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Rentrée littéraire : la sélection du Quotidien (1/2)


Les premiers romans, francophones et étrangers, sont arrivés dans les librairies. D’ici fin septembre, 589 romans sont annoncés. Le Quotidien en a sélectionné dix, qui vont, à coup sûr, faire l’actualité.

La rentrée, c’est maintenant, et il faut s’y faire ! Déjà, entend-on, ici et là… Deuxième quinzaine d’août et, pour celles et ceux qui ont pu s’offrir quelques vacances, ce n’est plus que souvenirs… Oui, c’est l’heure de la rentrée… littéraire en francophonie -une tradition que, décidément, les Anglo-Saxons, les Espagnols ou encore les Italiens ne comprennent toujours pas !

Donc, cette année, d’ici fin septembre, on aura le choix parmi 589 nouveaux romans francophones et étrangers, dont au moins un (Eva, de Simon Liberati) a alimenté le buzz et une action en justice, avant même sa parution. Et comme tous les goûts sont dans la nature, on trouvera des romans de tous les genres. De l’amour (avec la fracassante Christine Angot ou le déjanté Douglas Coupland), du lourd, très lourd (avec les 1500 pages du chef-d’œuvre de David Foster Wallace), de la belle écriture (avec Chantal Chawaf) ou encore une étincelante révélation avec le premier roman de l’Italien Alessandro Mari…

Aujourd’hui, pour cette première semaine de rentrée littéraire, toujours totalement subjectif, Le Quotidien a sélectionné dix romans à ne pas rater. Bonne lecture !

Un amour impossible de Christine Angot

490_0008_14238373_0821_angotNe tergiversons pas plus longtemps  : Un amour impossible restera, très vraisemblablement, un des meilleurs livres de cette rentrée d’août 2015, mais, surtout, il est déjà certain qu’il est un des meilleurs de Christine Angot. Cette fois, ce nouveau texte est arrivé sans odeur de soufre ni scandale –  est-ce à dire que la romancière se serait assagie? Pas le moins du monde. Disons qu’elle a fait un pas de côté, elle, pour qui rien n’est plus important que l’écriture, que la littérature.

L’amour impossible, c’est celui qui a lié sa mère Rachel et son père Pierre. L’une était une jeune fille pauvre de province (à Châteauroux), l’autre un fils de bonne famille de Paris. Elle était amoureuse; lui? on n’a jamais vraiment su. Ils eurent une fille, née en 1959  : Christine. Il est parti avant même la naissance, et verra, de loin en très loin, sa fille. Il se manifeste à nouveau quand elle approche de l’adolescence. Semaine avec la mère, week-end (enchanteur) avec le père. Un jour, par hasard (et vers la fin du livre), elle apprend que ce père «profite» de sa fille, qui sera hospitalisée. Plus tard, bien plus tard, la mère et la fille se rapprochent, se retrouvent. Se diront-elles «Je t’aime»? Sauront-elles le dire?

Un amour impossible entre un homme et une femme, entre une mère et une fille… et aussi un texte éblouissant sur la lutte des classes. Un texte écrit avec un scalpel. Déjà indispensable.

Chez Flammarion.

Petit piment d’Alain Mabanckou

490_0008_14238380_0821_mabanckou2La bonne nouvelle de cette rentrée littéraire  : on a retrouvé Alain Mabanckou! Le Mabanckou qu’on a tant plaisir à lire. Il revient avec Petit Piment , un roman picaresque, enlevé, drôle, tendre, émouvant…

Ça commence, à Pointe-Noire (la ville natale de l’auteur), avec un gamin orphelin, surnommé Moïse. Ou encore, surnom donné par Papa Moupelo, prêtre et professeur de danse  : Tokumisa Nzambé po Mose yamoyindo abotami namboka ya Bakoko (en VF  : Rendons grâce à Dieu, le Moïse noir est né sur la terre des ancêtres)!

Dans les années 1970, celles de la Révolution socialiste au Congo, on suit ce Moïse, son long séjour à l’orphelinat dirigé par l’horrible Dieudonné Ngoulmoumako, sa fuite avec des jumeaux ados petits caïds, son refuge chez Maman Fiat  500, mère maquerelle… et puis, un jour, Moïse est attrapé par la «folie». Il va consulter un psychanalyste blanc, un guérisseur noir.

