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La nature dévorée

L’image est saisissante et semble tout droit sortie d’un film de science-fiction un peu vintage. Une énorme machine montée sur des chenilles avance. Le cou de ce monstre d’acier se termine par une grande roue en métal. La créature dévore littéralement le sol qui se trouve devant elle, engloutissant des tonnes et des tonnes de terre à chaque bouchée.

Au pied de ce dragon des temps modernes, les ouvriers semblent minuscules. Ce sont eux les maîtres de cet animal, véritable cauchemar industriel. Il ne se trouve pas loin du Grand-Duché, mais personne ne semble s’en inquiéter. Il faut dire que la machine ne risque pas de venir croquer le grès du Luxembourg. Trop dur. L’engin est exploité par la compagnie allemande d’énergie RWE près d’Aix-la-Chapelle et sert à extraire le lignite pour alimenter les centrales électriques toutes proches. Le lignite est une sorte de charbon bon marché, mais très polluant. Cela n’arrête pas RWE, qui doit répondre à la demande énergétique de nos voisins après la décision de sortir du nucléaire à l’horizon 2022.

Il fallait faire un choix, il a été fait… Mais il ne plaît pas à tout le monde. Le site d’extraction situé près d’Aix-la-Chapelle s’est trouvé sous les feux des projecteurs après la mort d’un militant écologiste dans la forêt de Hambach. Le bois devait être mangé par le monstre d’acier, mais le site naturel a obtenu un sursis la semaine dernière grâce à la justice allemande et après la longue mobilisation des écologistes. Cela n’a pas arrêté la machine affamée qui s’est jetée sur d’autres parcelles situées à proximité.

La situation près d’Aix-la-Chapelle en dit long sur le processus qui doit être entrepris pour tenter de limiter le réchauffement climatique. La machine infernale ne se trouve pas dans un pays en voie de développement, mais dans un État économiquement puissant et dont les habitants sont sensibles à la protection de la nature. Et pourtant, le lignite est toujours extrait. Cela laisse imaginer l’immense défi qui attend ceux qui souhaitent faire changer les habitudes des pays émergents et industrialisés afin de réduire l’empreinte carbone de nos sociétés et nous préserver de la catastrophe climatique qui s’annonce.

Laurent Duraisin

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