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[Liser] Mobilité, migration, logement au Luxembourg : autant de sujets forts


Les études sociétales sont nombreuses pour le Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (Liser), qui fête ses 30 ans.
Rencontre avec différents chercheurs !

 

Mobilité : question de santé !

Martin Dijst (Photo : Claude Lenert).

Martin Dijst (Photo : Claude Lenert).

Avec Martin Dijst, directeur du département Développement urbain.

Un «Hollandais volant» à Belval? Pas à ce point-là! Mais la mobilité est l’un des sujets forts de Martin Dijst. Le directeur du département Développement urbain est arrivé en 2017. «Je travaillais à l’université d’Utrecht. La Liser est venue me chercher, par l’intermédiaire de recruteurs. J’ai pensé que c’était un grand défi!» Martin Dijst voit des lignes de convergence aussi, malgré deux pays différents : «Aux Pays-Bas, nous avons construit avec densité, tout en maintenant un réseau équilibré de centres urbains : c’est un défi pour le Luxembourg.»
Sur la mobilité, Martin Dijst propose un angle spécifique : «Je travaille plus particulièrement sur le lien entre urbanisme et santé. Aux Pays-Bas, nous avions mené une étude qui concluait que plus vous vivez proche d’un fast-food, plus vous avez des risques de développer certaines maladies.»

Vélo au quotidien : il faut accélérer !

En termes de mobilité, Martin Dijst voit plusieurs défis pour le Grand-Duché : «Comme ailleurs en Europe, il existe un problème d’obésité au Luxembourg : 15 % de la population à risque d’obésité en 1989, 25 % en 2016. Les causes sont diverses. Mais la place de la mobilité douce, y compris la simple marche, est également essentielle.» Martin Dijst s’interroge sur l’étalement urbain, mais également sur la trop grande place de la voiture : «Le Luxembourg a encore un long chemin à parcourir en matière de cyclisme : il faut désormais penser en termes d’autoroute à vélo pratique au quotidien (NDLR : entretien réalisé avant l’annonce sur la piste rapide entre Esch et Belval). Les gens n’auront aucun problème à prendre un vélo électrique pour aller au boulot, même sur une trentaine de kilomètres.» Aux Pays-Bas, ajoute notre interlocuteur, il existe même des pistes réservées aux vélos électriques plus puissants!
Une dernière question nous démange : la gratuité des transports publics prévue au Luxembourg ne présente-t-elle pas un risque pour la santé? Selon un rapport du Sénat français, d’anciens piétons auraient tendance à prendre le bus sur quelques centaines de mètres par commodité.
«Ce risque existe. Le Liser mènera une étude d’impact. Nous avons pu étudier ce risque ailleurs, en Hollande par exemple. Les étudiants avaient droit à des tarifs très préférentiels dans l’autobus. Conséquence : beaucoup ont abandonné leur vélo. Sans préjuger de ce que cette réforme produira, je pense que nous devrions cibler un public spécifique, en l’occurrence les automobilistes. La bonne question est : comment faire passer les automobilistes habitués aux déplacements urbains aux transports en commun ou au vélo électrique ?»

À propos du 3/4 des actifs…

Frédéric Docquier (Photo : DR).

Frédéric Docquier (Photo : DR).

Avec Frédéric Docquier, du programme Migrations et Frontaliers.

Interroger Frédéric Docquier, c’est faire le tour du monde. «Je travaille sur les migrations depuis 20 ans. La question de la fuite des cerveaux m’a notamment passionné.» Arrivé au Liser en février depuis l’université de Louvain, le chercheur pilote un dossier clef : l’immigration et le transfrontalier. La particularité du Luxembourg? «C’est un laboratoire fantastique : presque 50 % des résidents sont des étrangers. Il faut ajouter à cela que tous les jours, la force de travail est doublée avec l’apport de 200 000 navetteurs. Au final, la force de travail « luxembourgeoise » ne pèse que pour 1/3 voire 1/4 des actifs.» Frédéric Docquier découvre ces implications «progressivement. Concernant les frontaliers, il n’y a pas d’autres situations comparables à part la Suisse, et les effets de métropolisation d’une façon globale. À Bruxelles par exemple, 50 % des actifs viennent de l’extérieur. Si Bruxelles était un pays, elle aurait les mêmes frictions que le Grand-Duché avec ses voisins! Mais Bruxelles n’est pas un pays, il y a donc un aspect redistributif élargi de la croissance sur un territoire qui la dépasse.»

