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Luxembourg : se préparer au million d’habitants


Les analystes tablent sur un Luxembourg à 1 million d'habitants d'ici 2060, et une main d'oeuvre frontalière qui représenterait 60% des actifs. Comment gérer toutes ses perspectives démographiques ? (Illustration : Isabella Finzi).

L’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils (OAI) a ouvert le débat sur la nécessité de préserver le cadre de vie luxembourgeois qui sera mis à rude épreuve avec l’évolution démographique à venir.

L’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils (OAI), en partenariat avec la Fondation Idea, a organisé mardi soir une table ronde abordant l’épineuse question du logement. Ce dernier terme a d’ailleurs été pris au sens large, dans une simulation démographique où le Luxembourg atteindrait en 2060, à politique inchangée, avec une croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB) de 3 % et de la productivité de 1,1 %, le million d’habitants. Sans oublier un nombre de frontaliers qui passerait de 200 000 actuellement à 600 000, ce qui représenterait 60 % de la population active, contre 45 % aujourd’hui.

Les participants au débat (de g. à d.): Jos Dell (architecte, président de l'OAI), Marc Feider (ingénieur-conseil, vice-président de l'OAI), Christine Muller (architecte-urbaniste), Patrick Bousch (coordinateur en matière de politique nationale au Liser) et Michel-Édouard Ruben (économiste d'Idea).(Photo : Alain Rischard).

Les participants au débat (de g. à d.): Jos Dell (architecte, président de l’OAI), Marc Feider (ingénieur-conseil, vice-président de l’OAI), Christine Muller (architecte-urbaniste), Patrick Bousch (coordinateur en matière de politique nationale au Liser) et Michel-Édouard Ruben (économiste d’Idea).(Photo : Alain Rischard).

Cette simulation engendre de nombreuses questions, notamment celle du vieillissement de la population. La part des 65 ans et plus serait de 27 %, contre actuellement 14 %, avec toutes les conséquences que cela entraînerait en matière d’infrastructures (comme les maisons de soins et de repos) ou de développement de la prise en charge des personnes en situation de mobilité réduite.
Pour en revenir au logement, avec une hausse des prix de l’ordre de 5 % par an, d’un déficit de logements sociaux, d’un foncier toujours plus cher ou encore d’un nombre de nouvelles constructions annuelles insuffisantes, la perspective du million d’habitants a de quoi faire frémir. Une perspective et un problème qui rejoignent d’ailleurs d’autres thématiques comme la mobilité à l’intérieur du pays et transfrontalière.
D’où la raison de réfléchir dès maintenant avec les architectes, les urbanistes, les chercheurs et les économistes afin d’anticiper l’évolution démographique tout en préservant le cadre et la qualité de vie qui font une des forces du Grand-Duché.
Invitée à ce débat, la ministre de la Famille et de l’Intégration et à la Grande Région, Corinne Cahen, a souligné d’entrée que «la peur ne fait pas partie de sa pensée sur ce sujet» tout en soulignant que «c’est le rôle des politiques de trouver et de planifier» afin d’arriver à des solutions tout en privilégiant le «vivre ensemble».

Plusieurs pistes de réflexion

La ministre a d’ailleurs pris pour exemple la Sarre, en Allemagne : «Cette région a la même superficie que le Luxembourg et dispose d’un million d’habitants qui vivent très bien. Donc pourquoi devrions-nous avoir peur des projections démographiques?»
«Un Luxembourg à un million d’habitants n’est pas un scénario catastrophe si nous y travaillons», a-t-elle nuancé, tandis que Jos Dell, le président de l’OAI, a souligné qu’«une ville vit, un espace se crée et évolue», faisant ainsi valoir la nécessité d’agir sur un processus et la flexibilité de l’espace urbain.
Pendant près de deux heures d’échanges, plusieurs axes de réflexion ont émergé.
Premier axe identifié, la «cohésion sociale», enjeu primordial pour garder un cadre de vie de qualité tout en assurant une meilleure intégration et relation entre les résidents eux-mêmes mais également avec les frontaliers.
Autre piste intéressante abordée mardi, la décentralisation du pays afin de ne pas concentrer les problèmes sur la capitale. Elle se ferait au profit d’autres villes luxembourgeoises et même de la Grande Région pour desserrer l’étau autour du pays.

Logements : les incohérence pointées

Le logement et ses incohérences ont également très vite inondé le débat. Ont émergé la nécessité de densifier les villes, donc construire plus haut, mais également de construire plus petit : actuellement les résidents vivent dans des biens généralement trop grands par rapport à leurs besoins. L’utilité d’une flexibilisation des lois et des règlements communaux qui, par exemple, empêchent une personne âgée vivant dans une grande maison unifamiliale d’accueillir un locataire a été pointée. L’absence d’une offre locative dans un pays où 70 % de la population est propriétaire a aussi été fustigée.
Sans parler de la problématique des logements vides ou encore la nécessité d’échanger davantage avec les propriétaires fonciers afin de leur proposer de «beaux projets, en mettant en valeur les terrains dont ils pourront être fiers», pour reprendre l’idée de Christine Muller, une architecte-urbaniste présente à la table de débats.
Autrement dit, si la question du logement pose un grand nombre de problèmes et engendre une certaine peur avec des perspectives d’une explosion démographique pouvant déboucher sur une saturation totale du Luxembourg, il semble qu’un grand nombre de pistes et de solutions fait déjà l’objet d’une réflexion. Ce qui incite finalement à regarder l’avenir avec un peu plus de sérénité, à condition de bien vouloir le préparer dès maintenant.

Jeremy Zabatta

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