales», fait remarquer Marc Lies, le porte-parole du CSV dans le dossier du logement. Et pourtant : «On est tous d’accord pour dire que la crise ne pourra pas être résolue du jour au lendemain en s’appuyant sur une, deux ou trois mesures. Par contre, ne rien faire ou prendre des mauvaises décisions ne permet pas non plus d’avancer. Il faut sortir de ce cercle vicieux», ajoute le député-maire de Hesperange.

Le CSV ne nie cependant pas avoir commis des erreurs lorsqu’il était au pouvoir. «L’ancien Premier ministre Jean-Claude Juncker a au moins eu le courage de dire que la politique du logement a été un échec, que le gouvernement n’a pas réussi à trouver les bonnes réponses», affirme Marc Lies. La croissance démographique et économique ayant suivi la crise financière de 2008 n’aurait cependant pas pu être anticipée. Mais le plus grand parti d’opposition veut aujourd’hui aller de l’avant et se «montrer constructif». Quatre propositions de loi, plusieurs motions et, finalement, un plan d’action comprenant 23 pistes ont été élaborés par le CSV. «Le gouvernement insiste toujours sur la viabilisation des 2 800 ha de terrains qui se trouvent encore dans le périmètre de construction. Or les mesures prises jusqu’à présent n’ont pas permis de créer une nouvelle dynamique. Après avoir misé sur la méthode douce, l’État doit désormais sortir le fouet», souligne Marc Lies. La mobilisation de terrains en possession de grands investisseurs afin d’y créer plus de logements à un prix abordable est une priorité que partagent CSV et gouvernement (lire en page 3). Or les chemins pour y parvenir diffèrent. «J’ai pleine conscience que les propriétaires sont peu enclins à viabiliser leurs terrains. Avec les taux d’intérêt négatifs, ils voient leur argent se déprécier. Ils préfèrent donc laisser leurs terrains vides», admet le député.

Les pistes du CSV pour endiguer la crise du logement

Taxe sur la spéculation et exemption fiscale
«Une taxe sur la spéculation est une obligation», insiste Marc Lies. En parallèle, il propose d’introduire des aides spécifiques pour rendre la viabilisation des terrains et la location plus attrayantes. «Notre idée est de leur offrir une exemption fiscale attrayante et plus de subsides pour qu’ils mettent pendant 20 ou 25 ans à disposition de la main publique des logements avec un loyer plafonné à 10 euros par mètre carré.»

Imposer un pourcentage de logements à coût modéré
Le pacte logement prévoit déjà que 10 % des logements construits dans un lotissement de plus de 25 unités doivent être réservés pour le logement à coût modéré. Le CSV veut passer à un quota de 20 % de logements à coût modéré par projet de 15 logements. «Une convention-cadre conclue avec le promoteur doit fixer un prix de vente juste. Le logement sera géré par la main publique. Il faudra cependant aussi définir clairement ce qui est un logement à coût modéré.» Car comme le calcule Marc Lies, il ne faut pas se contenter de passer à 20 % en dessous du prix du marché, cela ne servirait à rien : «À Luxembourg, le prix au mètre carré tourne autour des 10 000 euros. Mais même à 8 000 euros/m2, un appartement de 100 m2 reste impayable.»

Location avec option d’achat
Pour permettre aux jeunes familles de se doter d’un logement, le CSV veut introduire le bail avec option d’achat. «Dès le début, il faut un engagement de la part des banques pour financer l’achat du logement après 5 ans. Un prix fixe sera défini. Pendant cette période, la location sera de 10 euros/m2. Un quart du loyer est versé sur un compte d’épargne devant constituer la base pour obtenir un crédit», détaille Marc Lies. L’option peut sous certaines conditions être étendue à 10 ans.

Extension du périmètre
Vu que la création de nouveaux logements à l’intérieur des agglomérations s’avère de plus en plus compliquée, le CSV veut élargir le périmètre de construction «là où cela donne du sens». Sur toute extension du périmètre, 30 % des nouvelles constructions doivent être réservées à des logements à coût modéré ou des locations avec option d’achat.

Montants à revoir
La hausse de la TVA sur le logement de 3 à 17 % reste une grave erreur pour le CSV. Mais pour atténuer le choc, le parti plaide pour porter la limite de la TVA remboursable par logement créé ou rénové de 50 000 euros à 100 000 euros «afin de soulager considérablement les acquéreurs potentiels d’un logement». En parallèle, le parti veut voir le crédit d’impôt sur les actes notariés passer de 20 000 à 50 000 euros.

 

«Créer un socle de logements abordables»

Le ministre du Logement, Henri Kox, reste convaincu qu'il va «trouver des logements abordables» (Photo archives lq)

Le ministre du Logement, Henri Kox, reste convaincu qu’il va «trouver des logements abordables» (Photo archives lq)

Dans une récente réponse à une question parlementaire de Marc Lies (CSV), le nouveau ministre du Logement admet que «le gouvernement est conscient qu’il existe une urgence sur le marché du logement». «Nous savons tous qu’il existe un grand manque de logements abordables. Chacun fait le même constat. Toutes les couches de la population peuvent être touchées par des difficultés à trouver un logement. La société doit en prendre conscience», expliquait Henri Kox le 13 novembre dernier en marge de l’inauguration de la Maison des chercheurs à Dudelange. Il s’est d’ailleurs inspiré de la philosophie régnant dans les laboratoires pour souligner sa priorité absolue : «Je cherche et je vais trouver du logement abordable.»

