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Gratuité des transports : un rapport mitigé rendu… par le Sénat français


Un bus à hydrogène qui circule entre Versailles and Jouy-en-Josas. La France s'interroge aussi sur les alternatives écologiques à la voiture (Photo : AFP).

Alors que les transports publics du Grand-Duché doivent devenir gratuits en mars 2020, d’autres pays s’interrogent sur une telle mesure à des échelles plus locales. En France par exemple, une trentaine de petites villes ont franchi le pas. Mais dans un rapport rendu fin septembre, le Sénat, observant des modèles dans le monde entier, se montre plutôt mitigé.

Le Sénat français constate que la gratuité des transports publics est une idée « séduisante », mais que la première demande des usagers porte surtout sur « l’amélioration de l’offre même si elle est payante» (davantage de lignes de bus, des trains à l’heure etc.)

Il estime que la gratuité totale est plutôt une idée adaptée aux petites villes, qui n’ont « pas d’infrastructures lourdes à financer » (métro etc.), et qui possèdent un réseau qui fonctionne en sous-capacité. La gratuité, par son aspect pratique et simple, peut alors attirer de nouveaux usagers vers le transport public, dans une démarche presque sociale.

«Dans la situation inverse, note le rapporteur, c’est-à-dire dans la très grande majorité des cas, la demande est supérieure à l’offre et la priorité est évidemment d’augmenter l’offre. Pour mettre en œuvre la gratuité intégrale, ce qui n’est aujourd’hui le cas nulle part, il faudrait résoudre une équation financière forcément très difficile : perte de recettes et hausse des dépenses sans paupériser les autorités organisatrices de la mobilité ».

Le rapport cite l’exemple des grandes villes américaines (Denver, Austin…) «qui étaient passées à la gratuité et y ont renoncé pour un ensemble de raisons dont la soutenabilité financière de long terme. »

Le Luxembourg évoqué

Le rapport cite toutefois notre cas spécial, « première mondiale », où les transports publics seront gratuits à partir de mars prochain. Le rapport français évoque « une cerise sur le gâteau de la multimodalité », reprenant ainsi les mots du ministre des Transports François Bausch.  Le rapport ne manque pas de noter que le Luxembourg disposera d’une « exception au principe d’ouverture à la concurrence des transports au niveau européen », du fait de la petite taille du réseau de train. Une dérogation qui a permis à l’état de conclure un contrat de service avec la CFL, le réseau de tramways et le principal réseau de bus pour aboutir à cette réforme.

Une mesure écologique ? Rien n’est prouvé

D’un point de vue écologique, le rapport estime que le lien entre gratuité des transports et délaissement de l’automobile n’a rien d’évident. Il note cependant que les données sont trop minces. Mais se fie à l’observation de villes plus grandes, comme Tallinn (450 000 habitants), l’une des rares villes européennes à avoir adopté la gratuité des transports.  » La gratuité n’a pas permis pas de remettre en cause la prédominance de la voiture » à Tallinn, conclue le rapport.

En France, une trentaine de petites et moyennes communes sont passées à la gratuité : le rapport pointe pour elles le risque d’anciens piétons ou d’anciens cyclistes qui sont attirés par le transport gratuit… plus que d’anciens automobilistes.

« Les piétons et les vélos voient leur part réduite par la gratuité »

Lors d’une table ronde organisée par la mission, Frédéric Héran, économiste urbaniste, maître de conférences à l’université de Lille, jugeait très faible l’impact sur les automobilistes dans les villes françaises passées au tout gratuit : « Le report modal de la voiture vers les transports publics n’est que de 1 à 2 %. En revanche, il est de 2 à 4 % des piétons et de 5 à 7 % des cyclistes. On en est estomaqué : les deux modes les plus inclusifs, les moins coûteux pour la collectivité, les plus respectueux de l’environnement, les plus actifs, voient leur part réduite par la gratuité des transports publics.»

Au final, le rapport du Sénat estime que la gratuité n’est ni une mauvaise idée, ni une bonne idée en tant que telle. Il faut voir comment est accompagnée la mesure d’une façon plus globale. Nul doute que le Grand-Duché pourra faire office de laboratoire en la matière.

Hubert Gamelon

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