Petit Piment , c’est un feu d’artifice de personnages et aussi, en creux dans toutes les pages, un livre efficacement politique.

Chez Seuil.

Sœurs de miséricorde de Colombe Schneck

490_0008_14238383_0821_schneckOn la connaît femme de radio. Colombe Schneck est aussi, surtout, femme d’écriture. Récemment, elle racontait les aventures d’une icône du cinéma français ( Mai 67 ) ou encore un épisode douloureux de sa vie ( Dix-sept ans ). Nouvel angle pour son nouveau roman, Sœurs de miséricorde , avec l’histoire d’une femme de l’ombre, une de ces «gens de peu». Elle est bolivienne, se prénomme Azul, a laissé au pays homme et enfants, langue et robes, rites et prières. Elle est venue en France, travaille comme femme de ménage. Sa vie, c’est l’ombre chez les riches patronnes; une vie minuscule que Colombe Schneck sait conter, entre roman et enquête, avec une digne empathie, une belle élégance et une intelligente retenue, sans ne jamais tomber dans le misérabilisme.

Chez Stock.

Les Folles Espérances d’Alessandro Mari

490_0008_14238381_0821_mariLa sensation de la rentrée. Un premier roman venu d’Italie, signé Alessandro Mari, 35 ans et spécialiste de l’écrivain américain Thomas Pynchon. Salué par la presse italienne, Les Folles Espérances est une fresque XXL dans les années 1830.

Dans une Italie qui n’est pas encore une nation, quatre personnages se coltinent avec leur destin et avec l’histoire. Il y a Colombino, l’orphelin, paysan candide; Leda, passée du couvent à l’espionnage; Lisander, photographe expérimental et cynique au grand cœur et, aussi, le jeune Garibaldi, trouvant au Brésil l’inspiration de ses combats futurs pour l’unité italienne, mais aussi l’amour de la voluptueuse Aninha. Roman de la jeunesse, du corps, de l’esprit et d’une nation, Les Folles Espérances est tout habité par le monumental et la polyphonie. Oui, une vraie et grande révélation !

Chez Albin Michel.

Délivrances de Toni Morrison

490_0008_14238382_0821_morrisonOn la surnomme «la papesse des lettres nord-américaines». Sur son CV, elle aligne honneurs et récompenses (prix Nobel de littérature 1993, prix Pulitzer, médaille de la Liberté…). À 84 ans, Toni Morrison, qui brille toujours par son franc-parler, mène encore son combat pour la cause des Afro-Américains aux États-Unis.

Et cette rentrée littéraire est illuminée par son onzième roman, Délivrances (en VO  : God Help the Child ). Un roman bouillonnant de thèmes  : une mauvaise mère qui répudie son enfant nouveau-né, parce qu’«elle m’a fait peur tellement elle était noire», la rédemption, l’amour, la désillusion…

Sous la plume de Toni Morrison, on suit Lula Ann Bridewell, la petite qui se fera appeler «Bride», qui connaîtra la réussite professionnelle, l’amour et le désamour. Un texte de réflexion sur la dignité, les préjugés et la différence.

Chez Christian Bourgois éditeur.

Un papa de sang de Jean Hatzfeld

490_0008_14238378_0821_hatzfeldRetour au Rwanda, sur les collines de Nyamata, vingt ans après le génocide. Ancien grand reporter, avec Un papa de sang , Jean Hatzfeld consacre un cinquième roman sur ce conflit dont il rendit compte. Quitte de son héritage? Peut-on s’en écarter, s’en échapper? Cette fois, avec ce roman impeccable, il s’intéresse aux enfants. Ceux des rescapés, ceux des tueurs.

Avec une écriture pudique et enveloppante, Jean Hatzfeld raconte Idelphonse Habinshuti, 19 ans, et Jean-Damascène Ndayambaje, 16 ans, tous deux fils de détenus hutus, ou encore Sandra et tant d’autres. Le premier dit : «Je ne pouvais pas changer de papa, quand même», le deuxième : «Je laisse cette histoire aux mains du silence». Sandra, elle, confie : «Je ne sais pas si je pourrais tomber amoureuse d’un garçon hutu»…

Chez Gallimard.