La main publique formée par l’État, les communes et les promoteurs publics (Fonds du logement et SNHBM) doit reprendre la main sur un marché en surchauffe. «Il nous faut un changement de paradigme. La priorité doit aller à la location. S’il y a vente, cela doit se faire sur la base d’un bail emphytéotique. Il ne doit plus être possible que les logements abordables « disparaissent » après une vente sur le marché privé», note Henri Kox. Le ministre du Logement, en poste depuis le 11 octobre, considère que sa «mission primaire» est de «défendre l’intérêt général». Dans ce contexte, il compte renforcer le partenariat entre communes et État, notamment à travers le pacte logement 2.0 (lire en page 2). En parallèle, il veut aussi impliquer les investisseurs privés dans la création de logements à prix abordables. En fin de compte, Henri Kox veut «créer un socle de logements abordables». «L’argent ne doit pas constituer un obstacle. Si c’est le cas, on aura un autre problème», ajoute-t-il.

Les pistes du gouvernement

Réserves sur l’extension du périmètre
Dans les grandes lignes, le programme du gouvernement pour contrer la crise du logement s’entrecoupe avec les propositions émanant de l’opposition, et plus particulièrement du CSV. Une grande exception demeure cependant quant à la revendication d’étendre le périmètre de construction. «Nous disposons de 2 800 ha dans le périmètre déjà défini. Avec l’aide du remembrement ministériel, qui permettra de réaliser des lotissements même si le propriétaire d’une parcelle s’y oppose, on pourra aller de l’avant», insiste Henri Kox. Dans ce cas, le propriétaire récalcitrant se verra proposer un terrain de remplacement.
La pratique du remembrement doit aussi permettre de rapidement viabiliser les 900 ha de «Baulücken», c’est-à-dire de zones constructibles situées entre des bâtiments déjà existants mais qui n’ont pas encore été viabilisés.
Par contre, la ministre de l’Environnement affirme dans sa réponse à une question parlementaire de la députée Octavie Modert (CSV) qu’elle «ne s’oppose pas systématiquement à une extension du périmètre de construction».

Le point sur les taxes
La taxe sur la spéculation immobilière reste aussi controversée dans les rangs du gouvernement. Mais le ministre du Logement vient de confirmer qu’il avait lancé avec le ministère de l’Intérieur une analyse sur l’opportunité d’introduire sur le plan national une «taxe sur la rétention de logements vides». Le syndicat OGBL évoque cette taxe dans son communiqué diffusé après une entrevue avec Henri Kox (lire ci-dessous).
En même temps, le ministre souligne que «les taxes ne vont pas à
elles seules résoudre le problème du logement abordable». Pour l’instant, le gouvernement renvoie vers la réforme fiscale, notamment pour définir une réforme et donc une hausse de l’impôt foncier. Ici, Henri Kox va se concerter étroitement avec Taina Bofferding, la ministre de l’Intérieur.

Révision à la hausse de l’obligation de 10 %
L’obligation de réserver 10 % des logements d’un lotissement de plus de 25 unités au logement à coût modéré est une autre piste majeure sur laquelle compte travailler le ministre. Il se dit ouvert à discuter le taux de 10 % qui, selon le CSV, doit être revu à la hausse. «Il faudra voir si l’on passe à 15 ou même 20 %», évoque Henri Kox. Le pourcentage qui définira un logement à prix abordable doit également encore être établi, précise encore le ministre.

Le bailleur social
Afin de convaincre les investisseurs privés de mettre leur propriété immobilière à disposition de la main publique, Henri Kox mise sur le modèle du bailleur social.
L’Agence immobilière sociale (AIS) applique déjà ce modèle. Dans ce cas de figure, le propriétaire obtient une garantie que le loyer sera assuré, même en cas de problèmes financiers du locataire. De plus, le bailleur social s’occupe de l’entretien de l’immeuble. «Je peux m’imaginer que des associations et agences soient créées pour permettre par exemple aux monoparentaux de pouvoir obtenir un logement», annonce Henri Kox.  

Quel timing ?

A priori, le gouvernement vise à transposer ces mesures sous forme de package. Le CSV plaide lui pour isoler différentes mesures afin d’«envoyer un signal au marché et prouver sa volonté d’agir». La réforme annoncée de la loi de 1979 sur l’aide au logement pourrait prendre pas mal de temps. Mais jusqu’à présent, aucun timing n’a été précisé par le gouvernement. Le débat de la semaine prochaine à la Chambre des députés sur le Pacte Logement 2.0 pourrait permettre d’y voir plus clair.

David Marques

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