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En Iran, la levée des sanctions ne fait pas que des heureux


Le grand bazar de Téhéran en Iran, le 16 janvier 2016. (Photo : AFP)

La levée des sanctions financières et économiques internationales imposées depuis de longues années à l’Iran devrait relancer une économie très affaiblie, comme l’a promis le président Hassan Rohani, mais dans le Bazar de Téhéran des commerçants estiment qu’ils n’en tireront aucun profit dans l’immédiat.

La levée des sanctions intervient avec l’entrée en vigueur samedi de l’accord nucléaire iranien conclu en juillet entre Téhéran et les grandes puissances.

Ces sanctions, adoptées depuis 1979 par les États-Unis, 2006 par l’ONU et 2007 par l’Union européenne, ont eu des répercussions considérables sur l’économie iranienne et entamé le pouvoir d’achat d’une bonne partie des consommateurs.

L’inflation reste importante, même si elle a baissé à 13% avec l’élection du président Rohani en 2013. Avant cette date, elle avait atteint plus de 40%. L’économie iranienne est actuellement en récession avec une croissance d’environ zéro pour cent.

De nombreux magasins et usines ont fermé leur portes ces derniers mois, rapportent les médias, et des mouvements de protestation ont été signalés parmi des employés réclamant leurs salaires. Le gouvernement a dû même proposer des prêts avantageux pour encourager les consommateurs à acheter des voitures.

Certes, dopée par une population de 79 millions de personnes, l’économie iranienne aura tout à gagner de la levée des sanctions, prêche depuis plus de deux ans le président Rohani. Mais pour Mohammad Ehsani, un commerçant du Bazar de Téhéran, l’ouverture de l’économie iranienne rime surtout avec désastre: «Les affaires empireront».

Un de ses rares clients marchande une serviette de bain vendue à deux dollars. Exaspéré, Mohammad Ehsani affirme qu’il vend ses produits à des prix cassés, à la limite de la rentabilité et il n’est pas optimiste pour l’avenir immédiat.

«Cela prendra des années et de nombreuses compagnies locales feront faillite durant la période de transition», déplore-t-il, se disant asphyxié par des taxes annuelles de 7 000 dollars (6 400 euros), alors qu’environ 100 dollars (91 euros) entrent quotidiennement dans ses caisses.

Mitra Kazerouni, une femme de 37 ans, pense elle aussi que les choses ne vont pas changer. «Les sanctions ont touché les gens. Mais leur levée ne va pas changer les choses. Personne n’a vu jusque-là les prix baisser», affirme-t-elle.

« C’est le peuple qui souffre »

Le retour de l’Iran au sein du système bancaire international SWIFT devrait conduire à une augmentation des liquidités. Mais ce vent d’optimisme insufflé par les délégations économiques étrangères après la signature de l’accord en juillet ne convainc pas non plus Ehsan Ahmadi, un autre commerçant, arpentant les allées du Bazar.

«La levée des sanctions bénéficiera seulement au gouvernement», affirme-t-il. Avant de poursuivre: «Cela n’a aucune signification pour nous. C’est le peuple qui souffre (de la hausse) des prix, qui ne reviendront jamais à ce qu’ils étaient.»

Chez les professionnels, tous ne voient pas l’avenir en noir. Pour Faranak Asgari, responsable de la compagnie touristique ToIran.com, la levée des sanctions annonce le retour en masse des touristes étrangers.

«C’est la meilleure chose arrivée à l’Iran en 37 ans», s’enthousiasme-t-elle, en référence à la révolution islamique de 1979. «A ce jour, nous avons très peu d’investissements internationaux. Cela prendra quelques années mais apportera de grandes opportunités pour un large marché encore inexploité comme le nôtre», insiste-t-elle.

Optimisme

La suppression progressive des sanctions pourrait également changer la perception que les étrangers ont de l’Iran. «Lorsqu’un pays est soumis à des sanctions, les gens pensent +ce sont des terroristes+», témoigne Mme Asgari. Mais la levée des sanctions ne règlera pas tout: l’Iran doit faire face à la baisse vertigineuse des prix du baril de pétrole.

En novembre, le gouvernement a présenté une cinquantaine de projets liés aux hydrocarbures, invitant les compagnies pétrolières et gazières étrangères à investir 25 milliards de dollars (23 milliards d’euros). D’autres secteurs en quête de modernisation pourraient emboîter le pas au secteur pétrolier et proposer des offres similaires, à l’instar de l’aviation et du tourisme.

«Nous essayons d’être positifs. Si les sanctions sont levées, le gouvernement pourra vendre plus de pétrole et très certainement la situation économique va s’améliorer», dit Neda Moussavi, une étudiante de 24 ans. Pour l’économiste Saaed Laylaz, l’accord nucléaire fournit au président Rohani les bases nécessaires pour réformer une économie gangrenée par le népotisme des élites. «Je suis relativement optimiste».

AFP/M.R.

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