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Dan Biancalana : « Le LSAP reste un parti très vivant »


Le bourgmestre de Dudelange, faisant fonction de président du LSAP avec le départ de Franz Fayot vers le gouvernement, évoque l'actualité politique nationale et régionale avec nous (Photo : Julien Garroy).

Plutôt gentil et posé, Dan Biancalana n’en finit plus de gravir les échelons. Le bourgmestre de Dudelange défend avec succès un des derniers bastions du LSAP. Devenu député et vice-président du Parti socialiste, il dresse un état des lieux avant un congrès décisif prévu dimanche à Bascharage.

Si on jette un coup d’œil sur l’évolution de votre carrière politique, on constate qu’elle s’est construite graduellement. L’ambition de devenir bourgmestre ou même député était-elle présente dès le départ ?
Dan Biancalana : Il s’agit de tout un processus. Une particularité du Luxembourg est que son architecture institutionnelle est très reliée. Dans d’autres pays, la coupure entre politique locale et nationale est bien plus nette. En partant de ce constat, il a tout de même été surprenant pour moi d’être élu d’office en 2005 au collège échevinal de Dudelange. Au fil des élections, j’ai gravi les échelons et hérité de plus en plus de responsabilités. Mais est-ce que mon ambition était claire dès le départ? Disons que lorsqu’on commence à gravir les échelons, l’envie de poursuivre sur cette lancée ne cesse de grandir. Lorsque je suis devenu premier échevin, la question de devenir bourgmestre a commencé à se poser. À l’automne 2014, Alex Bodry a pris la décision de me céder le siège pour se concentrer sur la politique nationale. Mais à la base, l’envie n’est pas suffisante. L’électeur a toujours le dernier mot.

Depuis octobre 2018, vous êtes député-maire. À un moment où la discussion autour de la séparation des mandats gagne en intensité, quelle est votre position ?
Le fait de compter dans ses rangs des députés-maires a toujours été une force du LSAP. Mais il faut aussi dire qu’à l’intérieur du parti les avis divergent sur cette double fonction. J’ai été bourgmestre à plein temps de décembre 2014 à octobre 2018. Depuis lors, je porte la double casquette. Les deux modèles apportent leur lot d’avantages et d’inconvénients. D’abord, il est intéressant de pouvoir défendre sur le plan national les intérêts de sa commune ou du secteur communal en général. Ensuite, le député-maire peut aussi servir de relais pour décliner la politique nationale sur le plan local. Mais en restant objectif, il faut avouer qu’un double mandat est très intense en termes de temps, même s’il reste bénéfique.

En professionnalisant la fonction de bourgmestre, il faudrait prévoir un vrai salaire

(Photo : Julien Garroy).

(Photo : Julien Garroy).

Avec l’expérience gagnée depuis octobre 2018, êtes-vous donc pour ou contre la fin du cumul des mandats ?
Je suis pour l’instant assis entre deux chaises. Si on veut aller en direction d’une séparation des mandats, il est essentiel de définir comment les communes pourront continuer à plaider leur cause sur le plan national. Différents modèles existent. Le LSAP plaide pour un renforcement du Syvicol qui aurait à l’avenir le statut de chambre professionnelle. D’autres partis évoquent une Chambre des élus locaux. Le statut de bourgmestre devra aussi changer. Pour l’instant, seule une indemnité nous est accordée. En professionnalisant la fonction, il faudrait prévoir un vrai salaire, qui permettrait de cotiser et donc de bénéficier d’une sécurité sociale, même en cas de non-réélection. Un bourgmestre n’a pas de CDI. Tous les six ans, il doit se présenter devant l’électeur.

Le Premier ministre a relancé le débat au printemps dernier. Comment la discussion a-t-elle évolué depuis ?
La matière est complexe, ce qui explique que la discussion ne se trouve qu’à ses débuts. Plaider pour la fin du cumul des mandats est trop simpliste. Les implications d’une telle décision ne sont pas à négliger. Les partis devront se structurer différemment, sur le plan de la politique qu’ils mènent mais aussi en ce qui concerne leur personnel politique. Or si l’on considère l’évolution du pays, avec la multiplication et la complexité des missions qui incombent aux communes, on ne pourra pas échapper à une professionnalisation du bourgmestre. Mais rien n’est encore acquis. Ni au sein du LSAP ni dans les autres partis, il n’existe un consensus sur la question.

