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Miraculée de l’A31 : une frontalière revient sur son grave accident


Souria Aberkane, de retour sur les lieux qui ont fait basculer sa vie (Photo : RL /Pierre Heckler).

Chaque jour, ou presque, l’A31 sème son lot de malheurs. Matériels, corporels, mortels : les accidents affichent une triste constance sur ce long corridor menant au Luxembourg. Souria Aberkane fait partie de ces victimes. Percutée par un camion en 2015, la frontalière témoigne.

« Je me suis réveillée, sans savoir où j’étais. J’ai crié à l’aide, aussi fort que je le pouvais. » Un cauchemar éveillé. Souria jette un œil dans le rétroviseur de ses souvenirs. Une image trouble apparaît. Juillet 2015, « le 28 précisément ». Employée à la Commission européenne au Luxembourg, la Mosellane regagne son domicile hayangeois en fin de matinée : « Le gardien du parking avait remarqué une fuite sous ma voiture. J’ai quitté le travail vers 11h pour aller consulter mon garagiste. »

« Dans le fossé »

11h, donc, dans le sens Luxembourg-France. Soit des conditions idéales de circulation, un rêve de frontalier. Jusqu’à cette « perte de puissance », qui contraint Souria à s’immobiliser sur la bande d’arrêt d’urgence, peu avant la sortie Volmerange-les-Mines. Elle se presse. Enfile un gilet fluo et trouve refuge derrière la glissière de sécurité : « Sécurité ? Elle n’en porte que le nom… » Son portable cherche du réseau. Elle parvient à joindre les services de sécurité autoroutiers.

Elle raccroche. Un camion approche. La masse se fait de plus en plus menaçante. Le poids lourd percute le véhicule léger. En bout de chaîne, Souria, poids plume envoyé dans le décor : « Dans le fossé, pour être précis. J’ai traversé des arbustes, j’ai perdu connaissance avant de me réveiller et… » Crier à l’aide, on sait. Et souffrir le martyre. Pour ajouter au supplice, « c’était jour de manifestation des agriculteurs ». De quoi la faire patienter, entourée de secouristes, de longues minutes sur l’aire de repos, son purgatoire.

« Des cauchemars »

« Pneumothorax, traumatisme crânien, rate et omoplate fracturées… » Corps meurtri. Brisé. Deux mois et demi d’hospitalisation. Elle croit voir le bout de la route. Impression trompeuse. La douleur physique laisse place à une souffrance morale : « Des cauchemars, beaucoup de cauchemars. Souvent le même : je suis au volant d’une voiture folle, je n’arrive pas à freiner. »

Un psychiatre l’aide à surmonter le traumatisme. La trentenaire essaye de ne pas se laisser abattre : « J’ai très vite souhaité reprendre le travail. Ce qui supposait de… reprendre le volant. » Chaque jour, ou presque, elle effectue le trajet jusqu’au Luxembourg la boule au ventre. L’étreinte de l’angoisse s’accentue dans les ralentissements : « Forcément, ça réveille toujours la blessure. Dans ces cas-là, je ne réfléchis pas. Je prends la première sortie et je poursuis sur la route nationale. » Drôle de vie, emplie d’itinéraires bis.

« De la chance »

Aujourd’hui, elle s’interroge sur le bien-fondé de poursuivre sur cette trajectoire : « Plus ça va et plus c’est dangereux sur cette autoroute. Le stress du retard, la fatigue sur le retour. Les risques pris tous les jours pour… ça. » Ça, le salaire de la peur. Souria, désormais domiciliée à la frontière luxembourgeoise, pense parfois à prendre un nouveau virage : « J’ai eu de la chance, je suis une miraculée. Peu de temps après mon accident, une femme a perdu la vie sur l’autoroute dans les mêmes circonstances que les miennes. » Une panne. Un camion. Seulement elle, ne s’est jamais réveillée. N’a pas crié à l’aide…

Jean-Michel Cavalli (Le Républicain Lorrain)

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