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La nouvelle loi hospitalière déjà « vétuste », selon les médecins


"On reste d'avis qu'il s'agit d'un texte de loi imparfait. Au sujet de la planification hospitalière, la loi sera déjà vétuste au moment du vote", estiment Philippe Wilmes et Alain Schmit. (photo Isabella Finzi)

L’Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD) reste très critique à l’égard de la nouvelle loi hospitalière qui sera votée mercredi à la Chambre. Le cadre législatif ne tiendrait pas compte de la réalité du terrain.

Les Drs Alain Schmit et Philippe Wilmes n’entendent pas rendre les armes. Respectivement président et membre du conseil d’administration de l’AMMD, ces médecins se disent «fiers» d’avoir évité le scénario catastrophe d’une réduction des compétences du corps médical en milieu hospitalier. Dans le même temps, ils estiment que le ministère de la Santé continue de vivre dans le passé.

La nouvelle loi hospitalière va être soumise au vote des députés mercredi. Quel est votre état d’esprit après un bras de fer qui aura duré près de deux ans ?

Philippe Wilmes : L’AMMD peut aujourd’hui vivre avec le texte. La version finale du projet de loi n’est en rien comparable avec le texte initial déposé en septembre 2016. On a surtout mis la pression durant l’année 2017 pour que notre point de vue soit entendu et compris. Le texte a finalement connu les modifications nécessaires et qui garantissent aux médecins de pouvoir continuer à assurer en milieu hospitalier le meilleur traitement possible pour nos patients.

Avant le dépôt du projet de loi, la ministre de la Santé avait déclaré qu’elle avait consulté l’AMMD pour préparer au mieux cette réforme. Comment expliquer donc les divergences de vues apparues au grand jour durant ces 18 derniers mois ?

P. W. : Il n’y a eu ni consultation ni concertation sur les aspects de gouvernance de la loi hospitalière et le contenu de la première version du projet de réforme. Lorsqu’on a pris connaissance du projet de loi, il s’est avéré que ce texte différait considérablement de l’avant-projet de loi et contenait des restrictions inacceptables qui auraient endigué l’exercice de la médecine. Notre relation avec le patient aurait été impactée négativement. Il fallait donc réagir.

La liberté thérapeutique est le mot clé dans ce contexte.

P. W. : Oui, mais ce texte est aussi à considérer dans un contexte plus global. Pour pouvoir traiter au mieux un patient, il nous faut une infrastructure et aussi des plateformes techniques. On a besoin du personnel spécialisé qui travaille dans les hôpitaux et de toute une série d’appareils et d’instruments. Si les médecins n’ont pas la possibilité de pouvoir être impliqués dans les prises de décision au sein des hôpitaux, on ne peut plus pratiquer la médecine.

Alain Schmit : Avec le texte initial, les directions des hôpitaux auraient pu court-circuiter l’apport intellectuel du corps médical en matière de choix d’appareils techniques, implants et médicaments. L’approche était hiérarchique, sans pourtant considérer la relation particulière et individuelle entre le patient et son médecin. La standardisation de processus et de matériel était présentée comme catalyseur d’efficacité voire de qualité au sein des hôpitaux. Or le patient individuel a surtout besoin d’une prise en charge personnalisée.

Cette première version du projet de loi n’était pas viable. Jusqu’à présent, il existait un modus vivendi informel encore acceptable entre l’administration hospitalière et le corps médical dans le processus des prises de décision. À ce titre, il faut souligner que la responsabilité du médecin est pleinement engagée en matière de traitement qu’il propose à ses patients. En conséquence, le médecin doit être impliqué dans tous les processus décisionnels qui touchent cette responsabilité.

En parallèle à ce nouveau plan hospitalier, le ministère actualise la carte sanitaire définissant le nombre de lits par hôpital. Comment voyez-vous ce deuxième élément clé et aussi le fait que désormais les deux instruments reposent sur des textes de loi ?

A. S. : En 2015, le Conseil d’État a insisté sur le fait que toute restriction normative du nombre de lits devait être fixée par la loi. Ceci a été fait par cette loi, pourtant en se basant sur des données peu fiables de la carte sanitaire actualisée. Depuis le premier plan hospitalier, datant de 2001, et aussi le deuxième, établi en 2009, le monde médical et l’environnement hospitalier ont fondamentalement évolué. On a assisté à de grandes fusions entre les hôpitaux du sud du pays, du Centre et aussi du Nord. Le paysage hospitalier a donc fortement évolué sans se référer à un plan hospitalier. Car si vous lisez ce qui a été inscrit dans les plans de 2001 et de 2009, on constate qu’on a affaire à deux mondes différents.

En novembre dernier, vous avez qualifié d »immature » le projet de loi initial de Lydia Mutsch. Comment expliquez-vous ce décalage entre la théorie et la pratique ?

P. W. : On est déjà content d’avoir su redresser les points qui nous auraient limités dans l’exercice de notre profession et qui,in fine, auraient pu constituer un danger pour nos patients. Mais on reste d’avis qu’il s’agit d’un texte de loi imparfait. Au sujet de la planification hospitalière, la loi sera déjà vétuste au moment du vote. La base de fixation des lits est une carte sanitaire aux données peu fiables, le facteur démographique n’est pas considéré, tout comme les évolutions de la médecine moderne sont ignorées.

Entretien avec David Marques

A retrouver en intégralité dans Le Quotidien papier du lundi 5 janvier

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