Dimanche aura lieu le congrès du LSAP qui va désigner un nouveau président. Après tous les remous de ces derniers mois, dans quel état d’esprit abordez-vous ce rendez-vous ?
Je suis président faisant fonction depuis l’entrée de Franz Fayot au gouvernement. L’élection d’un nouveau président attire bien entendu toutes les attentions. La nouvelle direction du parti devra clairement énoncer vers où elle compte amener le LSAP. Le processus de réforme engagé il y a un an va se poursuivre, même si chaque président souhaite apporter sa touche personnelle. Le LSAP reste un parti très vivant, en dépit des vues et courants divergents qui existent. Avoir un échange animé doit être considéré comme une chance pour faire avancer le LSAP. Tout cela dégage une dynamique qui se fait ressentir lors de nos congrès.

L’impression reste toutefois que le LSAP se trouve en chute libre. Comment stopper l’hémorragie ?
En termes de contenu, il faut différencier le parti, les députés et les membres du gouvernement. Même si chacun a son rôle à jouer, on reste tous engagés pour notre parti. Les échanges se sont intensifiés ces douze derniers mois. Je ne doute pas qu’on parviendra ensemble avec nos élus à mieux mettre en valeur l’empreinte socialiste dans le travail accompli par le gouvernement. Les résultats sont bien là. Il nous faut désormais communiquer de manière plus conséquente et démontrer pourquoi il reste important de voter socialiste et afficher la plus-value qu’un LSAP peut apporter par rapport à d’autres partis.

En termes de fiscalité, le DP et déi gréng ont certainement d’autres visions que nous

Le nouveau président de fraction, Georges Engel, a lui annoncé se montrer plus offensif sur des thématiques clés telles que le logement ou l’éducation. Cette initiative ne risque-t-elle pas d’affaiblir la majorité gouvernementale ?
Notre soutien apporté à cette coalition n’est pas remis en cause. On a validé un programme gouvernemental commun. Il s’agit d’un compromis. Mais si je prends les négociations pour la réforme fiscale, il est important d’articuler plus clairement les positions et revendications du parti. Cela contribue à renforcer son profil, sans toutefois transgresser les lignes rouges dressées par l’accord de coalition. En termes de fiscalité, le DP et déi gréng ont certainement d’autres visions que nous. Il existe toutefois une marge pour se positionner et on compte l’exploiter de manière plus conséquente.

Récemment, les Jeunesses socialistes (JSL) sont montées au créneau pour dénoncer le fait que l’apport des jeunes n’est pas souhaité au sein du parti. Partagez-vous ce constat ?
Les JSL ont toujours eu la possibilité de s’impliquer dans le parti, de faire part de leurs propositions et positions. C’était le cas à mon époque et je ne vois pas la raison pour laquelle cela aurait changé. En tant que sous-organisation, elles disposent d’une certaine autonomie. Il est d’autant plus important de venir s’articuler dans les différentes instances du parti, d’engager le débat à ce niveau. Les JSL sont invitées à le faire. Je n’ai jamais eu l’impression que les vues des JSL n’aient pas été prises en compte. Certains jeunes socialistes sont certes entrés en conflit avec des membres du parti, mais si l’esprit constructif prédomine et qu’on parle de contenus, cela ne peut faire que du bien au parti. Je ne vois donc pas ce qui empêcherait les JSL de s’impliquer. Mais elles doivent le faire dans les instances du parti.

