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Berlin : une ancienne banque s’offre au street art


Promis à la destruction, le vaste bâtiment doit laisser place à un complexe immobilier de luxe comme il s'en construit beaucoup à Berlin-Ouest. (Photo : AFP)

À Berlin, une ancienne banque devient une galerie d’art, juste avant d’être détruite. Sur une surface de 10 000 m2 et avec 80 pièces à annexer, 165 artistes se sont amusés à donner un dernier souffle de vie à un vaste bâtiment promis à la destruction.

L’idée a séduit 165 artistes urbains : investir pendant deux mois une banque désaffectée de Berlin pour en faire un temple du street art mondial. Ensuite, viendront les bulldozers… «Nous allons exposer deux mois et ensuite tout disparaîtra à jamais», dit Joern Reiners, du collectif de street-artistes Die Dixons, à l’origine de ce projet baptisée The Haus (la Maison) et qui attire des centaines de visiteurs. Promis à la destruction, le vaste bâtiment gris et austère de cinq étages doit laisser la place à un complexe immobilier de luxe comme il s’en construit beaucoup dans ce quartier du centre de Berlin-Ouest. Mais en octobre 2016, un collectif d’artistes berlinois a su convaincre les promoteurs immobiliers de donner une dernière vie artistique à cet ensemble de 10 000 m2et de 80 pièces.

Résultat, une multitude de fresques colorées et d’installations dans une étourdissante variété de styles se sont répandues du sol au plafond, une concentration exceptionnelle dans le domaine du street art. «Il a fallu faire très vite et on n’avait pas vraiment prévu les choses, on a juste pris nos téléphones et appelé tout notre carnet d’adresses», raconte Timo Rekowsky, un autre membre des Dixons.

Photos bannies

La plupart des artistes, originaires de 17 pays différents, ne sont pas vraiment connus en dehors de leur milieu, même si quelques noms comme El Bocho et Emess ont déjà leurs réputations à Berlin, l’un des centres européens du tag, du pochoir, du collage et du trompe-l’œil. Chacun des 165 artistes s’est vu attribuer un espace à remplir : un couloir, une petite remise ou des toilettes.

Là, une gigantesque paire de jambes semble avoir transpercé un plafond. Ici, des petites annonces recouvrent la totalité d’une pièce. Plus loin, une chambre est plongée dans le noir et c’est à la lampe torche qu’on en découvre la composition artistique. «On a trouvé ici un espace pour que ces artistes puissent donner vie à une vision, sans avoir à penser à la partie commerciale, à combien ils devraient faire payer, ils peuvent vraiment se concentrer sur leur art, l’expérimenter, explique l’organisateur, Joern Reiners. C’est l’essence de ce projet, et ce qui le rend différent des autres.» Leur seul regret, toutefois, est de «ne pas avoir pu faire partager au public l’énergie qui a été générée ici» pendant la phase d’installation et de création du projet, déplore Timo Rekowski. Jusqu’au-boutiste dans l’approche de l’éphémère, les organisateurs ont voulu que les œuvres ne restent nulle part, si ce n’est dans la mémoire des visiteurs.

La prise de photos par le public est interdite. Et les journalistes doivent se contenter de plans serrés, aucune prise de vue d’ensemble n’est autorisée. Le public semble apprécier cet appel à vivre l’art au présent, qui plus est gratuitement. Lors du week-end d’ouverture début avril, la queue s’étirait au loin dans la rue. «Ça vaut le coup, il y a encore plus de variété que ce que j’imaginais et bientôt il n’y aura plus rien… donc c’est maintenant ou jamais», s’emballe Juliana Lang, une visiteuse qui a dû patienter une demi-heure.

L’artiste allemande Anne Bengard, qui a peint un homme à la bouche écartelée crachant au sol de faux billets de banques, dit avoir été inspirée par la philosophie du projet centré sur la rencontre du public avec l’œuvre. «Cette manière de faire est géniale : chaque personne qui veut voir doit venir en personne.» Que le fruit de son travail soit réduit dès juin prochain à l’état de gravats ne la dérange pas non plus. «C’est la première fois que je peins à l’intérieur d’une banque, et c’est plutôt cool de se dire que, bientôt, ça n’existera plus, que personne ne l’achètera, que c’est juste là, ici et maintenant.»

Le Quotidien/AFP

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