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Arbitre de foot au Luxembourg : «Un jour, tout va s’effondrer»


Les arbitres sont régulièrement sous tensions au Grand-Duché. (Photo d'illustration : Luis Mangorrinha).

Après l’agression récente d’un homme en noir, un week-end de l’arbitrage qui n’a pas empêché les critiques et de nouveaux soucis surgis des réseaux, où en est le milieu ? Le patron des arbitres luxembourgeois, Charles Schaack, nous livre son avis.

Tout récemment, lors d’un match entre Lasauvage et Aspelt, l’un de « vos » arbitres a de nouveau été agressé…

Charles Schaack (en médaillon) : Oui. Ce n’était pas si évident au début, mais tout s’est éclairci par la suite. Après avoir donné un carton jaune, cet arbitre s’est retrouvé au centre d’un attroupement et un joueur lui a donné un coup de boule. Le match a dû être arrêté parce que l’arbitre était trop sonné. Lasauvage n’était pas d’accord, a contesté cette version mais il ressort que si, c’était bien un coup de boule. L’arbitre a d’ailleurs fourni une incapacité de travail d’une journée. Ce n’est pas dramatique, cela relève encore de l’incident, mais du gros incident et c’est pour cela que le tribunal fédéral s’est montré très sévère (NDLR : le joueur de Lasauvage Andre Pinto a écopé d’une suspension jusqu’en 2031, assortie d’une amende de 891 euros). Parce que ce genre de choses ne va pas nous aider à recruter.

Vous n’avez pas jugé utile de protester formellement et de médiatiser cette grogne, comme cela avait pu être fait dans le passé ?
C’est qu’en général, depuis quelque temps, cela ne va pas si mal. Mieux en tout cas qu’il y a quelques années, où c’était assez régulier. Cela ne m’a pas empêché d’initier une discussion au conseil d’administration de la fédération pour continuer de sensibiliser les clubs. On le fait souvent par des courriers mais l’on se rend compte que c’est difficile d’atteindre tout le monde. En même temps, on s’est aperçu que c’est la même chose pour les autres fédérations du pays et à l’étranger. Il y a peu de temps, en Sarre, on n’a pas pu jouer au football le week-end après une attaque physique assez grave à l’encontre d’un arbitre qui a entraîné un mouvement de protestation. Chez nous, il suffirait peut-être d’un incident de trop… À l’heure actuelle, c’est le comportement antisportif qui monte. Cela devient n’importe quoi. Les spectateurs cirent n’importe quoi en méconnaissance totale des lois du jeu, même les membres des comités s’y mettent. Clairement, à l’heure actuelle, on ne veut plus accepter la mission de l’arbitre.

Et votre arbitre de Lasauvage – Aspelt ?
Il ne va pas arrêter. Il est déjà de retour sur les terrains.

Nous, on est la police

Ce joueur qui l’a agressé sera donc suspendu douze ans. C’est assez à vos yeux ?
Il vient de prendre douze ans de suspension. Dans une carrière de sportif, c’est comme une condamnation à vie… Je ne veux de toute façon pas m’en mêler. Mon seul commentaire sera : c’est bien que le tribunal applique le règlement existant et la peine prévue.

Les agressions physiques entre joueurs sont lourdement punies mais finalement bien moins sévèrement que lorsqu’il s’agit d’un arbitre. Cette disparité est-elle totalement justifiée ?
On ne peut pas comparer joueurs et arbitres. Entre joueurs, il y a des contacts physiques qui peuvent faire mal et provoquer des réactions spontanées et violentes. Nous, on est la police. On ne fait qu’appliquer le règlement, on ne devrait jamais être attaqués. On représente les lois et cela nécessite un maximum de respect.

