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Paul Verhoeven et son thriller sadique


Isabelle Huppert est immense de faiblesse et de force dans "Elle". (Photo DR)

Après dix ans de silence ciné, Paul Verhoeven est de retour avec « Elle », un thriller sardonique et sadique où brille, une fois encore, Isabelle Huppert.

À 77 ans, après avoir quitté le festival cannois sans palme ni prix qui lui semblaient pourtant acquis, Paul Verhoeven (à qui l’on doit aussi Robocop ou encore Total Recall) a juste glissé : «Je ne suis pas un prophète.» En bord de Méditerranée et avant sa sortie en salles, son film y a laissé un léger goût de scandale. Parce que Verhoeven est encore et toujours un réalisateur de chair et de sang.

À l’origine, cette mise en images de l’histoire écrite par Philippe Djian devait être tournée aux États-Unis. Elle l’a été en France, près de Paris, avec des actrices et acteurs français (Isabelle Huppert, Laurent Laffitte…) et même belge (Virginie Efira). Explication du réalisateur né à Amsterdam : «C’était compliqué, d’un point de vue financier, et aussi artistique : on s’est rendus compte qu’aucune actrice américaine n’accepterait de jouer dans un film aussi amoral. Même celles que je connaissais bien, il leur était impossible de dire oui à un tel rôle. Isabelle Huppert, je l’avais rencontrée au tout début du projet, elle était partante pour faire le film… Et puis, un jour, le producteur me dit : Pourquoi se bat-on pour faire ce film aux États-Unis ? C’est un livre français, Isabelle Huppert a très envie de jouer le rôle. On est stupides ! Il avait raison. Rétrospectivement, j’ai réalisé que jamais je n’aurais pu faire ce film aux États-Unis avec la même authenticité.»

L’horreur sans édulcorant

Du viol et du châtiment, voilà le programme d’Elle. Avec Michèle, une de ces femmes que rien ne semble pouvoir atteindre. Une de ces femmes qui dirigent. Elle fait tourner une grosse entreprise de jeux vidéo. Sa vie professionnelle, elle la gère comme sa vie personnelle : avec fermeté. Un jour, tout va s’écrouler : elle est agressée et violée chez elle sur le plancher par un inconnu cagoulé. Tout devrait s’effondrer, mais Michèle repart, comme si rien n’avait eu lieu. Du moins en apparence. Parce qu’elle va alors se lancer dans une traque folle et furieuse de l’agresseur – violeur. Le connaît-elle ? L’a-t-elle reconnu, identifié ? Peut-être ? Sûrement ?

Paul Verhoeven pose les hypothèses pour un jeu qui, à tout moment, peut basculer, voire dégénérer. D’ailleurs, le ton est donné dès les premières images. Commentaire et explications du réalisateur : «La scène du viol devait être dérangeante, pour exprimer l’horreur que subit Michèle, l’héroïne. Édulcorer un tel acte aurait été malhonnête.» Et Verhoeven de poursuivre : «Cependant, elle n’est pas une victime, elle appréhende la situation avec distance et ironie. Elle agit de la même façon avec son entourage. Aucune des relations humaines décrites dans le film ne fonctionne. Michèle est agressive avec son ex, son amant, sa mère, son fils, ses employés. Un jeu de séduction, de fascination et de répulsion s’installe progressivement entre Michèle et son agresseur.»

De viol à châtiment, ce nouveau film de Verhoeven restera un des moments forts du festival de Cannes 2016. On ne le dira jamais assez : le réalisateur néerlandais, qui a tenu à tourner, mais aussi à s’exprimer en français avec ses acteurs, a été formidablement aidé dans cette aventure par Isabelle Huppert, «une athlète de la souffrance» comme l’a surnommée un critique parisien. De cette Michèle, elle a fait un personnage immense, de faiblesse et de force… pour un grand moment de cinéma.

De notre correspondant à Paris, Serge Bressan

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