L’Infinie Comédie de David Foster Wallace

490_0008_14238377_0821_fosterwallaceLe roman-monstre. Attendu depuis près de vingt ans. L’Infinie Comédie de l’Américain David Foster Wallace (suicidé à 46 ans en 2008), c’est un texte de près de 1  500 pages dont la VF (qui a demandé trois ans de travail au traducteur Francis Kertine) arrive, enfin, dix-neuf ans après sa parution outre-Atlantique.

Là-bas, L’Infinie Comédie est tenu pour un roman culte, on parle même de roman encyclopédique! Ça bouillonne, ça prolifère à tous les étages avec cet auteur postmoderne et maudit  : comme personne, il sait pointer l’époque avec ses névroses et ses obsessions. La mort y est omniprésente, avec un joueur de tennis qui se balade avec un revolver pour se suicider, une femme qui se tue dans un broyeur à ordures, un autre qui avale une boisson chocolatée au cyanure… Un livre aussi sublime que tordu !

Aux Éditions de l’Olivier.

La Pire Personne. Au monde de Douglas Coupland

490_0008_14238376_0821_couplandAu rayon «déjanté», le Canadien Douglas Coupland occupe une belle place. Parmi les plus en vue. On le connaît –  et le suit, depuis Génération X  – best-seller mondial. Il nous revient avec La Pire. Personne. Au monde. Un roman aussi échevelé que «barré».

Avec un personnage parfait en antihéros. Il s’appelle Raymond Gunt, est cameraman et a quelques faiblesses  : l’alcool, le sexe et la drogue. Bref! il se considère comme un homme banal, ordinaire –  il est aussi un peu salaud sur les bords… Il embarque pour une micro-île du Pacifique, où il va bosser pour un programme de télé-réalité bien crade. Et il va y accumuler toutes les «merdes» possibles et imaginables.

Un roman au regard acéré sur l’époque, ses hypocrisies et ses travers.

Au Diable Vauvert.

Profession du père de Sorj Chalandon

490_0008_14238374_0821_chalandonLa question est là, toujours, sourde et cachée. Elle habite tous les livres de Sorj Chalandon  : qu’est-ce qu’un père? Cette rentrée, le romancier a passé le cap –  et aborde, frontalement, la fameuse question avec Profession du père . Un roman sur la blessure originelle.

Avec un père, raconte-t-il, qui se présentait comme espion, parachutiste, prof de judo ou encore pasteur pentecôtiste. Et qui, au quotidien, se comportait étrangement aux yeux de son fils  : tyran, violent, menteur, fou, facho… «Il avait la haine de ce qu’il n’était pas» , confie l’auteur qui a attendu la mort ( l’an dernier ) de son père pour écrire ce roman. C’est une lettre au père, follement bouleversante, terriblement corrosive, furieusement lucide.

Chez Grasset.

490_0008_14238375_0821_chawafNe quitte pas les vivants de Chantal Chawaf

C’est une belle habitude : chacun des textes de Chantal Chawaf, depuis plus de quarante ans et Retable. La Rêverie (1974), est un ravissement. De souffle, d’incandescence. De magie, de poésie. Et d’engagement. Il en va encore ainsi avec Ne quitte pas les vivants , le nouveau roman de Chantal Chawaf, 72 ans. Pour décor, les années 1960 et l’oasis de Damas. Le désert, tout proche, relie l’Occident et l’Orient – là, une jeune femme enquête sur ses origines. Ça va la conduire entre France de l’après-Deuxième Guerre mondiale et Syrie d’avant la guerre des Six Jours, avec étapes fantomatiques en Écosse, Norvège et Pologne. Les fléaux de l’époque, la peur de la guerre… et ce conseil lancinant : Ne quitte pas les vivants. Un grand moment de vie.

Chez Des femmes/Antoinette Fouque.

Serge Bressan

Retrouvez notre deuxième sélection de la rentrée littéraire.

 

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