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« Il ne voulait pas d’enfant handicapé », selon la mère accro à la coke


Elle aurait «menti» à la police «pour qu'il soit embarqué» et qu'elle «puisse tranquillement fumer. En tant que droguée, vous faites n'importe quoi pour pouvoir consommer». (illustration Isabella Finzi)

Enceinte, une mère avait porté plainte contre son conjoint pour coups. Revirement à la barre, où elle a dit avoir menti pour l’éloigner et fumer de la coke…

Il l’aurait giflée, frappée, insultée, menacée… Plus d’une fois, la jeune femme enceinte avait porté plainte entre mars et août 2019 contre son petit ami. «Je vais taper jusqu’à ce que l’enfant tombe», «Sale pute, tu vas baiser pour une taffe !» ou «Je vais te faire une cicatrice dans le visage»… Dans ses déclarations à la police, il y avait du lourd.

Mais c’est un revirement quasi total auquel a eu droit la 13e chambre correctionnelle vendredi matin. À part quelques gifles, il ne l’aurait pas frappée, a déclaré la jeune femme de 27 ans. À l’entendre, c’est moins les gifles du père de son futur enfant qui la gênaient à l’époque. Mais surtout le fait qu’il ne voulait pas qu’elle fume de la coke. Raison pour laquelle elle avait déposé plainte à la police et «un peu exagéré» afin de se débarrasser de lui. Ce n’est pas d’une petite voix que la jeune maman a défendu sa position : «Il a dit qu’il ne veut pas d’enfant handicapé. Et moi, j’ai dit que je peux fumer de la coke jusqu’au 7e mois.» Voilà en gros pourquoi elle aurait «menti» à la police «pour qu’il soit embarqué» et qu’elle «puisse tranquillement fumer. En tant que droguée, vous faites n’importe quoi pour pouvoir consommer».

La présidente, sceptique : «Ça sert à rien de raconter de telles bêtises, car avec tous les examens à l’hôpital vous n’alliez pas pouvoir consommer dans l’immédiat…»

– «L’échographie a duré 15 minutes. Quand je suis sortie de l’hôpital, j’ai immédiatement été consommer.»

Après sa plainte le 17 mai, le père avait été incarcéré durant 18 jours. À sa sortie, placé sous contrôle judiciaire, il avait une interdiction de prendre contact avec elle. Mais cela ne l’avait pas gênée qu’il la recontacte… «J’étais enceinte de lui. C’est son enfant.»

Confrontée aux photos de blessures qui figurent bien au dossier, elle dira : «Quand j’achetais la drogue chez les Nigérians, il est arrivé qu’ils me donnent des claques…»

C’en était trop pour le tribunal. «Ah ces sacrés consommateurs qui rendent fous les Nigérians…», soupirera la présidente avant de congédier la jeune femme.

Depuis la dernière plainte fin août, le jeune prévenu de 28 ans, de Villerupt, dort à Schrassig. À tort, a estimé ce dernier face aux juges : «Madame, depuis 13 ans je suis frontalier. Je n’ai jamais tapé une mouche.» Au moment de s’expliquer sur les faits, il fondra littéralement en larmes. «Je n’ai pas encore vu mon fils…» Mais la présidente l’a vite coupé dans sa litanie : «Cela ne nous impressionne pas du tout !»

Quatre ans de prison requis contre le père

Il contestera tout, sauf les gifles. Il se défend d’avoir donné des coups dans le ventre à sa copine enceinte. Et d’appuyer : «Elle a été à l’hôpital et il n’y avait rien du tout.»

– «Heureusement !»

Soulevant que sous la foi du serment la plaignante avait déclaré que le jeune homme l’avait juste giflée et insultée, Me Nicky Stoffel demandera une peine qui ne dépasse pas la détention préventive. Ce n’était toutefois pas l’avis du parquet qui relèvera le «potentiel agressif indéniable» du prévenu. Il estime que les coups dans le ventre ont bien existé. «Il y a bien lieu de retenir la tentative d’avortement.»

En raison de la multiplicité des faits et leur gravité intrinsèque, sa représentante a requis quatre ans de prison. Vu l’absence de repentir, elle s’oppose à un sursis intégral. La peine pourrait éventuellement être assortie d’un sursis probatoire avec l’obligation de se soumettre à un suivi thérapeutique. «Car il présente un réel danger pour la victime.»

Un réquisitoire qui fera tomber en sanglots la mère au fond de la salle. Mais ce qui ne empêchera pas le prévenu de se tourner vers elle : «T’as vu ce que t’as fait !» Et de lancer aux juges : «En France, je prendrais 24 heures de garde à vue. Ici, on demande quatre ans…»

Par tous les moyens, la jeune maman tentera de lui remettre une photo de leur fils. En vain. Lors d’une intervention assez musclée dans le couloir, le prévenu quittera finalement le tribunal sous escorte policière. À la fin, la photo du nourrisson d’à peine trois semaines et toujours hospitalisé restera entre les mains de l’avocate.

Prononcé le 23 janvier.

Fabienne Armborst

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