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Émile Eicher veut un Syvicol davantage à l’écoute des communes


"Nous militons pour le pragmatisme et la création d'un guichet unique auprès duquel les communes recueillent aide et conseils", propose notamment Émile Eicher. (photo Didier Sylvestre)

Le Syndicat des villes et communes luxembourgeoises veut repenser ses missions et ses orientations. Entretien avec son président, le député-maire de Clervaux, Émile Eicher (CSV).

Le dernier avis rendu par le Syvicol concerne le projet de loi sur le patrimoine qu’il considère peu réaliste. Le syndicat aimerait faire connaître son travail de lobbyiste auprès des ministères et dire qu’il pourrait faire davantage s’il avait aussi plus de moyens.

Vous craignez, avec le projet de loi sur le patrimoine, de voir une liste interminable d’immeubles classés. Mission impossible ?

Émile Eicher : Les inventaires du patrimoine architectural déjà réalisés dans trois communes nous montrent l’ampleur de la tâche et le nombre d’objets recensés. Pour la seule commune de Helper-knapp, le catalogue illustré fait plus de 600 pages et les spécialistes du ministère de la Culture ont passé plusieurs mois sur sa réalisation. Difficile d’imaginer de faire le tour des 102 communes en dix ans comme c’est prévu pour faire un inventaire national. Je crois que nous avons besoin d’un système plus réaliste de classement. Le ministère demande l’impossible. Avec l’introduction de la zone d’observation archéologique sur presque l’intégralité de notre pays, l’évaluation, pouvant entraîner un diagnostic ou une fouille, ou les deux, devient systématique. Nous allons perdre beaucoup de temps, alors que nous visons tout le contraire, c’est-à-dire alléger les procédures pour pouvoir construire dans des délais plus courts.

Ce texte est-il contradictoire avec le nouveau pacte logement ?

Oui, clairement. Le Syvicol est en train de négocier avec le ministre du Logement ce nouveau pacte logement 2.0 où il est question de demander aux communes d’agir et de construire plus vite. Mais d’un autre côté, on nous freine par des procédures d’une lourdeur disproportionnée. Il faut être plus pragmatique et protéger ce qu’il y a à protéger. Je suis sensible à la protection du patrimoine, mais pourquoi faire réaliser des fouilles dans des zones où il est quasi certain que rien ne s’y trouve ? Il se pose en général une question d’équilibre entre la protection du patrimoine et d’autres priorités politiques.

C’est-à-dire ?

Si l’on veut avancer vite et d’une façon plus transparente dans la construction, il faudrait pouvoir introduire un dossier unique destiné à être analysé par les différentes administrations concernées qui disposeraient toutes du même délai pour éviter cet enchaînement de délais que l’on connaît actuellement et que l’on pourrait harmoniser à trois ou quatre mois. Si la procédure pouvait se dérouler par voie électronique, tout le monde pourrait voir où en est le dossier et entre quelles mains il se trouve. Cela apporterait une certaine sécurité de planification à ceux qui veulent investir. Ils doivent savoir au bout de trois mois si le projet passe ou casse. Ce serait un mode de gouvernance à élaborer.

Si on veut une meilleure gouvernance, il faut engager du personnel

Le débat sur la simplification administrative et la réduction des délais pour les constructions ne date pas d’hier. Pourquoi est-ce toujours aussi long ?

Certaines administrations n’auraient pas le personnel nécessaire me dit-on. Mais on n’a rien sans rien, alors si on veut une meilleure gouvernance, il faut engager du personnel. Le temps que l’on gagnerait en accélérant les procédures justifierait sans aucun doute le recrutement de spécialistes dans les ministères et les administrations. D’ailleurs, l’avis des autorités judiciaires sur le projet de loi relatif au patrimoine conclut aussi que le texte proposé est contradictoire avec la recherche de simplification administrative. Tout est dit.

Le Syvicol lance un sondage auprès de ses membres. Quels sont ses objectifs ?

Nous voulons consulter nos élus et connaître leurs idées pour le futur du Syvicol. Doit-on être une chambre qui se contente de présenter ses avis ou devrions-nous être plus proactifs? Si oui, un agrandissement de l’équipe administrative (six personnes actuellement) sera inévitable.

Ce serait demander un gros effort financier aux communes ?

Actuellement, les communes versent 1,30 euro par habitant pour le fonctionnement du syndicat, ce qui n’est pas beaucoup par rapport à d’autres syndicats. Nous devons songer à étoffer notre équipe si nous voulons réagir et agir vite face à la multitude des projets que le gouvernement nous présente.

Les administrés sont de plus en plus critiques envers les décisions prises par leurs élus

Qu’est-ce qui ne fonctionne pas actuellement au Syvicol ?

