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Police : les chefs en prennent pour leur grade


Le syndicat a mené a mené une attaque frontale contre l'équipe dirigeante de la police grand-ducale. (illustration Editpress)

Le fossé entre les cadres dirigeants et la base de la police ne cesse de se creuser. Lundi soir, le syndicat SNPGL a sorti l’artillerie lourde pour dénoncer des agissements «intolérables» de la part de la direction générale.

Dix-huit ans après la fusion entre la gendarmerie et la police, les forces de l’ordre du Luxembourg se trouvent une nouvelle fois à la croisée des chemins. La réforme que souhaite finaliser avant l’été le ministre de la Sécurité intérieure, Étienne Schneider (LSAP), va chambouler bien des choses. Pour l’instant, les cadres de la police mais aussi de la justice font cependant encore de la résistance, ce qui risque de creuser encore davantage le fossé qui existe déjà à ce jour entre la direction générale, les autres cadres supérieurs et, donc, les policiers de base.

«Lutte des classes dans la police» avions-nous titré samedi dernier après une première salve lancée la veille par le SNPGL. Comme annoncé, les dirigeants du principal syndicat de la police, réunissant sous son toit 93% de tous les inspecteurs et brigadiers, en ont remis une couche lundi soir lors de l’assemblée générale.

Accusations contre la direction et la justice

Et le moins que l’on puisse écrire est que le président, Pascal Ricquier, a mené une attaque frontale contre l’équipe dirigeante de la police emmenée par le directeur général, Philippe Schrantz. Ce dernier avait été choisi en personne par le ministre Étienne Schneider pour mener à bien la réforme qui se trouve sur la dernière ligne droite. Philippe Schrantz était aussi censé ramener le calme dans un corps de police éclaboussé successivement par la mise à l’écart du directeur général Pierre Reuland fin janvier 2008, dans la foulée de l’affaire Bommeleeër, et l’envoi à la retraite de son successeur Romain Nettgen en 2015. Mais la sérénité n’est toujours pas présente au sein de la police grand-ducale. Les coupables sont clairement identifiés, selon le SNPGL : les cadres supérieurs qui feraient preuve d’ «arrogance» et de «mépris» par rapport aux policiers de base. Le directeur général adjoint, Donat Donven, s’est même vu reprocher un possible «abus de pouvoir».

Dans un discours long de 90 minutes, Pascal Ricquier a dressé une longue liste d’incohérences mais aussi de dysfonctionnements, le tout sans hausser la voix et face à un parterre qui semblait également assez abattu. Les oreilles des nombreux députés présents au premier rang doivent cependant avoir sifflé. «Il faut que les combines pour contourner sans conséquences les lois et règlementations cessent une bonne fois pour toutes», balance sans sourciller Pascal Ricquier. Ce serait bien les cadres supérieurs, avec l’appui des autorités judiciaires, qui feraient tout pour «combattre, discréditer et désunir» le SNPGL qui, selon son président, est «devenu bien trop fort et influent» au goût de la direction générale et aussi de l’Association des cadres supérieurs de la police (ACSP).

Cette dernière, qui forme avec le SNPGL et le SPCPG (personnel civil) l’une des trois seules représentations du personnel de la police grand-ducale, a également été attaquée frontalement. En cause : une lettre envoyée la semaine dernière qui est finalement parvenue au SNPGL. «Elle comprend des mensonges qui ont pour seul objectif de semer la discorde au sein du SNPGL et de nous déstabiliser. Mais on va empêcher avec toutes nos forces que cela se produise», met en garde Pascal Ricquier.

Schneider et Kersch comme alliés

Comme alliés, le SNPGL compte aujourd’hui bien plus sur les ministres socialistes Étienne Schneider (Sécurité intérieure) et Dan Kersch (Fonction publique) que sur sa direction générale. Le ministre de la Justice, Félix Braz (déi gréng), s’est également retrouvé dans le viseur du camp syndical en raison de son refus de statuer sur la future prise en charge du transport des détenus. Le SNPGL insiste pour que cette mission reste entre les mains des gardiens de prison («Nous policiers, on est les ennemis. Eux, ils ont une meilleure relation avec les détenus», dixit Pascal Ricquier). «La police risque de s’effondrer pour de bon. Cela arrivera tôt ou tard. Soit dès 2019, soit en 2022 lors de l’ouverture de la prison de Sanem», prédit le président du SNPGL.

En attendant, les graves accusations formulées à l’encontre des dirigeants de la police risquent de faire des remous. «On a la double obligation en tant que policiers de respecter et de faire respecter la loi. La séparation des pouvoirs existe ou elle n’existe pas. Chers politiciens, à vous de trancher», conclut Pascal Ricquier.

Une chose est sûre pour l’instant : la réforme nécessaire de la police est aujourd’hui menacée, même si la base peut vivre avec les grandes lignes et orientations. Mais un vote en toute sérénité du projet de loi semble compromis.

David Marques

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