Et donc pas prioritairement dans la presse ?
(Silence)

Dudelange est une commune qui a toujours grandi de façon modérée

Revenons à Dudelange. On peut comparer l’évolution de la commune à votre propre carrière. Les grands projets prévus pour l’avenir vont-ils remettre en question la volonté de grandir progressivement ?
Dudelange est une commune qui a toujours grandi de façon modérée. Il s’agit d’un choix délibéré. Il faut mettre en relation l’évolution urbanistique de la commune avec la mobilité. Vu la proximité avec la frontière française, Dudelange doit faire face à un important trafic de transit. Il faut en tenir compte. Notre nouveau plan d’aménagement général (PAG), dont le premier vote a eu lieu vendredi au conseil communal, confirme le principe d’une croissance modérée. Il est prévu de continuer à procéder par étapes. Ce sera aussi le cas pour le nouveau quartier NeiSchmelz, qui possède un grand potentiel. Quelque 1 000 logements pourront être réalisés sur les friches de l’ARBED, avec à la clé jusqu’à 2 500 nouveaux habitants. Un phasage du projet sera respecté. L’objectif est de continuer à tenir les rênes du développement de la commune.

Outre l’arrivée de nouveaux habitants, quelle valeur possède le quartier NeiSchmelz pour la commune de Dudelange ?
Un tout nouveau quartier va sortir de terre. D’un point de vue urbanistique, il est prévu qu’il s’intègre aussi bien aux quartiers existants Schmelz et Italie, mais aussi qu’il fasse le lien avec le centre-ville. Ce n’est pas une île que l’on s’apprête à construire. Le quartier NeiSchmelz va aussi créer de nouveaux emplois et de nouvelles possibilités de loisirs. Avec 80 % des terrains qui sont en possession du Fonds du logement, ce futur écoquartier va surtout miser sur des logements à prix abordables. Dans ma vision, NeiSchmelz doit devenir un quartier qui offrira une perspective d’avenir aux jeunes Dudelangeois. Le projet va s’étaler sur 10 à 15 ans. Ceux qui sont aujourd’hui à l’école fondamentale ou au lycée pourront continuer à habiter Dudelange à un prix abordable. Au-delà du patriotisme local et de son dicton « Dudelangeois un jour, Dudelangeois toujours », ce projet doit permettre de pérenniser le lien des jeunes générations avec leur ville.

Plus proche dans le temps se trouve l’achèvement des travaux du shared space. Ce projet peut-il éviter à Dudelange de voir les commerces déserter le centre-ville comme c’est le cas dans des communes limitrophes ?
Pour réussir à se positionner en tant que quatrième ville du pays avec son centre-ville et ses commerces, il faut investir dans les infrastructures. Le shared space est un attrait pour les citoyens, les visiteurs potentiels et les commerces. En 2019, nous avons engagé un « city manager » qui doit faire le lien entre les commerçants et la commune. Dans cet ordre d’idées, un Observatoire du commerce a été mis en place. Il se réunit toutes les cinq ou six semaines pour faire le point sur les initiatives que l’on peut prendre à court, moyen et long terme afin d’assurer l’attractivité de Dudelange. L’idée est de pouvoir se différencier par rapport à la concurrence des grands centres commerciaux qui sont implantés dans notre périphérie. Il faut mettre d’autres atouts en avant. C’est en misant sur un service personnalisé au client ainsi que sur des niches telles que le magasin sans emballages OUNI que l’on peut réussir.

Dudelange déclare aussi être une ville de la culture. Quel sera l’apport de votre commune pour que l’année culturelle Esch2022 devienne un succès ?
Le volet culturel est depuis plus de 30 ans un axe de développement majeur pour Dudelange. Le statut de ville de la culture s’est construit au fil des dernières décennies. Aujourd’hui, nous disposons notamment du Centre culturel régional opderschmelz, des galeries d’art NeiLiicht et Dominique-Lang ainsi que du Centre de documentation sur les migrations humaines. Dudelange est devenue un pion important du paysage culturel. Il était donc évident pour nous de nous engager dans le projet Esch2022, à la fois en tant que commune mais aussi avec le concours du milieu associatif. Toute une série de projets ont été soumis au jury de sélection. Il faut aussi rappeler que les communes participant à Esch2022 seront à tour de rôle mises en évidence. Ainsi, l’année culturelle va constituer un moment très important, tant pour Dudelange que pour la région Sud dans son ensemble.

Entretien avec David Marques

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