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Trafic de stupéfiants : « On a juste trouvé de la poudre de lait bio »


"On a passé 18 jours d'audiences où les hypothèses deviennent des faits constatés", a estimé l'avocat du prévenu belge Feti P. (illustration Jean-Claude Ernst)

La sixième semaine du procès de Boban B. s’est achevée vendredi avec les plaidoiries. La défense a pointé haut et fort l’absence de preuves matérielles.

« Dans cette enquête qui a duré quatre ans et pour laquelle des méthodes de recherche particulières ont été déployées, on n’a pas trouvé un seul gramme de cocaïne. On a juste trouvé de la poudre de lait bio », s’est exclamé l’avocat belge du prévenu Feti P., vendredi matin. « On a passé 18 jours d’audiences où les hypothèses deviennent des faits constatés. »

Le parquet a qualifié l’ancien vice-président des Hells Angels d’Anvers de «vieux renard du business». Il aurait régulièrement approvisionné Boban B. en cocaïne entre début 2012 et 2014. Au cours de l’enquête, plusieurs rencontres entre Feti P. et Boban B. ont pu être observées tant au Luxembourg qu’en Belgique.

«Il n’est pas établi qu’il y a eu un échange de drogue. Le seul qui charge mon client dans cette affaire, c’est le prévenu Geert D.», le défend son avocat. Selon lui, il faudrait prendre les déclarations du coprévenu avec beaucoup de prudence. «À l’époque, Geert D. était encore membre des Hells Angels, mais mon client ne l’était plus.» Il estime : «Le seul jugement juste est d’acquitter mon client.» Pour rappel, 15 ans ferme ont été requis à son encontre, soit trois ans de plus que contre le présumé intermédiaire et chauffeur de Feti P., Geert D.

Les enquêteurs avaient observé ce dernier, le 1er août 2013, sur un parking à Arlon lors de la remise d’un paquet à Boban B. Un paquet qui contenait 1 kg de cocaïne, selon le parquet. «Mon client ignorait son contenu. Il l’a transporté sur ordre de Feti P. qui avait un rang supérieur à lui chez les Hells Angels», signale Me Bart Verbelen. «Le parquet requiert douze ans parce que mon client serait prêt à tout faire pour les Hells Angels, poursuit l’avocat belge de Geert D. Mon client a dit tout ce qu’il sait, rien de plus. Il n’a pas voulu dire plus, par crainte pour lui-même.»

Dans sa plaidoirie, Me Verbelen est également revenu sur les écoutes téléphoniques faites sur Feti P. et Geert D. que les enquêteurs luxembourgeois auraient utilisées. Il s’avère qu’une enquêtrice belge qui a joué un rôle essentiel dans l’exécution de ces écoutes pour un dossier belge a été condamnée, par la suite, pour en avoir abusé. Cet incident entraînerait un problème procédural au niveau des poursuites contre son client dans l’affaire luxembourgeoise, juge Me Verbelen.

«Cette affaire n’est qu’un coup de poker»

D’après le réquisitoire du parquet, le prévenu Luca S. était le responsable de la filière de distribution de la cocaïne pour Boban B. L’ancien Hells Angels risque dix ans de réclusion. «Cette affaire n’est qu’un coup de poker», estiment ses avocats. «Il n’y a personne dans le dossier qui déclare lui avoir remis des stupéfiants», note Me Frank Rollinger.

Le parquet a mis en avant sa rencontre avec Boban B. dans la nuit du 1er au 2 août 2013 (quelques heures après la rencontre à Arlon). «Pourquoi cette visite nocturne serait suffisante pour asseoir la culpabilité pénale de mon client ? Juste parce que le parquet tient pour établi qu’il y a eu remise d’un kilo de cocaïne ?», s’interroge Me Rollinger. Pour l’avocat, «il n’y a aucun élément dans le dossier qui justifierait sa condamnation».

Vendredi matin, la parole était également à Me Philippe Penning, l’avocat de Frank V., le présumé fabricant et fournisseur de marijuana de Boban B. Lui aussi plaide l’acquittement : «Vous ne pouvez asseoir une condamnation sur la base de dépositions divergentes de coprévenus, sans aucune confirmation par des éléments matériels tangibles… surtout qu’il est en prison depuis le 2 juillet 2013, soit à partir du moment du véritable début de l’enquête policière dans cette affaire.»

Me Penning considère que lors de ses premières dépositions Boban B. aurait «joué au frimeur» et Kevin K. aurait «raconté n’importe quoi pour s’en sortir». Il conteste le calcul des quantités fait par le parquet : «C’est trop facile de prendre comme durée début mars 2012 à fin octobre 2014, pour arriver à 30 mois, et les multiplier ensuite par 12 kg et arriver au chiffre faramineux de 360 kg, augmenté des 40 kg volés, pour arrondir à 400 kg.»

«Vous acquitterez Frank V. pour avoir cultivé des drogues et en avoir vendu ou importé», conclut Me Penning. Suite et fin des plaidoiries mardi matin.

Fabienne Armborst

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