Accueil | Sport national | [Football] Karen Marin, une carrière brisée ?

[Football] Karen Marin, une carrière brisée ?


Karen Marin n'a pas d'autre choix que de patienter et de se priver de ses ballons. En attendant de savoir si elle peut s'y remettre. (Photo Mélanie Maps)

Meilleure joueuse du pays en 2015 et 2017, blessée depuis novembre 2018, Karen Marin repasse sur le billard dans moins d’une semaine. Avec le risque d’avoir à dire adieu au football à 20 ans.

Elle a été la toute première alors qu’elle n’avait que 15 ans. Karen Marin restera pour toujours la première «meilleure joueuse de la saison». C’était en 2015, au cours de l’édition numéro 1 de la Nuit du football et tout le pays découvrait son minois impertinent de jeune première. Elle finirait 2e en 2016, 1re de nouveau en 2017… mais se retrouve incapable de postuler en 2018 et 2019. Et pour cause, sa carrière a pris un curieux tournant en novembre 2018, au terme d’un tournoi disputé à Singapour que la FLF venait de remporter après une dernière victoire 0-4 contre l’hôte de la compétition… avec un triplé de la Bettembourgeoise.

Le lendemain, au cœur des gratte-ciels de la cité-État asiatique, l’attaquante a mal au genou mais rien de bien inquiétant. Elle rentre au pays, honore de sa présence les deux derniers matches de l’année avec son club et file voir un médecin qui lui recommande une arthroscopie. «Le cartilage était en mille morceaux. Les chirurgiens ne comprenaient pas comment cela pouvait arriver à quelqu’un d’aussi jeune.»

L’opération en avril 2019 se déroule a priori sans encombre, mais n’a pas les résultats escomptés : l’internationale a toujours mal. C’est pour ça qu’elle repassera par le bloc opératoire le 14 janvier, à la clinique d’Eich, neuf mois plus tard. Elle aura droit cette fois à une ostéotomie, une sauvagerie dont on ne sait pas exactement quel sera le résultat : son tibia sera sectionné et on lui apposera une plaque pour redresser l’axe de l’os de 3 à 4 degrés et ainsi, espère-t-on, diminuer la pression sur son genou.

Une blessure comme ça, selon mon chirurgien, ce n’est arrivé qu’à une autre personne au Luxembourg

Est-ce que ce sera suffisant pour sauver l’avenir footballistique d’une gamine de 20 ans qui enfile les buts comme des perles depuis six ans déjà ? Elle-même n’en est pas convaincue. «Une blessure comme ça, apparemment, selon mon chirurgien, ce n’est arrivé qu’à une autre personne au Luxembourg. Un handballeur dont je ne connais pas le nom. Il a rejoué apparemment. Moi… Je dirais que les chances de retrouver mon niveau sont quand même très faibles.»

«Ce serait une grande perte pour le football luxembourgeois», lui répond tout de go son entraîneur de toujours, Daniel Nunes, qui a, cette saison, pris du recul.

Il n’a pas tort. Karen Marin, ce sont des accélérations fulgurantes, un froid réalisme, des statistiques affolantes, une capacité à faire des différences en solitaire qui se ressentaient jusqu’en sélection nationale. Auteure de 6 buts en 12 sélections (quatrième meilleure buteuse de l’histoire à cinq longueurs d’Amy Thompson), Marin semblait avoir tout ce qu’il fallait pour marcher dans les traces des pionnières de son sport qu’étaient Rosangela Settani, Jeannine Hansen, Nathalie Thill et contribuer à tirer toute une génération vers le haut… Mais pour elle, tout pourrait s’arrêter au stade des promesses relatives.

C’est que la petite ailière n’a jamais fait du football plus qu’un hobby envahissant. «Ce n’était pas la plus technique, ni la plus sérieuse aux entraînements», sourit Nunes. Elle confirme : «Mon hygiène de vie n’est pas top. J’aime bien faire la fête.» Des comme ça, chez les gars, on en a vu une paire et cela ne les a pas empêchés de réaliser de belles choses. Avant Singapour, Marin avait été testée par Francfort et Sarrebruck, avait aussi des touches pour des stages à Metz et Marseille. Mais à chaque fois qu’elle est sortie du pays pour son compte personnel plutôt que pour défendre les couleurs nationales, elle est revenue avec cette conviction : «Des Karen Marin, il y en a plein à l’étranger.» Non, ce qui l’embête le plus, aujourd’hui, c’est d’une part de s’être «habituée à la douleur constante qui m’empêche de faire du sport. Du coup, je suis stressée» et d’autre part le fait que pour assouvir son rêve de devenir policière, il faudra bien qu’elle puisse en refaire un jour, du sport.

J’ai complètement coupé avec le foot. Je ne peux plus y jouer alors… Je me suis détachée, éclipsée

Il lui semble donc très loin, le ballon rond. En fin d’année dernière, contactée pour donner son avis sur les chances du F91 de sortir de son groupe d’Europa League, elle avait poliment décidé de botter en touche : «Non mais vous savez, j’ai complètement coupé avec le foot. Je ne peux plus y jouer alors…» Il ne s’agissait pas d’une coquetterie. Si elle a suivi de tout près ses coéquipières de Bettembourg les premiers mois de sa longue blessure, elle a progressivement rompu le lien. «Je me suis détachée, éclipsée», raconte-t-elle sobrement.

Il faut dire que contre toute attente, Bettembourg (actuellement 2e du championnat de Ligue 1) a reconquis le titre sans elle la saison passée. Sans elle ni son pendant, Kimberley Dos Santos, tombée elle enceinte (mais revenue depuis son accouchement), cela ressemble à un petit miracle ou plutôt à une énorme somme de travail. Daniel Nunes rêve de revoir ses deux ailières rejouer ensemble sous les ordres de son successeur, Yves Block, parce qu’«avec Marin sur le terrain, les adversaires n’osaient jamais jouer trop haut de peur de se faire contrer». Karen ne le dit pas, mais elle l’espère aussi. Et le reste du football luxembourgeois aussi. Récemment, un coach est venu la sonder pour un transfert alors qu’elle ne peut même pas courir. C’est dire si cette fille leur manquerait si l’ostéotomie se passait mal…

Julien Mollereau

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.