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[Made in Luxembourg] Dans de beaux draps à Esch-sur-Sûre


Avant de pouvoir être filée, la laine doit être démêlée et aérée. C'est le rôle de cette impressionnante machine qui carde la laine. (photo Romain Van Dyck)

Il fut un temps où le textile faisait vivre tout Esch-sur-Sûre, raconte Jean-Marie Reimen. Ce passionné nous fait visiter l’ancienne draperie, devenue un musée vivant où les machines n’ont pas fini d’en découdre !

Remontons dans le temps, au XVIIe siècle, pour nous rendre à Esch-sur-Sûre… à pied ou à cheval, évidemment. «Maintenant, pour s’y rendre, il y a des tunnels, des autoroutes et des routes, etc. Mais il y a 400 ans, tout cela n’existait pas, la ville était beaucoup plus isolée», rappelle Jean-Marie Reimen.

Non seulement la ville était isolée, mais en plus elle ne pouvait pas miser sur l’agriculture : «L’environnement ne s’y prêtait pas, il n’y avait pas beaucoup de surfaces disponible, les sols n’étaient pas très riches.»

Mais Esch-sur-Sûre avait une ressource : l’eau. Ici, elle coule de source, abonde, déborde parfois. Jusqu’à creuser le sillon économique de toute une ville. «Une corporation des tisserands existait dès le XVIe siècle à Esch-sur-Sûre, car le travail du textile demande beaucoup d’eau. Du coup, dans tous les ménages, les gens travaillaient dans ce domaine.»

Avant que l’industrie ne s’en mêle, la laine était une affaire de petites mains (souvent féminines) : lavée à la rivière, la laine était ensuite séchée, cardée (démêlée et aérée), filée à la quenouille et au fuseau… Puis les premières machines à travailler la laine sont apparues. En 1807, un certain Martin Schoetter-Greisch installait une machine à fouler (qui sert à dégraisser et feutrer la laine en resserrant les fils) à Esch-sur-Sûre, et dix ans plus tard le premier métier à filer (qui produit du fil à partir de fibres brutes). L’entreprise a été agrandie en 1866, afin d’assurer toutes les étapes de la production du drap.

Mais le XXe siècle débarque, avec ses gros sabots. La vieille industrie reste sur le carreau. La laine se fait laminer par le tissu synthétique. Même l’armée ne file plus droit : «La fin du service militaire a eu aussi un impact, car l’usine produisait beaucoup de tissus pour les vêtements militaires.»

C’en est trop. En 1975, la draperie tire le rideau.

Les rouages en action, un vrai spectacle

Ce sont les vestiges de cet âge d’or de la draperie d’Esch-sur-Sûre que nous découvrons, en compagnie de Jean-Marie Reimen. Employé du service technique du parc naturel de la Haute-Sûre, il est aussi le spécialiste de ces machines à travailler la laine qui carburent à l’eau : «Une turbine est installée dans la rivière pour fournir de la puissance aux machines.» Les visiteurs peuvent encore aujourd’hui admirer l’impressionnant arbre de transmission qui domine les machines, dont les plus anciennes datent de 1880 !

Car un vrai travail de restauration a été accompli pour sauver cette industrie de l’oubli. Au début des années 90, la draperie est rachetée et transformée en Centre du parc naturel (Maison du parc). Elle héberge depuis le centre d’accueil avec une exposition interactive sur le parc naturel, un espace de vente de produits régionaux, et donc ce musée dédié à la transformation de la laine. «Le bâtiment avait été laissé presque à l’abandon. Aujourd’hui, la Sûre est canalisée et le bâtiment est protégé par un mur, mais à l’époque il y avait des inondations, donc les machines étaient en mauvais état.»

C’est là qu’est intervenu ce natif d’Ettelbruck. «Avant, je travaillais dans l’industrie moderne. Les conditions étaient dures, je voulais sortir de cet univers où tout allait toujours plus vite.»

Il y a cinq ans, il décide de mettre ses compétences au service de ces belles antiquités. «Ici, ce n’est pas que ça ne va pas vite, on a toujours beaucoup de travail, mais le but n’est pas le même. On produit pour sauver un savoir-faire, une partie de notre histoire. Aujourd’hui, vous ne trouvez plus d’expert en textile industriel au Luxembourg, enfin, sauf à la retraite.»

L’histoire, c’est intéressant, mais voir les machines en action, ça l’est encore plus ! Afin de laisser au visiteur le plaisir de découvrir par lui-même les différentes étapes du travail de la laine, nous n’en dirons pas plus. Mais nous pouvons vous garantir que voir ces monstres de rouages, de pistons et de courroies s’activer pour transformer la laine brute en pelote et en tissu est un vrai spectacle !

Romain Van Dyck

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