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Le Brexit pourrait rebattre les cartes des chaînes de production en Europe


Le premier ministre Boris Johnson doit prononcer le Brexit officiel vendredi (Photo : AFP).

Les ailes au Royaume-Uni, l’empennage en Espagne, le fuselage en Allemagne: à l’image de l’A380 d’Airbus, les processus de production sont de plus en plus éclatés en Europe et le Brexit aura un impact majeur sur les industries très fragmentées, selon Isabelle Mejean, économiste au CREST-Ecole polytechnique.

Quelle est la place du Royaume-Uni dans cette fragmentation des processus de production et quel sera l’impact du Brexit ?

Isabelle Mejan : Le Brexit va avoir un impact sur toutes les entreprises qui ont une partie de leur chaîne de production au Royaume-Uni. Et cela concerne énormément d’entreprises, car les économies britanniques et du reste de l’Europe sont très intégrées, ce qui a conduit à une forte fragmentation des processus productifs.

Des industries comme l’automobile et l’aéronautique sont emblématiques de cette fragmentation. Par exemple, dans l’automobile, les voitures des constructeurs Bentley et Aston Martin ou certains modèles de Nissan sont assemblés au Royaume-Uni mais les composants sont faits dans différents pays, notamment en France ou en Allemagne.

Les conséquences du Brexit sur ces chaînes de valeur vont en partie dépendre de leur complexité selon les types de produits. L’automobile et l’aéronautique ont des chaînes de valeurs très compliquées, avec énormément d’étapes. Et cela crée des effets boule de neige: ce qui se passe à une étape a des effets sur les suivantes. Pour des secteurs plus simples, comme l’agroalimentaire, il n’y a pas énormément d’étapes de production entre le produit brut et le produit fini, donc les effets seront plus limités.

Quels seront donc les effets du Brexit ?

D’abord, les flux vers et en provenance du Royaume-Uni devraient être taxés plus cher, engendrant potentiellement des coûts supplémentaires. Mais le niveau de ces taxes est difficile à prévoir car cela dépend de l’accord de sortie et des nouveaux accords commerciaux qui seront signés.

Ce qui est certain c’est qu’il va y avoir de nouvelles procédures de contrôle. Pour l’instant une grande partie de la procédure de dédouanement pour les produits entrants dans l’UE est faite à Rotterdam (Pays-Bas) et à Anvers (Belgique). Une fois que le Royaume-Uni est sorti, le dédouanement (pour les produits allant au Royaume-Uni) ne peut plus se faire forcément en Belgique ou au Pays-Bas. S’il y a deux dédouanements – une fois à Anvers et une fois au Royaume-Uni – les coûts et le temps passé sur ces procédures vont augmenter.

Ramener des productions au Royaume-Uni ou au contraire délocaliser en Union européenne

Ensuite, même s’il y a un accord commercial avantageux sans tarifs (douaniers) entre le Royaume-Uni et l’UE, il faudra appliquer les règles dites « d’origine ». C’est-à-dire qu’il faudra vérifier qu’une quantité suffisante de la valeur ajoutée d’un produit est faite dans l’UE pour que le tarif avantageux s’applique. Et ça c’est très compliqué à vérifier. Cela veut dire que l’entreprise doit avoir un suivi très fin de la provenance de ses intrants, de chaque pièce, qui elle-même peut être produite à plusieurs endroits.

Comment les entreprises peuvent-elles s’adapter ?

Il va sans doute y a avoir des ajustements sur la structure productive des entreprises. Elles vont probablement moins investir dans des relations avec le Royaume-Uni. Cela peut vouloir dire ramener des productions au Royaume-Uni ou au contraire délocaliser en Union européenne, puisque finalement pour de nombreuses entreprises le marché européen est plus important que le marché britannique. Par exemple, BMW envisage de réduire sa production dans son usine de Oxford en cas d’accord de sortie défavorable.

Ces effets sont déjà perceptibles dans les données d’investissement des entreprises britanniques. Si on regarde aussi le nombre de nouveaux contrats commerciaux que la France engage avec le Royaume-Uni, on voit déjà un effet négatif très net depuis le vote sur le Brexit. Les entreprises françaises ont diminué leur prospection commerciale avec le Royaume-Uni. Elles hésitent plus à établir ces relations commerciales parce qu’elles savent que dans le futur ces relations vont être compliquées. Concrètement si je dois choisir de vendre mes biens à une structure productive qui va faire de l’assemblage, aujourd’hui j’hésite un peu à choisir une structure qui est au Royaume-Uni.

AFP

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