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ArcelorMittal : un travail et des hommes


(photos Isabella Finzi)

La journée de la sécurité a pris tout son sens, jeudi, dans les usines luxembourgeoises d’ArcelorMittal. La mort d’un technicien sur le site belge de Charleroi, mardi, était dans tous les esprits.

arcelor mittal

C’est émouvant, une usine qui se tait en mémoire d’un ouvrier qui aurait pu être un camarade. Jeudi matin, à Differdange, le personnel d’ArcelorMittal a respecté une minute de silence, casques à terre, en mémoire du jeune technicien mort mardi sur le site d’ArcelorMittal de Charleroi. Apparemment une imprudence qui lui a valu d’être écrasé par un pont roulant de plusieurs tonnes. En 2015, ArcelorMittal a perdu 27 employés sur l’ensemble de ses sites dans le monde. Un chiffre qui a claqué, en cette journée dédiée à la sécurité.

«Il n’y a pas de système parfait, estime Gérard Bauer, spécialiste de la sécurité sur le site de Belval. On aura beau baliser l’usine comme on veut, le « zéro accident » ne sera atteint que par l’addition des consciences individuelles.» C’est ce qu’ArcelorMittal appelle le Take Care ! : identifier les risques, les signaler et prendre les initiatives pour faire respecter les règles. «Même si c’est un ouvrier qui doit les rappeler à un chef», a carrément lancé le directeur de l’usine de Differdange, Carlo Koepp.

«L’usine change tous les jours»

Une usine vit le jour comme la nuit. «À Belval, nous sommes plus de 900, à Differdange, 700, a rappelé Gérard Bauer. Avec les rotations de poste, quand un ouvrier revient, il ne reconnaît plus son usine. Des stocks sont rentrés, du matériel a pu être abîmé… Il faut se réapproprier son espace.» Le danger vient de là : tomber dans une routine. L’affirmation est particulièrement vraie pour ceux qui travaillent en hauteur (maintenance), avec la chaleur (fondeur), au contact de sources d’énergies (gaz, électricité) et surtout, dans les manipulations de charges : charger une poutrelle sur un camion, décharger un cylindre pour le laminoir… autant de risques fatals.

Un tas d’ateliers ont été montés pour l’occasion. Des agents aguerris ont rappelé comment se servir des perches pour guider une charge. Ailleurs, des secouristes ont expliqué les règles d’une intervention sur un grand brûlé, non sans quelques prouesses théâtrales des ouvriers. On a aussi insisté sur le balisage d’une zone de danger.

Hubert Gamelon

« L’implication de chacun… »

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Alex Nick, le directeur général d’ArcelorMittal Luxembourg, se montre très ferme sur la sécurité au travail.
Quels sont les chiffres de la sécurité dans les usines luxembourgeoises d’ArcelorMittal ?
Alex Nick : Ils sont plutôt bons, autour de 1,07 accident par million d’heures travaillées. C’est légèrement mieux qu’en 2014, cela nous incite à poursuivre les efforts (NDLR : et c’est beaucoup mieux qu’à la fin des années 90, où le chiffre de 15 accidents par million d’heures travaillées était annoncé).

L’objectif « zéro accident grave » est-il tenable dans l’industrie lourde ?
Le monde de l’usine est à part. Il est traversé par des camions, des rails, des engins d’envergures. On y produit des tonnes d’acier à plus de 1 400 degrés. En réalité, la plupart des accidents ne résultent pas de ces situations dangereuses, mais de problèmes lors du transport des marchandises ou de chutes. Nous avons atteint un stade où l’implication de chacun fera la différence. J’aime la comparaison avec la ceinture de sécurité : au début, les automobilistes trouvaient cela idiot. Puis ils ont eu la peur du gendarme. Et aujourd’hui, enfin, chacun sait que c’est important.

N’y a-t-il pas un piège de la course à la production ?
Nous ne courons pas derrière la production, mais la qualité. L’acier luxembourgeois est réputé pour cela. La sécurité est par ailleurs entièrement compatible avec la production. Quand vous ne rangez pas vos outils, et que vous perdez 80% de votre temps à les chercher dans votre garage, vous n’êtes pas efficace n’est-ce pas ?

À quand remonte le dernier accident mortel au Luxembourg ?
Je suis directeur général du pays depuis 2014, je n’ai pas eu à vivre ce genre d’évènement. Je crois que l’année 2010 avait été assez terrible (NDLR : effectivement, trois accidents mortels).

Les mentalités ont-elles changé ?
Historiquement, la sidérurgie c’était : « J’ai des bras musclés, on est virils, il ne peut rien m’arriver… » Bon, je caricature un peu. Quoi qu’il en soit, en réalité, la sécurité est aujourd’hui une question de discipline drastique, qui inclut chaque ouvrier dans le raisonnement. Les accidents graves n’ont pas forcément lieu à l’autre bout du monde, les ouvriers en sont conscients. (NDLR : sur les 27 morts en 2015 dans le groupe ArcelorMittal, 15 ont eu lieu en Europe).

Les accidents de masse ont également totalement disparu…
L’explosion due à de l’humidité dans une poche de fonte, le problème des gaz mortels qui stagnent dans les espaces confinés comme les silos… On connaît ces risques tellement bien, on en a tellement peur, qu’on sait les gérer.
Recueilli par H. G.

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