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Généalogie : des racines et des ailes


Le généalogiste Georges Eicher, devant une photographie de son ancêtre. (Photo : Editpress/Fabrizio Pizzolante)

Georges Eicher est le créateur de Luxroots.com, le plus grand site généalogique du Luxembourg. D’initiative privée, l’ASBL emploie aujourd’hui une soixantaine de bénévoles et compte 1 000 membres dans le monde.

En misant sur la numérisation, Luxroots.com s’est imposé comme un acteur incontournable dans la conservation des actes et la professionnalisation de la généalogie nationale.

Une maison unifamiliale discrète avec, installé au sous-sol, au milieu des souvenirs et de livres qui grimpent aux murs, un poste d’ordinateur… Non, rien ne laisserait penser que c’est depuis cette cave transformée en bureau qu’on accède à la plus grande base de données généalogique en ligne au Luxembourg. La plateforme Luxroots.com, c’est 1,6 million de documents et environ 1 000 membres dispersés à travers le monde. Son rayon de recherche s’étend loin au-delà des frontières nationales et de celles des anciens territoires du Duché de Luxembourg. Mais c’est ici, dans cette maison à Howald ou plutôt dans le cœur de Georges Eicher, maître des lieux, que le projet est né, voilà 15 ans.

Une retraite bien utile

Ancien employé de la Spuerkeess, le sexagénaire qui dit avoir aimé sa première occupation, reconnaît toutefois qu’elle ne lui a jamais procuré autant de «satisfaction» que son dada, l’histoire et la généalogie. Peu surprenant, son premier projet de recherche généalogique a porté sur sa propre famille, répartie dans trois pays à la suite des démembrements successifs du Luxembourg (1659 et 1815). Mais c’était il y a 40 ans et la passion est devenue une occupation à temps plein seulement à partir du moment où Georges Eicher a pris sa retraite. Et puis aussi parce que la retraite, c’est «40 heures» de plus dans votre vie que vous avez le choix de passer «devant la télé à regarder le foot ou au bistro», à moins que vous optiez pour une alternative : «J’ai eu envie d’être utile et de faire quelque chose d’intéressant», insiste Georges Eicher, qui a réussi à réunir autour de lui une soixantaine de collaborateurs bénévoles, «issus de toutes les couches sociales», comme lui férus de généalogie et avec l’aide desquels Luxroots.com a réussir à saisir l’ensemble des actes de naissance pour la période 1798-1923 soit environ 761 690 pièces.
Né à Hoffelt dans le canton de Clervaux, c’est tout naturellement que l’homme a choisi en premier cette région pour l’entrer entièrement dans la base de données. En revanche, pour ce qui est des autres régions, il reste du pain sur la planche, ce que Georges Eicher appelle la «fracture Nord-Sud» dans ses recherches.

Hélas, l’expansion du projet Luxroots dans le reste du territoire national ne se fera pas sans heurts car un peu comme les chasseurs, les généalogistes aiment l’idée de leur règne incontesté sur une certaine partie du pays. Beaucoup voient donc d’un mauvais œil l’expédition de Georges Eicher dans leur «territoire», qui plus est un fervent croyant en la numérisation des actes, ainsi que de leur déchiffrement et de leur partage en communauté.
Le souci avec la généalogie telle qu’elle s’est pratiquée jusqu’à présent, sur papier donc, c’est que c’est un travail extrêmement lent et fastidieux, et qui souvent regorge d’erreurs de lecture ou d’interprétation. Pour effectuer des recherches généalogiques au Luxembourg, il faut consulter en premier lieu l’état civil, créé en 1776, en même temps que les communes et les livres des paroisses pour ce qui précède cette période.

Intégrer les actes de l’immigration

En se partageant la tâche du déchiffrement et en intégrant sur son site une fonction qui permet à l’utilisateur de signaler immédiatement toute erreur ou incohérence, Luxroots s’est donné les moyens de fournir une «sécurité» supplémentaire, comme l’explique Georges Eicher, qui a appris le langage de programmation pour mettre sur pied le site en question.
Le Luxembourgeois reconnaît n’avoir jamais autant travaillé qu’aujourd’hui pour sa «petite entreprise». Vendredi matin encore, un utilisateur connecté depuis les États-Unis, à la recherche de ses ancêtres ayant habité à Lintgen, a laissé un message sur le site. «Ce que nous faisons, c’est plus que de la généalogie. Il s’agit de tisser des liens et d’entrer en contact avec les gens», explique Georges Eicher, qui veille à courir environ 100 km par mois sur son tapis roulant d’exercice.

Or dernièrement, l’ancien employé de la Banque et Caisse d’épargne de l’État a eu quelques petits soucis. Non seulement, il sait qu’aujourd’hui le réseau d’amis des gens tend à être plus important que le réseau familial, et que l’intérêt pour les études généalogiques décroît. Non seulement, il sait qu’à travers son projet il est en train de «voler le hobby des générations à venir» potentiellement intéressées par des recherches sur leurs familles, mais il sait aussi qu’il constitue lui-même le plus grand risque pour Luxroots. «Si demain on me trouve un cancer et qu’il ne me reste plus que six mois à vivre, on aura le temps de prévoir… Mais si demain, je meurs d’une crise cardiaque, le projet est perdu», s’inquiète Georges Eicher, qui lance un appel aux bénévoles désirant participer au projet Luxroots.com. Le rêve de Georges Eicher, c’est de compléter sa base de données par les actes de l’immigration italienne et portugaise. Par conséquent, il espère trouver des collaborateurs ayant ces origines. Tout cela pour rendre Luxroots.com plus représentatif du Luxembourg.

Et si un jour quelqu’un proposait à Georges Eicher de vendre sa petite entreprise, accepterait-il? «Non, répond le concerné, d’ailleurs ce n’est pas le but.» Pas plus que Georges Eicher ne se consacre à la généalogie pour découvrir que lui ou quelqu’un d’autre est de sang noble. Non, sur un plan personnel, ce qui intéresse le généalogiste, ce qui le remplit de satisfaction, c’est de suivre le destin d’un individu et de découvrir que pour celui-ci l’«ascension sociale» a fonctionné.
Comme dans le cas de cette fillette abandonnée au château d’Ansembourg, sur le seuil des Jerusalem, famille de journaliers, le 11 avril 1817, enveloppée dans une couverture en laine blanche, avec une capuche rouge et une branche de palmier à ses côtés, et que les Jerusalem – on croit rêver – vont adopter sous le nom d’Élisabeth Palm, nom que Georges Eicher retrouvera quelques années et recherches plus tard dans un acte de décès dressé à Arlon, et qui montre qu’Élisabeth Palm est morte à un âge avancé.

Le Quotidien / Frédéric Braun

Le 30 septembre, Luxroots.com sera présent aux Journées généalogiques du Luxembourg et de la Grande Région au Centre Nicolas-Braun à Hesperange.
www.luxroots.com

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