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«La fermeture des frontières ne stoppe pas le virus»


Jean Asselborn voit le principe même de Schengen remis en question (Photo : julien garroy)

Le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a sermonné lundi les 15 pays de l’espace Schengen ayant partiellement ou entièrement fermé leurs frontières pour faire face à la propagation du Covid-19. La mesure n’aurait aucun effet, serait contraire aux lois européennes et constituerait une discrimination entre citoyens européens. 

Jean Asselborn digère mal la stratégie non coordonnée adoptée par les 26 pays européens formant l’espace Schengen. «Un des plus grands acquis de l’Union européenne est la libre circulation des personnes. Or actuellement 15 des 26 pays Schengen ont mis en place des contrôles ou même fermé leurs frontières. Le principe même de cette liberté fondamentale est aujourd’hui remis en question», fustige le ministre des Affaires étrangères. Il a fait passer ce message lundi à ses homologues européens, réunis en visioconférence.

Selon le chef de la diplomatie luxembourgeoise, «les virologues indiquent que la fermeture des frontières a très peu ou même aucun impact sur la propagation du virus». Les mesures de confinement, avec à la clé une forte réduction des contacts physiques, apporteraient un effet bien plus important.

Pour le Luxembourg, la situation est particulièrement critique au vu des plus de 200 000 frontaliers qui contribuent au fonctionnement de l’économie nationale. Il en va de même pour les milliers de frontaliers travaillant dans le secteur des soins de santé. «Ce sont à eux seuls 50 000 Allemands qui traversent tous les jours la frontière. Leur présence est vitale pour le Luxembourg», précise Jean Asselborn, fustigeant au passage la décision de Berlin de mener des contrôles aux frontières avec le Grand-Duché.

L’attitude de blocage, notamment allemande, fustigée

Le gouvernement avait été informé sur le tard de cette mesure. De plus, l’Allemagne avait décidé unilatéralement de fermer une série de points frontières dans le nord du Luxembourg. «Cela est inacceptable et depuis lors une solution a pu être trouvée», indique le ministre. Des douaniers luxembourgeois sont venus renforcer leurs collègues allemands pour éviter que des frontaliers soient obligés de faire un détour de 100 km pour rejoindre leur lieu de travail au Luxembourg. Entretemps, une voie serait réservée aux frontaliers pour assurer un flux plus rapide.

Jean Asselborn rappelle que la Commission européenne avait en date du 18 mars lancé la proposition de fermer les frontières extérieures de l’UE, à condition que les frontières à l’intérieur de la Communauté européenne restent ouvertes. «Cette condition n’a pas été respectée et cela nous pose de grands problèmes», souligne le ministre des Affaires étrangères. Il cite le blocage de masques de protection destinés à l’Allemagne à la frontière entre la Roumanie et la Hongrie. Un autre exemple est la rétention ou même le détournement de matériel de santé destiné à l’Italie. «Cette attitude ne sert la cause de personne», gronde le ministre socialiste. «Il faut tout faire pour rouvrir les frontières», insiste-t-il, aussi pour assurer «le transport d’aliments et de médicaments».

Encore 300 ressortissants luxembourgeois éparpillés à travers le monde

Autre critique acerbe : «On ne doit pas tolérer que des Européens soient bloqués à l’intérieur de l’UE.» Dans ce contexte, Jean Asselborn insiste pour que «les aéroport restent ouverts pour les rapatriements». Le Luxembourg compte encore quelque 300 ressortissant éparpillés à travers le monde. «Les demandes affluent pour des rapatriements», note le ministre. Un vol de Luxair a rapatrié des touristes luxembourgeois mais aussi européens depuis le Cap-Vert. Un groupe de ressortissants luxembourgeois bloqués à Cuba est aussi sur le point d’être rapatrié au pays. Avec le concours de l’Allemagne, des citoyens grand-ducaux seront rapatriés depuis le Costa Rica. D’autres sont revenus d’Italie et d’Espagne.

Luxair reste disposé à organiser d’autres vols de rapatriement, y compris pour des ressortissants européens. «C’est un signe de solidarité», dit Jean Asselborn avant de fustiger «un grand pays dans lequel on aime voyager et qui a décidé de rapatrier depuis un autre grand pays hors UE uniquement ses citoyens nationaux sans accepter d’autres citoyens européens. Celui qui agit ainsi n’a pas compris l’Europe. L’UE a été fondée non seulement pour maintenir la paix mais aussi pour former une communauté. Pour que l’Union fonctionne, ce principe de communauté doit perdurer sans quoi les gens ne vont plus reconnaître le sens d’une Europe unie».

Le ministre des Affaires étrangères conclut toutefois sur une note plus positive. «Si déjà la solidarité entre institutions ne fonctionne pas, elle reste présente sur le plan humain. Une grande solidarité existe toujours à ce niveau», note Jean Asselborn en renvoyant vers l’accueil au Luxembourg de sept patients dans un état grave, hospitalisés à Mulhouse, région complètement débordée par la propagation du Covid-19.

David Marques

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