On réalise surtout qu’il y a un problème au niveau du relais d’information. Les communes ne sont représentées que par des intermédiaires des régions. Sauf la Ville de Luxembourg qui a son élu direct, tous les autres représentent plusieurs communes. Or c’est une des priorités du Syvicol d’améliorer le contact direct avec les élus communaux. Le travail fonctionne bien dans les trois commissions internes du Syvicol, mais cela ne suffit pas. Les missions du Syvicol devraient être revues parce que la situation des communes a changé rapidement ces dernières années et la complexité s’est amplifiée, tout comme les responsabilités des communes. Les administrés sont de plus en plus critiques envers les décisions prises par leurs élus. Toute la communication au niveau des communes est devenue plus importante que jamais.

Que vous reprochent les élus ?

Je crois que l’on s’est beaucoup occupé des communes, mais pas assez de l’élu justement, sauf en ce qui concerne les cours de formation pour les nouveaux élus. Beaucoup d’élus nous reprochent d’être réactifs à la place d’être proactifs. On réagit à des projets de loi, alors que nous devrions intervenir en amont, comme nous l’avons expérimenté pour certains projets et cela fonctionnait bien. Mais pour d’autres projets nous n’avons même pas été consultés.

Vous avez été consultés pour le projet sur le patrimoine…

Oui et c’est un bon exemple. Nous avons commencé à en parler en 2015 déjà dans plusieurs groupes de travail. Mais le résultat est maigre.

Le Syvicol n’est-il pas systématiquement consulté, voire associé à la préparation des textes législatifs ?

Le Premier ministre avait demandé le 21 juin de l’année passée, via une circulaire ministérielle adressée à toutes les administrations, de consulter le Syvicol lors de l’élaboration de textes législatifs concernant les communes. Cela a bien fonctionné pour beaucoup de ministères, pour d’autres moins. Il faudra faire le point lors d’une prochaine réunion et demander à certains ministres d’être plus ouverts.

Être à l’écoute, c’est important pour prendre les bonnes décisions

Comment procédez-vous pour ce sondage ?

Nous avons défini un questionnaire qui va être envoyé aux élus. Le sondage va commencer le 16 mars.

L’évaluation se fera par une société d’études de marché. Le 16 mai, nous avons prévu de présenter les résultats du sondage lors de notre journée des élus communaux au Kinneksbond de Mamer et demander aux participants de les évaluer au sein de groupes de travail et de nous faire des propositions. Elles nous permettront de fixer des priorités et d’entamer les changements. Être à l’écoute, c’est important pour prendre les bonnes décisions.

Faut-il parler d’un renouveau du Syvicol ?

Non. Nous allons revoir ses orientations, ses missions, ses responsabilités. En plus de la communication, nous devons aussi renforcer la formation continue. De nouvelles lois sont votées et les élus ne sont pas toujours correctement informés ni formés, sauf si le ministère concerné organise des séances d’information. Nous disposons déjà de beaucoup de possibilités d’action et il faut seulement déterminer les priorités. Nous devons aussi développer nos échanges de bonnes pratiques comme nous le faisons déjà dans le domaine du social avec le Gresil (NDLR : Groupe d’échange et de soutien en matière d’intégration au niveau local). Il faudrait avancer davantage dans un processus de participation directe avec les élus. Notre présence dans les médias et surtout sur les réseaux sociaux doit être aussi améliorée. C’est une évolution logique.

Nous voulons une meilleure gouvernance aussi bien de la part de l’État que des communes

Souffrez-vous d’un manque de visibilité et de reconnaissance ?

Les gens connaissent nos avis mais ignorent souvent notre travail de lobbyiste auprès des ministères. Par exemple, nous avons eu récemment encore une entrevue avec le ministre du Logement que nous avons alerté sur des aspects difficilement réalisables dans le contexte du pacte logement 2.0. Nous militons pour le pragmatisme et la création d’un guichet unique auprès duquel les communes recueillent aide et conseils.

Le ministère de l’Intérieur dispose d’un département qui accompagne les communes…

Oui, mais c’est surtout vrai pour l’élaboration des PAG. Pour faire avancer les projets de logements, il faut un environnement propice, donc donner les moyens aux communes qui ne disposent pas de spécialistes d’être prises par la main à travers toute la procédure. Les grandes communes ont leur propre service logement, mais les moyennes et petites communes ont plus de difficultés à gérer un parc immobilier locatif. Nous comptons retrouver cet aspect dans la réforme du pacte logement.

La réforme de la loi communale est l’autre grand chantier important pour le Syvicol. Où en est-on ?

Nous avons déjà eu quelques réunions avec la ministre qui consulte aussi le public. La ministre de l’Intérieur, Taina Bofferding, nous a promis un texte pour la fin 2021. Les enjeux sont énormes car nous voulons plus d’autonomie, plus de flexibilité, plus de transparence et une meilleure gouvernance aussi bien de la part de l’État que des communes. Vivre dans la modernité en quelque sorte et user des nouvelles technologies pour se concentrer sur ce qui est nécessaire.

L’allégement de la tutelle administrative de l’État, c’est un premier grand pas ?

Le projet de loi répond à une revendication que le Syvicol réitère depuis des décennies. Nous sommes contents qu’une grande partie de nos idées ait été reprise dans le projet de loi.

Entretien avec Geneviève Montaigu

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