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Grand Corps Malade : du slam au grand écran [interview]


Mehdi Idri et Grand Corps Malade, les deux réalisateurs du film "Patients", présenté au festival de Mons. (photo Brigitte Lepage)

Le nom de Fabien Marsaud ne vous dit peut-être pas grand-chose. Et pour cause, ce nom se cache derrière celui de Grand Corps Malade, le slameur aux cinq albums, mais aussi le coréalisateur du film « Patients » présenté en avant-première au Festival du Film d’Amour qui se déroule jusqu’à vendredi à Mons, en Belgique.

Victime d’un accident de sport à l’âge de 20 ans, Fabien Marsaud se retrouve tétraplégique incomplet, l’obligeant à revoir la copie de sa vie. Pour lui, l’année 1997 sera celle du changement, d’un nouveau départ. Il troquera le ballon de basket contre le stylo à bille. Une conversion qu’il entreprendra avec succès. Il se fera désormais appeler Grand Corps Malade.

Son handicap, Fabien en a parlé dans son slam « Le 6e Sens ». Mais en 2012, il souhaite en parler davantage à travers son livre « Patients », qui bénéficie aujourd’hui d’une adaptation cinématographique. Le talent de Grand Corps Malade se reflète à travers l’écriture du scénario et sa coréalisation avec son complice de longue date Medhi Idir. Avec pudeur et force, le duo de réalisateurs a ému tous les festivaliers du Festival du Film d’Amour de Mons où il a été présenté en avant-première. Rencontre.

Comment s’est passé votre passage à l’écriture ? Vous écriviez déjà avant votre accident ?

Grand Corps Malade : Non, le passage à l’écriture n’a pas été un effet de cause immédiat. J’ai eu mon accident en 1997, j’ai eu cette rééducation, je me suis relevé, j’ai écrit un petit peu mais c’était plutôt anecdotique. Le vrai déclic a eu lieu en 2003, lorsque j’ai découvert le slam. Je me suis donc découvert cette fibre artistique. Alors forcément, cette écriture est liée à mon accident mais il n’y a pas que cela. Toute ma vie, j’ai écouté des raps français, beaucoup de chansons françaises et c’est peut-être tout cela qui m’a nourri et donné envie d’écrire de petites histoires.

Puis il y a ce passage à l’écriture de votre livre « Patients »…

Oui, ce livre qui m’a donné envie de faire ce film. Toujours par le biais de l’écriture, mais cette fois pour un scénario. Je voulais me frotter à ce nouveau type d’écriture et notamment les dialogues vu que c’est un film très bavard. Cela a donc été un grand plaisir d’écrire ces dialogues. Puis est venue l’envie de le réaliser, certes une suite logique de tout ce travail accompli, mais en demandant à mon ami Medhi de m’épauler, car on se connaît très bien, on a déjà fait plein de projets ensemble. Voilà comment on s’est lancé tous les deux dans cette aventure.

Ben, le personnage qui vous représente, est quelqu’un de très positif. L’êtes-vous aussi ?

Oui, je suis d’un naturel très optimiste. De plus, il se trouve que dans cette histoire-là, dès la revalidation, il y a un pied qui se remet à bouger. J’avais donc toutes les raisons d’espérer. Le personnage de Ben aurait sans doute été moins positif s’il avait été dans la même situation que Steeve ou Toussaint, sans récupération possible. Il est d’ailleurs tellement positif qu’il croit dur comme fer qu’il reprendra le basket. Mais quand il se retrouvera face à la réalité, il sera quand même un peu moins positif. Comme je l’ai été lorsque j’ai appris que je ne pourrais plus jamais faire de basket.

Avez-vous un moment pensé jouer votre propre rôle ?

Non, pas du tout, parce que je ne suis pas acteur et nous avions besoin d’un très bon acteur capable de jouer toute cette palette d’émotions. Très honnêtement, je n’aurais jamais été la hauteur de ce qu’a fait Pablo Pauly. En plus, être réalisateur, c’est un investissement de travail énorme. Cela aurait été d’une prétention absolue de vouloir faire les deux en même temps. La question ne s’est même pas posée.

Parmi les acteurs, y en a-t-il qui ont eu un parcours semblable au vôtre ou qui sont handicapés ?

Oui bien sûr. Nous sommes passés par un directeur de casting qui nous a permis de voir énormément de gens. Dans ces personnes, il y en avait deux qui étaient en fauteuil roulant, mais nous ne les avons pas retenus car ils n’étaient pas à la hauteur. On a vraiment gardé ceux qui nous semblaient être les meilleurs et qui correspondaient plus au profil qu’on recherchait.

Nos cinq personnages principaux sont valides. Il se trouve que le personnage de Samir, celui qui écoute Bob Marley, c’est un peu son vrai parcours. Aujourd’hui, il n’est plus en fauteuil roulant mais les cicatrices que vous voyez sur son crâne sont vraies. Il n’est pas du tout acteur, c’est une personne que nous connaissons très bien depuis longtemps. Il est d’ailleurs belge, il habite Bruxelles. Ce qui est marrant, c’est qu’on l’a laissé passer le casting parce que c’est un ami. Mais je vous avoue qu’on n’y croyait pas de trop. On a eu tort parce qu’il a été pendant ce casting aussi bon que ce que vous voyez à l’écran.

Pourriez-vous terminer cette phrase : « Si c’était à refaire…. »

Ah ben, je ne commettrais plus la même erreur, même si cela a donné naissance à un beau film, même si je garde malgré tout quelques bons moments de rigolade lorsque j’étais en revalidation. Mais il ne faut pas non plus oublier qu’il y a eu pas mal de souffrance, tant pour moi que pour mes proches, et le handicap est là au quotidien. Et ce n’est pas parce que je fais des films et du slam qu’il est plus agréable à vivre.

Côté musique, où en êtes-vous ?

Je devrais sortir un nouvel album d’ici la fin de l’année ou début de l’année prochaine. À l’heure actuelle, il n’est pas encore écrit mais j’y pense tout doucement.

Thibaut Demeyer et Brigitte Lepage

Plus d’infos sur le site du Festival du Film d’Amour de Mons.

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