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Répartition de l’impôt des frontaliers : et si l’OCDE changeait la donne ?


Le Luxembourg accueille plus de 192 000 travailleurs frontaliers. Une aubaine réciproque en même temps qu'une source de déséquilibre des territoires en termes d'investissements publics (Photo : François Aussems).

C’est une information importante pour le Grand-Duché : l’OCDE pourrait prévoir des «dispositions alternatives» à la règle du prélèvement de l’impôt sur les rémunérations des frontaliers, pour équilibrer les charges entre pays d’emploi et de résidence.

Comment prendre en compte le phénomène frontalier (travail d’un côté, résidence de l’autre) dans la répartition des charges publiques d’un bassin de vie commun ? La question concerne directement le Luxembourg, qui compte 46% de main-d’œuvre frontalière (52% depuis la France, 24% depuis la Belgique et 24% depuis l’Allemagne).

À ce titre en Europe, de nombreuses zones frontalières dérogent à une règle de l’OCDE qui veut qu’un actif est prélevé sur son impôt sur le revenu dans le pays où il travaille. Ce qui n’est pas le cas du Grand-Duché, à part dans son approche avec la Wallonie.

Le Danemark reverse par exemple une compensation financière aux communes de Scanie, Genève, aux communes de Haute-Savoie et de l’Ain. Mais la dérogation principale semble être que l’Etat de résidence prélève l’impôt sur le revenu des frontaliers et en reverse une partie à l’Etat de travail (ex : France/Allemagne, Italie/Autriche, Belgique/France…)

Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, nous éclaire sur la règle en question, et les changements qui pourraient advenir.

Pascal Saint-Amans, Directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE (Photo : DR).

Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE. (Photo DR)

Quelle est cette règle de l’OCDE précisément, de quand date-t-elle ? Y a-t-il un texte écrit ?

La double imposition juridique internationale – définie comme l’application d’impôts comparables dans deux ou plusieurs États au même contribuable, pour le même fait générateur et pour des périodes identiques – a des effets néfastes sur l’échange international de biens et de services, et sur les mouvements transfrontaliers de capitaux et de personnes.

Afin de supprimer cet obstacle au développement des relations économiques, et afin de clarifier et d’unifier la situation fiscale des contribuables qui exercent des activités dans d’autres pays, l’OCDE publie depuis 1977 son «Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune».
Ce modèle suggère certaines dispositions que les États peuvent utiliser dans leurs conventions fiscales bilatérales. L’influence de ce modèle est grande, puisque la quasi-totalité des 3 500 conventions fiscales en vigueur reprennent ses dispositions.

L’article 15 traite de l’imposition des rémunérations perçues au titre d’un emploi salarié. Cet article prévoit que, généralement, le pays où l’emploi est exercé imposera la rémunération l’employé du salarié.

Ainsi, le salarié lorsqu’il est également imposable dans le pays où il réside, se voit accorder un crédit d’impôt afin d’éviter une double imposition.
Cependant, il est possible pour les États qui signent une convention fiscale de convenir d’une règle différente, et de se reverser une part de l’impôt collecté, dans un sens où dans l’autre (de l’état où réside le salarié vers celui où il travaille, ou l’inverse). C’est parfois le cas dans certaines zones transfrontalières.

Que pense l’OCDE de ces dérogations ? Sont-elles légitimes, ou la règle OCDE doit avoir un caractère intangible ? Si l’intangibilité devait primer, quelle justification ?

Si les pays sont libres, dans leurs négociations bilatérales, de décider d’appliquer une disposition autre que celle du modèle de l’OCDE, on notera que lorsqu’il y a un va-et-vient réciproque de travailleurs entre deux pays, ces derniers peuvent ne pas juger utile de déroger à la disposition type : les revenus perdus pour les États de résidence (où réside un salarié) vont être compensés par ailleurs.

Dans d’autres cas, par exemple lorsque les flux de travailleurs qui se déplacent dans les deux sens ne sont pas équilibrés ou que leurs salaires sont très différents, les pays peuvent convenir d’une disposition exigeant un rééquilibrage des droits d’imposition afin que le pays de résidence conserve les recettes fiscales dont il a besoin pour l’entretien des écoles, des centres sportifs et tous les autres services publics dont bénéficient ses habitants.

Ce rééquilibrage peut être effectué de différentes manières et les pays choisiront celui qui leur convient le mieux.

L’OCDE s’est-elle déjà penchée sur ces problématiques (minoritaires) transfrontalières ? Y a-t-il des travaux sur le sujet, des remontées du terrain ?

Un groupe de travail du Comité des affaires fiscales de l’OCDE, composé de négociateurs de conventions fiscales, suit de près tous les aspects du modèle. Le groupe de travail a déjà décidé d’examiner la question des travailleurs frontaliers dans le cadre de son futur programme de travail.

Il est trop tôt pour dire ce qu’ils vont décider, mais un résultat possible serait une disposition alternative (ou une série de dispositions) que les pays préoccupés par cette question pourraient utiliser dans leurs traités bilatéraux. Comme indiqué dans votre préambule à la première question, plusieurs pays appliquent déjà ces dispositions et le groupe de travail les examinera sans doute au cours de ses travaux.

Entretien avec Hubert Gamelon

Notre dossier complet sur ce sujet, à lire dans Le Quotidien papier du 6 février

 

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