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[Giro] Reportage dans les mythiques ateliers des vélos Masi


Alberto Masi veut travailler comme son papa, jusqu' à 92 ans. La passion du vélo à l'italienne (Photo : AFP).

Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Fausto Coppi… Dans leur atelier de Milan, Alberto Masi et son père, aujourd’hui décédé, ont vu passer les plus grands champions cyclistes: ils leur fabriquaient des vélos sur mesure dont plusieurs ont connu la victoire sur le Giro.

« Quand j’étais enfant, je passais mon temps ici », raconte Alberto, âgé aujourd’hui de 75 ans. « J’ai commencé par faire les roues et je ne suis plus jamais parti. C’est devenu une passion ». A même pas 16 ans, en 1958, il devient le mécanicien le plus jeune du Tour d’Italie. « J’ai dû avoir une permission spéciale, car il fallait avoir 18 ans », s’amuse-t-il. Dès la première étape, Milan-Varese, l’adolescent exulte: Willy Vannitsen, dont son père Faliero a fabriqué le vélo, s’impose et prend le maillot rose. Alberto participera au total sept fois au Giro, dont deux qui seront remportés sur des vélos Masi.

Italian bicycle maker Alberto Masi (R) looks at a bicycle frame prepared by his employee, Italian frame maker Simone D'Urbino (C) in Masi's workshop in Vigorelli Velodrome, on April 26, 2018 in Milan. Alberto Masi is the son of Faliero Masi, one of the most famous frames builder for the greats riders as Fausto Coppi, Fiorenzo Magni, Louison Bobet, Jacques Anquetil, Felice Gimondi and Eddy Merckx. His workshop produces handmade bikes for his customers all over the world. / AFP PHOTO / MARCO BERTORELLO

Une passion transmise à de jeunes employés dans les ateliers milanais (Photo : AFP).

Merckx en guest star !

La première fois, c’était en 1961, avec Arnaldo Pambianco alors que « tout le monde pariait sur Anquetil ». « Il a pris le maillot rose à Florence (14e étape) et ne l’a plus quitté. C’était le jour de mes 18 ans, il m’a offert le maillot, cela a été une grande émotion ». La deuxième fois, en 1968, Eddy Merckx rafle tout sur un autre vélo Masi: maillot rose, meilleur sprinter, meilleur grimpeur et meilleure équipe avec Faema.

Dans l’atelier, les photos des champions des années 50-60 s’affichent partout. Le lieu est accolé au mythique vélodrome Vigorelli, où tous les records de l’heure ont été battus de 1935 à 1958. « Aujourd’hui encore, quand j’entre dans le vélodrome, je suis ému. Rien que l’odeur du bois… ça me rappelle mon enfance. Il y avait des courses tout le temps », confie Alberto. Le vélo sur lequel Anquetil battit le record de l’heure en 1956, c’est son père qui le fabriqua durant une nuit folle. « Anquetil était venu avec un vélo français, mais il était trop léger.  Quand il roulait, les roues commençaient à trembler, le vélo dérapait. A Vigorelli, les courbes sont à 45 degrés… » On conseille alors à Anquetil, qui doit courir le lendemain matin, d’appeler Faliero, « seul capable de lui faire un vélo en urgence ». « Mon père a commencé à cinq heures de l’après-midi. Et à cinq heures du matin, le vélo était prêt, avec même une couche de vernis. Anquetil l’a pris et a battu le record ». Les Masi fabriqueront aussi des vélos pour Roger Rivière, Ferdinand Bracke ou Fausto Coppi, dont Alberto rappelle qu’il était l' »un des cyclistes les plus aimés du public ».

La maison Masi a travaillé pour les plus grands... (Photo : AFP).

La maison Masi a travaillé pour les plus grands… (Photo : AFP).

Une fois, « nous sommes partis d’ici à trois et à Monza (une vingtaine de kilomètres plus loin), nous étions 500. Les gens nous suivaient ». Mais c’est Louison Bobet qui donnera à son père – un ancien coureur ayant participé trois fois au Giro – le nom de « couturier des vélos ». Alberto se rappelle avoir dû lui céder, sur ordre du paternel, une « belle selle bleue en cuir » qu’il avait mis « trois ans à faire », parce que Bobet souffrait du postérieur après une opération. Le Breton lui en fut toujours reconnaissant.

Le sponsoring signa la fin du sur-mesure

La maison travaille pour les coureurs jusqu’aux années 70, quand l’arrivée du sponsoring signe la fin du sur-mesure. Ses clients sont aujourd’hui des « passionnés: des Japonais, des Américains… », à la recherche d’un vélo avec « une âme ». Chaque année, 100 à 150 cadres sortent de l’atelier, entièrement faits à la main. « Nous ne sommes plus que trois ou quatre en Italie à fabriquer ce type de vélos », regrette Alberto, qui craint la disparition de cet artisanat, alors que « la bicyclette italienne a toujours été la plus admirée et copiée ». Tout comme son père, venu travailler jusqu’à 92 ans, il n’entend pas prendre sa retraite. « La bicyclette, je l’ai dans le sang », confie le septuagénaire qui suit toujours les courses, Giro en tête, même si « autrefois le cyclisme était plus romantique ».

AFP.

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