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[Série] The New Pope : un Saint-Siège pour deux


John Malkovich incarne Jean-Paul III, un pape symbole de la voie du milieu (Photo : DR).

Bienvenue au Vatican ! Trois ans après The Young Pope, réalisée par l’Italien Paolo Sorrentino, voici The New Pope : une deuxième saison pour une série télévisée aussi décoiffante qu’irrévérencieuse. Une grande réussite.

On eut, au temps de The Clash, du rock «in the Casbah». En cette décennie 2010, c’est plutôt rock «au Vatican». Tout ça par la grâce, non pas de Dieu, mais du cinéaste Paolo Sorrentino, grand maître ès provocations. Réalisateur honoré par, entre autres, un Oscar en 2014 pour l’éblouissant La grande bellezza, il revient avec une nouvelle saison d’une série télé absolument décoiffante, irrévérencieuse à souhait, magnifiquement mise en images.
C’est The New Pope qui, trois ans après, fait suite à The Young Pope, série consacrée à Pie XIII, Lenny Belardo pour l’état civil, pape interprété par l’immense Jude Law, furieusement égocentrique, terriblement conservateur, follement idolâtré. Retour en arrière : à la fin de la saison 1, Pie XIII est victime d’une crise cardiaque. On s’interroge : va-t-il s’en sortir?
Est-il mort, ce pape qui élève un kangourou dans les jardins pontificaux, «fume comme un pompier, boit du Coca Cherry au petit-déjeuner et ne manque jamais son goûter de 16 h. Un vrai gosse. Autoritaire et charismatique, réactionnaire et postmoderne, fondamentaliste et désinvolte, hautain et familier, mystique et diabolique, ce jeune pape est un buisson ardent de contradictions», ainsi que le présente la correspondante de L’Obs du côté de Rome ?

Au début de cette saison 2, après un générique d’une intelligence subtile et une mise en scène pétillante avec des sœurs dansant sous une grande croix lumineuse, on apprend que Pie XIII est dans le coma. Ce qui implique cette question fondamentale : doit-on considérer qu’il est vivant? Ou mort? Nombre de cardinaux au Vatican assurent que, pour rester en poste, un pape doit être considéré comme vivant même plongé dans le coma. Mais le secrétaire d’État du Vatican, le roué en public autant qu’humain en privé Angelo Voiello, met en place une élection pour la nomination d’un nouveau pape. Avec, évidemment, le sentiment que The New Pope, ce sera lui !

Après 30 tours, pas de prétendant qui l’emporte..

Après plus de trente tours de vote (quand même !), ni Voiello ni son adversaire Hernandez n’obtiennent la majorité des deux tiers pour être élu… Alors, fidèle à sa réputation de grand stratège, roi de la manipulation, ledit Voiello pousse à l’élection d’un cardinal qui n’a rien demandé mais qui fera, selon le secrétaire d’État, ce qu’on lui demandera. L’élection se passe comme prévu : le cardinal est élu, «habemus papam» annonce la Curie, il prend pour nom papal François II. Une des premières décisions : il ouvre le Vatican aux migrants, se montre aux côtés des pauvres… mais peu après sa prise de fonction, il meurt. Version vaticanesque : d’une crise cardiaque. Rumeur : Voiello et ses proches, ne supportant pas de ne plus contrôler ce pape, l’auraient réduit au silence…

Pour cet épisode, Paolo Sorrentino confie s’être grandement inspiré de l’histoire de Jean-Paul Ier, 263e pape de l’Église catholique, pape pendant 33 jours et 6 heures du 26 août 1978 au 28 septembre 1978. Donc, au Vatican, on recommence tout. Une nouvelle élection pour un nouveau pape. Cette fois, c’est un Américain qui est élu. À la folie débordante de Pie XIII, à l’humilité de François II succède John Brannox – évidemment, une fois encore, l’inévitable Voiello a été à la manœuvre. Brannox qui prend pour nom papal Jean-Paul III… Incarné par un formidable John Malkovich, voilà un pape symbole de «la voie du milieu», selon le réalisateur.

Un pape inspiré à Sorrentino par le cardinal John Henry Newman (1801-1890), le plus célèbre des anglicans ralliés au catholicisme, béatifié fin 2019. «Il était adepte du compromis», ajoute le réalisateur. Coproduite par Canal+, Mediapro, Sky et HBO – donc diffusée dans le monde entier –, la saison 2 de la série met en majesté le «grandiloquent» Jean-Paul III qui prend les commandes pour insuffler son charme et ses doutes au Vatican.

Ce nouveau pape parle d’amour et de poésie. Mieux : loin des délires mégalomaniaques de Pie XIII, le réalisateur fait entrer dans son Vatican le monde réel. Il y a les migrants, le terrorisme islamiste, l’interrogation sur le fanatisme ou encore le culte de la personnalité et l’idolâtrie… sans oublier des religieuses qui font grève pour demander plus de respect, le mariage des couples homosexuels – une cause portée par Sharon Stone elle-même – ou encore l’apparition quasi surréaliste de Marilyn Manson… Et ce monstre d’irrévérence qu’est Paolo Sorrentino fait dire à son «new pope» : «La Bible ne peut pas être mise à jour. La Bible n’est pas un iPhone»… Qu’on se le dise ! Au fait, Pie XIII va-t-il sortir du coma? On croit savoir qu’il pourrait y avoir du miracle dans l’air !

Serge Bressan

The New Pope, série de Paolo Sorrentino. Sur Canal+ depuis lundi.

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