Vous n’êtes pas exempts de tout reproche non plus, à en croire les joueurs. Récemment, Henid Ramdedovic (Rodange), dans ces colonnes, disait ce que beaucoup de joueurs pensent tout bas : que les arbitres luxembourgeois ne « discutent pas assez ».
(Un peu agacé) Ce genre de remarque, on ne peut pas l’expédier en trois mots… Alors disons que sur le terrain, il y a une relation entre les joueurs et l’arbitre. Mais aussi que les lois du jeu sont supposées être connues par tous ceux qui pratiquent ce sport. Quand vous recevez un jeu à Noël, avant de commencer à y jouer en famille, vous lisez la notice pour en apprendre les règles. Vous ne faites pas ça en plein milieu de la partie. Pour le football, c’est pareil! Les joueurs, on ne peut pas leur expliquer ce qui se passe à chaque fois que l’on siffle. Ce n’est pas souhaitable parce que sinon, on ne s’arrête jamais. On dispute un match, on n’organise pas une conférence de presse! Alors oui, les situations ne sont pas toujours blanches ou noires. Il arrive qu’elles soient grises. Et alors là, si une explication est demandée poliment et pas immédiatement en hurlant sur l’arbitre, on les encourage – parce qu’on estime que c’est souhaitable –, à apporter une courte précision. Un bon arbitre se doit de le faire pour apaiser la situation quand l’émotionnel prend le dessus. Mieux vaut s’expliquer que distribuer des cartons. Mais on ne peut pas non plus tout expliquer.

Les effectifs ne progressent pas assez vite

Lors du dernier week-end de championnat a été organisée une fête de l’arbitrage, lancée il y a quelques années pour vous aider dans votre recrutement. Où en est-on des effectifs ?
C’est stable. Cela ne progresse pas assez vite car il y a toujours plus d’équipes et nous, on est toujours à la traîne. Par exemple, nous avons maintenant un très bon championnat dames mais encore trop peu d’arbitres féminines. Bon, on remarque qu’elles ne sont pas spécifiquement demandeuses pour arbitrer des dames, hein, elles ont aussi envie d’arbitrer des hommes, mais de manière générale, trop peu de femmes s’intéressent à l’arbitrage. On est vraiment dans une situation où les nouveaux arrivants servent juste à remplacer ceux qui partent. Il y a vraiment un jour où tout va s’effondrer. Il suffirait que ceux qui tiennent la barre en faisant trois ou quatre matches dans la semaine décident que désormais, ils n’en feront plus qu’un…

Donc la situation reste critique.
Oh, il y en a bien l’un ou l’autre qui commencent… mais qui s’arrêtent bien trop vite. Le recrutement, ça marche, mais pour les retenir… Après une demi-année, certains en ont déjà marre. Beaucoup en disant que c’est un milieu trop agressif pour eux, qu’il y a trop de paroles blessantes. Après l’un ou l’autre souci, ils laissent tomber. Ce phénomène est encore amplifié par les réseaux sociaux.

Expliquez-nous ça.
Des joueurs, des spectateurs, des présidents même, peuvent se permettre de dire n’importe quoi en toute impunité sur les réseaux sociaux à propos de nos arbitres. Ce sont des attaques verbales publiques et nominales. Et nos arbitres ne peuvent pas se défendre. On leur donne d’ailleurs la consigne de ne pas répondre à ce genre de messages sinon, cela part en café du commerce.

Souhaiteriez-vous que le tribunal fédéral ait les moyens légaux de prendre des sanctions sur la base de ces messages ?
Ce serait souhaitable oui, du moment que l’on peut prouver que la personne qui profère des insultes publiques possède une licence auprès de la FLF. Pour le moment, nos statuts ne le permettent pas. Donc pour le moment, ils sont dans une situation de totale impunité. Parce que si ça va trop loin, nos arbitres peuvent toujours déposer une plainte personnelle, mais on sait ce que cela donne : c’est souvent cher, cela prend du temps et cela n’aboutit que rarement.

Entretien avec Julien Mollereau

Un commentaire

  1. Ce n’est pas au club de payer l’amende,mais au joueur ,c’est lui le responsable de ces faits

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