Cercle vertueux, jusqu’où ?

Les défis sont considérables pour le Luxembourg sur le volet des actifs : « Pour le moment, le pays se trouve dans le cercle vertueux suivant : toujours plus de technique, toujours plus d’innovation, toujours plus de demande de profils techniques, etc. Je ne sais pas où peut s’arrêter ce processus. La robotisation de l’emploi est également un vrai sujet : les postes les moins qualifiés ont été automatisés, les emplois des classes moyennes commencent à l’être aussi… mais les profils les plus techniques?»
Nous terminons avec une problématique mondiale sur laquelle il souhaite travailler ces prochaines années. «Beaucoup de recherches ont été faites sur l’impact des migrations sur le populisme. Mais l’inverse… Quand le populisme s’installe, quels sont les impacts sur les migrations? Qui vient, qui ne vient plus, qui ne peut plus partir?», lance le chercheur dans un élan persuasif. «Je vous donne un exemple : en Italie, les profils hautement qualifiés ont pu quitter les villes dirigées par des populistes. Restent les habitants les moins mobiles, et arrivent des immigrés qui savent qu’ils peuvent compter sur une communauté importante. Les autres immigrés se disent qu’ils n’auront pas d’opportunités dans une ville populiste où ils ne font pas « corps ». Donc on renforce la communauté d’immigration clivante avec les habitants les moins mobiles. Bref, c’est nourrir le populisme encore? Il faut que je travaille là-dessus, vraiment!»

Maison, boulot, prolo ?

Eugenio Peluso (Photo : DR).

Eugenio Peluso (Photo : DR).

Avec Eugenio Peluso, directeur du département Conditions de vie.

Le professeur d’économie est arrivé de l’université de Vérone en février. Il a l’honneur de diriger le département fondateur du Liser : celui des Conditions de vie des ménages. «J’ai toujours travaillé sur les inégalités, explique-t-il. Toute la difficulté est de cerner à partir de quand on est pauvre et de quel point de vue.»

Pauvreté : plusieurs entrées

Quelle forme prend la problématique dans le pays au PIB record en Europe? «Il n’y a pas une entrée unique quand on parle de niveau de vie. Il y a l’aspect individuel, le niveau de revenu par exemple. Mais aussi les choix politiques de la ville dans laquelle on vit, les choix familiaux que la personne faits, les éléments extérieurs comme des crises… L’idée principale est que le Luxembourg n’échappe pas aux problèmes de pauvreté.» Pour être le plus complet possible, le Liser s’attache à étudier les conditions de vie des ménages sous trois grands aspects :
• Le bien-être de l’enfant, qui recouvre des domaines aussi diversifiés que son foyer, son accès à la digitalisation, ses opportunités scolaires pour grandir, etc.
• La pauvreté avec des données croisées : on y trouve notamment le taux d’effort des ménages pour financer le logement, problème capital au Luxembourg et par répercussion, dans les zones frontalières. «La crise du logement repose sur de nombreux facteurs, comme les politiques en faveur des facilités bancaires, la mobilité, la politique en faveur du locatif et même les crises extérieures. En 2008 par exemple, le nombre de ménages incapables de solliciter un prêt a brusquement augmenté au Luxembourg (lire ci-contre).»
• Les interactions avec les migrations : on peut citer la problématique de l’intégration dans le milieu scolaire. «Une large population étrangère s’installe, et pas seulement des expatriés riches, mais aussi des ouvriers. Les expatriés plus riches ont tendance à favoriser l’éducation privée, les autres à gonfler les rangs de l’école publique… Structurellement, le sujet est risqué. Mais objectivement, il y a une nette volonté d’anticipation du problème chez les dirigeants.»

Hubert Gamelon

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